L’Afrique et la savane des fauves

Le vent de renouveau démocratique qui a soufflé dans les années quatre-vingt-dix sur le continent africain ne l’a pas malheureusement débarrassé de toutes ses dictatures. Ni du népotisme, ni du tribalisme et du régionalisme, ni du clientélisme, ni de la mauvaise gouvernance.

Il n’a pas non plus réussi à balayer tous ses enfants crève-cœur qui continuent encore aujourd’hui, vingt ans après, à plomber son décollage et a annihiler les efforts de paix et du bien vivre ensemble des populations conscientes et citoyennes.

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Et pourquoi ? Parce que la trajectoire de ce vent semble avoir été copieusement détourné sur le continent, et selon les pays, de ses principaux objectifs,  qui devaient être :

-l’instauration de système démocratique multipartiste

-le respect des droits de l’homme, des droits économiques et syndicaux

-l’introduction et l’amplification de règle de bonne gouvernance devant conduire au développement économique

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-l’édification d’une société de justice, de paix et de solidarité,  etc…

Quel bilan tiré, aujourd’hui, avec une classe politique contrastée, des acquis des Conférences nationales initiées sur le continent – Bénin, Niger, Congo, Togo, R D Congo… – et autres cas de systèmes népotistes érigés –  Togo, R D Congo – ou de régimes autocratiques qui n’ont de démocratie que dans les textes façonnés à la mesure de grands autocrates qui les dirige – Gabon, Burkina, Congo, Centrafrique, Cameroun, Tchad ?

Quelle appréciation portée sur le Mali, le Ghana, le Botswana, l’Afrique du Sud ? A part que ses pays cités supra suscitent espoir. 
Que dire des cas de la Côte d’Ivoire, de la Mauritanie, de la Guinée et du Madagascar ? Qu’on en est aussi malade et qu’on prie beaucoup pour le retour à l’ordre constitutionnel dans ses pays.

Quel autre bilan tiré de la nouvelle vague d’alternance démocratique des années 2000 et 2006 qui a vu porter au pinacle du pouvoir par le fluide souffle du vent de changement des populations – Sopi au Sénégal de Maître Wade, Changement et Emergence au Bénin de Yayi Boni –. Des civils technocrates pourtant expérimentés ? Le Sénégal et le Bénin sont deux expériences démocratiques incomparables certes, mais il sera aisé à tous de constater que ces deux pays sont en panne démocratique et de dialogue politique depuis des mois avec des élections à polémique, les manipulations électoralistes et institutionnelles, la manipulation de l’opinion nationale et internationale, l’instrumentalisation des syndicats et de la société civile, la gestion hasardeuse des ressources publiques. Les scandales financiers qui défient tout sens logique – dossier de l’ANOCI au Sénégal et dossier de la Cen Sad au Bénin, défraient toujours la chronique au Sénégal et au Bénin, pour donner que ses exemples -.

Que retenir des traces des Mobutu, Gnassigbé (père), Kabila (père) et Bongo Ondiba ? Ruines, tortures, arbitraires, achats de conscience, combines,  désespoir, pleures, larmes et famine pour les peuples.

Quel est le principal point commun des Régimes Tandja, Mugabé, Deby Itno, Paul Biya, Sassou N’Guesso, Bozizé François, Blaise Compaoré ? Ils ont tous œuvré à faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats et voir la limitation d’âge pour ce qui concerne Mugabé, afin que les Princes puissent s’éterniser au pouvoir.

La faillite du continent est symptomatique de l’incapacité chronique et récurrente de ses dirigeants dont l’Histoire du libéralisme politique et économique, de la prospérité et du développement économique ne retiendra que leur propension à la mendicité – Aide internationale, prêt et soutien divers – , leur incapacité à former une équipe diligente et sélecte à compétence variée, et leur irresponsabilité à mieux surveiller leurs commis ou délégataires – et surtout la propension de ses derniers à détourner les deniers publics à eux confier et à s’adonner au trafic de tous genres.

L’Afrique. Notre chère Afrique est pourtant riche. Elle dispose de toutes les ressources imaginables. Ses sous-sols sont riches, ses fleuves et océan recèlent de trésors, parfois même insondables. Ses enfants sont compétents, formés dans les meilleures écoles et universitaires africaines, occidentales et orientales.. Ses diasporas sont en constante alerte dans l’élite mondiale des Nations riches et émergentes. Beaucoup de pays africains pratique la démocratie. Quelle soit dite représentative : désigne les élus du peuple, responsables de la gestion de la souveraineté de l’Etat. Ou quelle soit dite participative : gère la souveraineté du peuple par l’intermédiaire de la société civile.

Et pourtant, beaucoup de pays africains sont aujourd’hui en proie au totalitarisme, la mauvaise gouvernance conséquence sans doute de la montée en puissance de la financiarisation et de la corruption, dans un système failli et en constante dérive monarchique. Les connexions mafieuses en occident, les anciens colons et leurs héritiers, n’hésitent à pas perpétuer la tradition de pillage du continent en servant de réceptacles et de receleurs des délinquants financiers et trafiquants de tout genre africains hauts perchés au pouvoir. L’Afrique constitue un cas d’école.

