« Contre le Mali, il nous faudra faire preuve d’application, de générosité et de discipline »
Cafonline : Le Bénin a entamé le dernier tour éliminatoire CAN/CM 2010 par une courte défaite au Ghana. S’incliner 0-1 à Kumasi est, au strict niveau du résultat, une performance encourageante sinon une bonne performance. Est-ce que vous partagez cette opinion ?
Michel Dussuyer : « A mes yeux une défaite n’est jamais une performance puisqu’au coup de sifflet final votre total de points est égal à zéro. Nous sommes dans une compétition de haut niveau face à des adversaires réputés, reconnus en Afrique et ailleurs dans le monde. Nous jouons une épreuve impitoyable avec à l’arrivée trois équipes qui seront satisfaites et une qui restera sur le carreau ».
Avez-vous tiré de cette première sortie des enseignements précieux pour la suite de la course à la qualification. Votre équipe a-t-elle les moyens de briguer la première place du groupe ?
« Notre premier match n’a pas été négatif sur la forme. Nous avons réussi à faire déjouer le Ghana, à le contenir sur le plan offensif, à asseoir une assez bonne maîtrise collective, à bien garder le ballon au sol. Je dois reconnaître que le Ghana est une équipe qui laisse l’adversaire s’exprimer. L’objectif du Bénin c’est la qualification pour la CAN. Si la logique était respectée le Ghana et le Mali devraient en découdre pour la première place du groupe, le Soudan et nous pour la troisième place. Ce que j’espère c’est de ne pas avoir à jouer notre qualification pour la CAN sur notre dernier déplacement à Khartoum. Tout ce que je vous dis, c’est l’impression d’avant éliminatoires. Maintenant le charme du football, c’est qu’il est parfois imprévisible ».
Lors du tour précédent vous avez créé la surprise en éliminant l’Angola. Pensez-vous que votre équipe a réalisé des progrès depuis ses matches de 2008 et qu’elle a encore gagné en homogénéité et en maturité ?
« Nous avons utilisé à fond le calendrier FIFA. Nous sommes allés au Caire le 19 novembre et à Blida le 11 février. Nous avons pris une bonne gifle contre l’Egypte (1-5) et nous nous sommes inclinés par un but d’écart en Algérie (1-2). Dans ces matches de préparation, j’aime rencontrer des grosses cylindrées, car le travail qu’on peut effectuer est plus intéressant. La défaite contre les Pharaons a ramené tout le monde à la réalité, notamment après une première mi-temps catastrophique. On a payé cash toutes nos erreurs. Je crois aussi que, psychologiquement, cela permet de prévenir le public, de leur dire en quelques sorte, ne nous voyez pas plus beaux que nous ne le sommes ».
Le Ghana que vous avez rencontré figure toujours parmi les équipes en vue en Afrique, même si ses titres se font rares. Est-ce lui qui est surcoté ou est-ce le Bénin qui est encore sous-coté ?
« Je m’occupe de mon équipe avant de juger les autres. Le Ghana possède de grosses individualités capables de faire la décision. Cependant une addition d’individualités ne constitue que la base d’un ensemble de haut niveau. Doivent s’y ajouter une âme, une discipline. Ce sont les ingrédients de la réussite au plus haut niveau ».
Au mois de juin vous recevrez d’abord le Soudan avant de vous déplacer à Bamako. Vous êtes dans l’obligation de gagner à Cotonou et si possible de rapporter au moins un point de votre voyage au Mali. En 2008, lors de la CAN à Sekondi, vous aviez été battu par les Maliens sur un penalty de Frédéric Kanouté. Est-il possible de faire mieux cette fois
« Le match du 7 juin sera le match-clé. Notre adversaire principal, c’est le Soudan. C’est notre adversaire pour la qualification à la CAN. Je connais peu cette équipe. Mais elle sera une formation à redouter, comme les autres. Sur la photo de départ, vous avez toujours les petits et les grands. A l’arrivée ce sont parfois les petits qui se faufilent devant. Contre le Mali, il nous faudra faire preuve d’application, de générosité et de discipline. Pour nous, le déplacement à Bamako sera la réplique de celui à Kumasi. On n’aura pas l’étiquette de favori ».
