J. Atayi-Guèdègbé/ mode de désignation du représentant de la soc. civile au sein de la cps

J. Atayi-Guèdègbé « Il n’appartient pas aux tenants d’une société civile aux ordres de nous indiquer la procédure convenable … là où ils ne raisonnent qu’en termes d’obligés, de pantins taillables et corvéables à merci »
Joël Atayi-Guèdègbé, notre invité de ce jour, est président de l’association Nouvelle Ethique, membre de Fors- lépi ainsi que du Comité national de supervision de la désignation des représentants de la société civile à la Cps et à la Ccs.
Il s’est essentiellement prononcé sur la crise qui secoue actuellement la société civile par rapport à la désignation de leur représentant au niveau de la Commission politique de supervision de la réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) et le Recensement électoral National approfondi (Rena). Il dénonce ici les basses manœuvres du gouvernement dans le but de vassaliser la société civile.

Fors-Lépi a procédé à la désignation du représentant de la société civile après un processus qui vous a conduit dans les tous les départements du Bénin. Cependant, vos détracteurs vous accusent d’être restés en vase-clos pour désigner Orden Aladatin pendant que, eux seraient allés au niveau des soixante dix sept communes. Est-ce que les soixante dix sept communes étaient représentées ? N’est ce pas un peu plus l’expression d’un processus plus démocratique que celui initié par FORS LEPI ? Que répondez-vous  à cela ?
Il s’agit d’arguments qui divertissent de l’essentiel, à savoir le piratage par les DDCRI et d’autres fonctionnaires certainement assurés de la protection complaisante de leurs ministres ou du président de la République, chef du gouvernement d’une procédure interne, mais publique, adoptée en Ag le 19 mai par les structures faîtières et autres OSC intéressées par la représentation de la société civile aux sein des organes prévus par la loi relative à la mise en œuvre du RENA et de la LEPI. Il ne s’agit pas de décréter démagogiquement dans l’ombre des ministères ou par pressions et intimidations que notre corps électoral devrait être constitué des 77 élus au niveau communal sans s’interroger sur les raisons ( souci d’une représentation de qualité, économie des ressources financières, contraintes de temps, etc ) qui ont milité dès le départ en notre sein à retenir le principe d’un collège électoral constitué des structures faîtières membres de notre Comité national de supervision et des six délégués retenus à l’issue des assemblées organisées par nos soins aux chefs lieux actuels de nos départements. Au surplus, le chronogramme, les procédures et critères ayant été débattus et adoptés au cours de l’Ag qui a mandaté le Comité national de supervision mis en place le 19 mai, le MCRI ayant été invité à observer le processus que, de manière autonome, nous essayions de lancer, les arguments exhibés pour nous contredire tombent sous le sens, car il n’appartient pas aux tenants d’une société civile aux ordres de nous indiquer quelle devrait être la procédure convenable et qui devrait être (hérésie absolue !) la couleur politique de notre représentant là où ils ne raisonnent qu’en termes d’obligés, de pantins taillables et corvéables à merci pour de basses besognes de leur dessein. Il est donc évident que le Ministère invoque, pour s’autoriser l’interventionnisme que nous dénonçons de sa part, l’existence de mécontentements et de recours qui lui seraient parvenus. Quel  abus ! Or, à supposer que leur motivation réelle ait pu être de s’autoriser à s’ériger en juge des conflits au sein de la société civile, ils auraient dû s’imposer d’entendre nos explications ou au besoin de nous faire des observations sur notre conduite du processus de désignation de  nos représentants.
Le Ministre chargé des relations avec les institutions et son Directeur de cabinet sont l’un et l’autre respectivement avocat et magistrat et auraient pu s’imposer d’observer ce principe intangible de la justice, à savoir, l’audi altera partem qui n’est que le principe du contradictoire.  Mais, en réalité, il ne revient pas au ministère chargé des relations avec les institutions de s’ériger en juge et de s’arroger ainsi les prérogatives des cours et tribunaux qui relèvent de l’Autorité judiciaire, dans un régime de séparation des pouvoirs, même mâtinée de collaboration entre eux. Au-delà, cette affaire met en lumière le rôle particulièrement néfaste que jouent par rapport à la paix et la concorde  nationale certains DDCRI dont on  devrait se demander dans le cadre d’un contrôle citoyen effectif en quoi de telles directions départementales seraient en charge avec les institutions constitutionnelles qui n’ont pas, à l’exception de la HAAC, de service déconcentrés en dehors de Cotonou ou Porto-Novo. Nous croyons au fond que le temps est venu d’en finir avec ce genre de structures budgétivores et dangereuses, qui outrepassent largement ce qui aurait pu être un rôle de facilitation pour les OSC situées loin de la capitale, mais s’investissent avec les moyens de l’Etat, donc nos impôts dans des entreprises nuisibles à la paix et à la concorde entre les béninois, entre la société civile et les pouvoirs publics.