Qu’ils soient militaires reconvertis, civils pure souche  ou technocrates zélés et rompus à la tâche,  pour s’éterniser au pouvoir une fois parvenus, tous les moyens sont bons pour eux, aucun artifice n’est de trop. Les petits arrangements entre amis, les pressions diverses sur l’opposition et la société civile, mais aussi les entorses les plus graves aux règles démocratiques et institutionnelles : modification de lois électorales, découpage de circonscription taillée à la botte du Prince, tripatouillage constitutionnel, mouvement de préfets ou commissaires du gouvernement et autres déploiements dans l’armée et dans les forces de sécurité et de sûreté, mutation de fonctionnaires et mise à disposition – le placard – …. L’égrenage de tout le chapelet risque de prendre très long, aussi il est convenant de s’arrêter sur ces quelques lignes.

De l’Algérie au Bénin en passant par la Libye, la Tunisie, le Tchad, le Niger, le Burkina, le Togo et le Nigeria. Du Cameroun à la Guinée équatoriale en passant par le Gabon, la Centrafrique, la RD Congo, le Congo, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda . Du Sénégal au Cap-vert en passant par la Gambie, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau, le Libéria et la Sierra Leone, etc…. C’est toujours ce féroce appétit de tout contrôler, tout avoir à l’œil qui poussent les dirigeants africains à vouloir : achever l’entreprise de reconstruction nationale ou d’édification d’une société riche, pacifique et prospère. Grande et grandissime œuvre entamée par eux seuls, qui ne peut être laissée entre des mains pas suffisamment expertes. Vous avez bien compris.. Le totalitarisme est la maladie dont souffre la majorité des dirigeants africains, véritables demi-Dieu, irremplaçables de surcroît, pensent-ils. Qui dans leur cynique logique de confiscation du pouvoir et des libertés opèrent tous de la même façon. Ils entonnent tous la complainte des misérables : « L’Afrique est en crise du fait de sa faible croissance économique et de sa forte croissance démographique, de la baisse de ses revenus et de ses investissements, de sa production alimentaire décroissante, des continuels troubles sociaux, de la dégradation de l’environnement, des institutions médiocres – qu’il faudra aider abondamment à façonner – et des marchés imparfaits, de l’aide déclinante et de l’importance de la dette…». D’accord, pour ses arguments chocs. Mais quand on a fini d’exaspérer son peuple, après l’avoir éprouvé à l’extrême avec des manières peu amènes, une gestion népotique, clanique et clientéliste. Le bon sens et la morale voudraient qu’on demande pardon au peuple et qu’on rende le tablier – pas à son fils, son frère, son cousin ou meilleur ami ; l’humilité recommanderait même qu’on le rende à ceux qui vous ont le plus décrié, dénoncé et combattu. Les irremplaçables ne sont pas de ce monde c’est certain, mais les irresponsables, prêts à  se gaver sur le dos des populations, prêts à mettre le feu à la maison et jeter les populations, déjà durement affamées et négligées, dans les rues assombries lorsqu’on leur demande de respecter la constitution et les institutions, ça, y en a malheureusement plein la savane africaine.

On a bien envie de rire, mais le cœur n’y est pas, lorsqu’on attend parler dans certains pays de moralisation de la vie publique et de la bonne gouvernance ou gouvernance concertée alors que le bon exemple tarde à descendre du sommet vers la base ou arrive à compte goutte. Super a-t-on envie de dire aussi, au Bénin, en moins de 30 jours on a vu deux ministres débarqués du gouvernement pour cause de mauvaise gestion et peut-être voire plus (corruption). Peut-être aura-t-on bientôt les premiers cas d’embastillement pour fait de corruption et de détournement de Ministres en exercice sous Yayi Boni ? Comparaison n’est pas raison, mais rappelons que Wade avait fait embastiller son ex premier ministre Idrissa Seck dans le dossier dit « des chantiers de Thiers ».

On a envie d’applaudir aussi l’opération épervier au Cameroun de Paul Biya, consistant à vouloir faire rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale, lancée dans le cadre du processus d’accès au dispositif PPTE, mais seulement, et là aussi, près de 3 ans après,  on éprouve une grande retenue à réclamer la tête du Chef de l’Etat camerounais lui-même. Bon, on aura pas la tête à Paul Biya, mais c’est sûr, avec insistance il nous livrera bientôt celle de son ex premier Ministre récemment limogé, cité nommément dans plusieurs dossiers, donc éperviable lui aussi. Des fusibles prêts à sauter et à être remplacé, c’est pas ce qui manque chez les apprentis  électriciens de la démocratie africaine. Mais qui doit rendre compte au peuple ?
Par Guillaume ADOUVI
Sika Info – 11 juillet 2009

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