Depuis quelques années, le Bénin a réalisé de gros progrès qui l’ont conduit a tutoyé l’élite. C’est aujourd’hui un adversaire qualifié de « dangereux ». Quelles sont ses qualités. Dans quels domaines peut-il encore surprendre ses adversaires ?
»J’ai la chance de disposer d’un groupe sain et ambitieux. Il y a dans mon équipe une bonne base de travail pour engager une progression. Mon souci a été et est de l’étoffer et de l’enrichir. Ca vient petit à petit. Les bons résultats engrangés ces dernières années ont permis une prise de conscience collective. Il y a une très perceptible volonté de réussir, de se battre avec les meilleurs. Tant que le Bénin n’était pas présent aux grands rendez-vous, le public vivait sonfootball par procuration, à travers d’autres équipes, d’autres pays, d’autres footballs. Le sentiment général est que désormais le football est une réalité au Bénin ».
Le fait que les joueurs béninois évoluent de plus en plus à l’étranger est-il la seule explication à cette montée en puissance ?
« La réussite actuelle d’un Stéphane Sességnon avec le Paris Saint Germain valorise l’image du football béninois. Quand on parle du Bénin, son nom vient immédiatement à l’esprit. Et s’il existe, c’est la preuve que dans le pays, il y a nécessairement d’autres joueurs de cette qualité. Stéphane est en train de prendre une nouvelle dimension et je sens qu’il a envie de s’investir davantage auprès de la sélection ».
Vous avez une bonne expérience de l’Afrique. Vous avez dirigé la Guinée à la CAN 2004 qui avait été battue de justesse en quart de finale par la Mali puis vous étiez dans le staff d’Henri Michel avec l’équipe de Côte d’Ivoire lors de la CAN 2006. Pensez-vous que la cuvée 2009, globalement, toutes équipes confondues, est meilleure que les précédentes ?
»Mon sentiment est que les équipes africaines sont capables de réussir un gros coup en Afrique du Sud. Je vois bien l’une d’entre elles dans le carré d’as. Les footballeurs africains dont on vous cite les noms régulièrement dans les journaux sont des joueurs de très haut niveau. Ils évoluent avec les meilleurs dans les plus grands clubs du monde, dans les plus grands championnats. Leur apport à leurs sélections respectives est considérable. Franchement, j’attends une grosse performance de leur part au Mondial. Non seulement ils ont le talent mais ce sera la première Coupe du monde jamais organisée en Afrique ».
Au début on débarque en Afrique par hasard. Puis on y travaille ensuite par plaisir ?
« Lorsque je suis parti en Guinée en 2002, il m’a fallu me décider très vite. Je ne l’ai jamais regretté. C’est dur par moments. Il y a beaucoup de travail à faire. Mais on peut apporter son savoir-faire, son sens de l’organisation, son expérience. Ma volonté est de laisser une trace là où j’ai exercé ma profession. Que ceux qui m’ont fait confiance se souviennent de mon dévouement à leur cause, à leur équipe nationale, à leur football. Je n’aimerais pas qu’on parle à mon propos de mercenaire. Partout où je suis allé en Afrique, je me suis efforcé d’apporter le meilleur de moi-même ».
Quelles sont, d’après vous les cinq équipes qui accompagneront l’Afrique du Sud à la Coupe du monde ? Le Bénin sera-t-il dans le lot ?
« Nous sommes dans le Top 20 du football continental. C’est presque une phase finale. Les meilleurs sont tous dans la compétition. Dans ces conditions, il est difficile de répondre à cette question. Spontanément je vous répondrais Egypte et Côte d’Ivoire. Pour toutes les équipes, ce sera très dur. Je crois qu’il faudra attendre l’ultime journée pour connaître le verdict. Ce sera très dur pour tout le monde. N’oubliez pas que sur les cinq représentants à la dernière Coupe du monde, quatre n’y étaient jamais allés ».
Le surnom « Ecureuil », synonyme de gentil, est-il aujourd’hui le mieux adapté à une équipe de football ambitieuse, de plus en plus sûre d’elle-même et peut-être un jour dominatrice ?
« Question inattendue ! Mais la symbolique est intéressante. L’écureuil est un animal agile, prévoyant, malin qui sait où il veut aller. Un petit qui travaille pour demain. La comparaison n’est pas pour me déplaire ».
Cafonline.com