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Alors, on comprend donc que vous avez déposé des recours devant la cour constitutionnelle. Mais, en votre âme et conscience, pensez-vous que ces recours vont prospérer ?
C’est d’abord un droit constitutionnel pour toute partie qui se sent lésée de se pouvoir en justice aux fins d’y faire entendre sa cause d’un juge rigoureusement impartial. En cela, nous voulons rester pleinement confiants dans nos institutions, quelles que soient leurs dérives supposées ou avérées. Ensuite, la Cour constitutionnelle est le dernier recours en matière d’élection, donc en matière d’établissement de la liste électorale au Bénin. Mais revenons à notre recours. Ardents partisans de l’état de droit démocratique et, croyant en ces valeurs là, nous n’osons imaginer que la Cour constitutionnelle se laisserait aller à la tentation partisane ou qu’elle s’engagerait dans le sentier hasardeux de la variation jurisprudentielle. Sinon, au minimum, il y aurait là de quoi occuper longuement des amphithéâtres des facultés de droit ! Enfin, parce que, c’est de la consolidation de l’état de droit qu’il s’agit avec la toile de fond de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, c’est aussi de l’autonomie peine et entière de la société civile, contre-pouvoir non institué par essence, qu’il s’agit dans ce débat, avec au premier chef le respect des libertés d’opinion et d’association.

Ejecté des structures devant réaliser la Lépi aujourd’hui, quel sera l’attitude de Fors-Lépi ? Vous vous rangez ? Vous vous voyez faire ? …..

Je le répète, nous attendons avec la plus grande sérénité la décision qui serait celle de la Cour constitutionnelle. Citoyens disciplinés, animateurs de l’action civique dans notre pays, notre devoir est de donner l’exemple, de nous soumettre ainsi que le prévoit la loi à toute décision non susceptible de recours, qu’elle nous soit favorable ou pas. Comprenez nous bien, nous n’avons fait qu’exercer une prérogative, le recours en inconstitutionnalité contre des actes illégaux pris par le gouvernement de notre pays. Deuxièmement, nous n’avons pas mené, avec la détermination dont chacun a été témoin, le plaidoyer en faveur de la LEPI  pour nous en laisser conter ou exclure à peu de frais. Nous n’attendons pas au demeurant d’être présents dans les structures prévues à cet effet avant d’apporter notre modeste contribution à la construction d’un état de droit démocratique dans notre pays. Ceux qui nous connaissent et nous ont vu à l’œuvre savent que ce n’est pas d’aujourd’hui que date notre engagement en faveur d’élections transparentes, libres et fiables dans notre pays. En cela, notre credo est d’intensifier notre veille civique pour que la Lépi survienne avant les présidentielles et législatives de 2011 dans la mesure où le calendrier électoral, s’il était maintenu, ne permettrait pas de réaliser une quelconque lépi avant 2026 ou 2030. Donc croyez nous, il s’agit d’une situation qui impose à chacun des citoyens de notre pays, un engagement résolu aux fins de nous ménager dès maintenant, comme nation, la paix des lendemains.

On est tenté de vous demander de quoi se plaint aujourd’hui la société civile quand on sait qu’à travers elle, elle a eu quelques, ou elle a encore des représentants au niveau du gouvernement ?  Ce qui tend à établir son copinage avec le pouvoir en place…

