L’as de pique de Nicéphore Soglo

N. SogloElle ne peut être de l’ordre ni d’un fait banal ni d’un fait divers, la démission de Nicéphore Soglo. Le président d’honneur de la Renaissance du Bénin, à la surprise générale, vient de rendre son tablier. C’est un acteur majeur de la vie politique nationale qui choisit de s’illustrer ainsi. Et le parti qu’il quitte est l’une des formations politiques en vue et dont l’histoire se confond, à bien des égards, avec celle du Renouveau démocratique (RB).
La démission de Nicéphore Soglo est de l’ordre d’un acte politique d’importance. Il nous paraît plus utile de dépasser vite la crise que cette démission ouvre au sein de la RB pour en moissonner les enseignements, aussi bien pour aujourd’hui que pour demain, pour le Bénin que pour l’Afrique.
Mais avant toute chose, pourquoi Nicéphore Soglo, ci-devant Président de la République, choisit-il de résilier le contrat qui le lie à la formation qui l’a aidé à conduire une bonne partie de son quinquennat (1991-1996), à porter ses espérances de retour à la magistrature suprême en 2001, à s’assurer, depuis 2002, la direction de la Mairie de Cotonou ?

La RB a confié à une commission le soin de connaître de certains agissements du militant Galiou Soglo. Cette commission, en référence aux textes du parti, a conclu à l’exclusion du mis en cause. La réticence de la Présidente de la RB, Mme Rosine Vieyra Soglo, à endosser la décision et à la faire suivre de l’effet attendu a suscité la réaction du Président d’honneur, Nicéphore Soglo. Ce dernier, a estimé, qu’il y a, en cette affaire, deux poids deux mesures. Il ne lui restait plus qu’à jeter sa démission dans la balance. Les mêmes textes au regard des mêmes fautes, selon lui, auraient dû produire les mêmes effets. On ne saurait donc faire bénéficier à quiconque d’un quelconque privilège, fût-il le fils du couple directeur du parti. Une chose, les relations de famille, une toute autre chose, la gestion d’une formation politique.
La position du Président Nicéphore Soglo est courageuse. Elle tranche dans la chair de sa propre chair. En effet, le mis en cause, appelé à être frappé d’une mesure d’exclusion du parti, n’est autre que son fils, Galiou Soglo. Pas de sentimentalisme donc. Même si c’est au risque de mettre le feu à sa propre maison, à son propre foyer.

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La position du Président Nicéphore Soglo a un fondement objectif. Parce qu’elle s’appuie sur les textes qui régissent le parti. Il vaudra toujours mieux dire le droit que d’emprunter les chemins obliques du dilatoire. « Dura lex, sed lex », disaient les Latins : la loi est dure, mais c’est la loi.

Il reste que la position du Président Nicéphore Soglo intervient sur le tard. Ce n’est pas la première fois qu’il y a un tel niveau d’imbrication des intérêts du parti avec ceux de la famille Soglo. Que n’a-il pas articulé alors et depuis longtemps les principes qu’il défend aujourd’hui ? Celui qui laisse s’enraciner et se consolider de mauvaises habitudes, est en partie responsable des dysfonctionnements subséquents. Et quand celui-là s’avise de sonner le tocsin ou de tirer la sonnette d’alarme, on ne le voit plus que comme un médecin qui a totalement raté le coche, en ne se décidant à agir qu’après la mort du patient.
La position du Président Soglo exhale un parfum d’ambiguïté. C’est, véritablement, une arme à double tranchant. Immédiatement, cette position « reprofile » l’image de l’homme. La preuve, on en dit, actuellement, le plus grand bien. On loue, universellement, son courage, eu égard à son sens de la décision. Il tranche et se singularise dans le landerneau politique national qui nous a habitué à autre chose : exceller dans le bluff et dans la dissimulation, en se faisant le plus tortueux et le plus hypocrite possible.

Mais dans le long terme, la position du Président Soglo, qui a déjà fortement secoué le parti, le laissant KO debout, aura pour effet de le désagréger. Si l’on voulait sonner le glas de la RB et lui assurer un enterrement de première classe, on ne s’y prendrait pas autrement. Car on imagine mal la RB sans Nicéphore Soglo. Il n’a pas usurpé le titre de « Leader charismatique » que les militants de ce parti lui ont donné. Aussi, toute décision extrême, confinant à la mort programmée de la RB, signifie que l’on a choisi, consciemment ou inconsciemment, de jeter le bébé Galiou Soglo avec l’eau du bain. Ce rituel de mise à mort ne profitera à personne.

Aussi reste-t-il à Nicéphore Soglo, après son coup de semonce mémorable et avec les soutiens qu’il recueille de toutes parts, à surseoir à son départ, mais à la condition expresse d’appeler un congrès extraordinaire de refondation de la RB. Le but de l’opération : procéder au transfert de ce parti dans le patrimoine national, afin qu’un bien jusque là familial devienne la propriété du commun des Béninois. Voilà comment on immortalise une œuvre en s’immortalisant soi-même.
Jérôme Carlos
La chronique du 21 juillet 2009

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