Je répondrai encore que nos récriminations actuelles contre le gouvernement portent fondamentalement sur son immixtion dans un processus de désignation par les acteurs de la société civile de ses représentants au sein d’organes électoraux auxquels la loi a par ailleurs prévu au gouvernement ses quotas propres. Nous sommes d’autant plus outrés d’un tel comportement que, non seulement, il est revêtu de l’autorité de la chose jugée pour avoir déjà été sanctionné par le passé au niveau de la Cour constitutionnelle en 2005 et de la cour suprême en 2008, mais il s’accompagne sur le terrain d’intolérables appels aux réflexes de la haine interethnique et de l’utilisation frauduleuse des finances publiques.
Pour en revenir à l’entrée au gouvernement d’acteurs de la société civile, il y a lieu de reconnaître que c’est souvent un événement remarquable et une source de commentaires, voire de quolibets. Je vois très bien l’allusion et j’entends l’accusation. Mais sachez que là encore c’est de l’ordre de la liberté individuelle. Il est regrettable certainement que sans crier gare, certains de nos collègues basculent ou entretiennent la confusion entre sphère partisane et sphère non partisane, sans faire l’amitié à leurs collègues ou compagnons de lutte de les informer de leur choix, de leur orientation nouvelle. C’était souvent le cas mais je crois qu’au finish, c’est au comportement, à la conduite de chacun qu’on saura reconnaître le bien fondé de ce type de choix. La société civile ne saurait être un carcan pour ses acteurs, mais le libre choix d’engagement opéré par ses animateurs d’intervenir dans la vie publique à partir de cette référence appellerait à tout le moins l’observance d’un minimum de code d’honneur et de sens de la vérité. Il ne nous appartient donc pas donc de porter un jugement sur l’entrée des uns et des autres au gouvernement. Toutefois, c’est à l’aune de la fidélité aux idéaux qu’on prônait quand on était du côté de la société civile, et non en considération des moyens de la puissance publique auxquels on accède plus directement à partir du gouvernement, qu’au finish, l’évaluation de nos choix d’itinéraires devrait se faire.  Ce qui encore plus est sans doute en cause, c’est le devoir de vérité pédagogique que devraient s’imposer ceux de nos collègues qui sont intéressés de participer de façon partisane à la vie publique au plus haut niveau. c’est la pédagogie dont on devrait faire preuve en marquant nettement un temps de rupture, de cessation d’activités au niveau de la société civile, le temps de se préparer, moment que j’appellerais un temps de veuvage afin de se préparer à légitimer une décision personnelle d’engagement au sein des partis politiques ou de participation conséquente à l’exercice du pouvoir exécutif en l’occurrence.
De fait, en dehors des périodes de crises ou de transition, la société civile ne saurait, comme entité, être membre d’un gouvernement, sinon, cela équivaudrait à un sérieux non-sens ; d’autant plus que dans un système démocratique digne du nom, la société civile a pour  fonctions essentielles: l’éveil des consciences civiques, la suppléance des pouvoirs politiques et le contingentement de la prétention de tous les pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, à la totalité. N’étant pas en crise, et observant que les institutions prévues par la constitution fonctionnent cahin-caha, un gouvernement, en ces circonstances, devrait plutôt être le reflet de majorités visibles issues des partis politiques et capables de conduire une politique de développement pour notre pays. Tout au plus, pourrait-on accepter qu’en les nommant, il s’agisse de distinguer effectivement la compétence de certains de nos collègues, mais sans prétention, en tout cas, à une représentation au gouvernement de la société civile, contre-pouvoir non institué par essence.

Quel regard portez-vous sur l’élection de Epiphane Quenum à la tête de la Cps ? 
Il est heureux que le bureau de la CPS ait été constitué assez vite, en tout sans toutes ces manœuvres et invectives tragi-comiques observées par le passé au niveau des organes électoraux dans  notre pays. Par conséquent, nous voudrions espérer que la désignation de l’Honorable Epiphane Quenum n’est pas le résultat de marchandages inavouables, de compromis répréhensibles et que c’est l’expression d’une reconnaissance pour sa compétence, son engagement, que ce serait aussi l’expression de la confiance en une personne suffisamment habitée du sens de l’Etat et de l’intérêt général pour conduire la réalisation d’une Lépi fiable, consensuelle, je le rappelle, c’est très important pour empoter l’adhésion de tout un chacun. De toute façon, j’ose croire que chacun des membres de la CPS, y compris notre collègue de la société civile qui y siège indûment, aura observé un sens élevé de la responsabilité qui est désormais la sienne au sein de la CPS pour assurer par la réalisation de la LEPI davantage de transparence dans nos élections, puisque c’est souvent d’élections frauduleuses que naissent nombre de conflits violents. S’agissant des désignations au sein de la CPS aux postes de superviseur général et de rapporteur chargé des finances,  il aurait sans doute été souhaitable de mieux associer toutes les forces en présence, notamment celles dites de l’opposition non déclarée à l’Assemblée, mais pour l’instant, permettez que je m’en tienne à cela, le temps d’observer à l’œuvre tout un chacun.

Réalisation :Benoît Mètonou

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