Réhabilitation du Cic et gestion de la Cen-Sad

Le rapport accablant de l’Ige

Le Conseil des ministres s’est réuni en séance extraordinaire le vendredi 3 juillet 2009 sous la présidence effective du président de la République, chef de l’Etat, chef du Gouvernement. L’ordre du jour a porté essentiellement sur un compte-rendu des travaux de vérification de l’exécution des commandes publiques d’équipements et de réalisation d’infrastructures passées dans le cadre de l’organisation du dixième (10e ) Sommet de la Communauté des Etats sahélo sahariens (CEN-SAD) tenue à Cotonou en juin 2008.
En effet, dans le cadre des préparatifs de l’organisation dudit sommet devant réunir à Cotonou les Leaders et chefs d’Etat et de gouvernement de cette grande Institution d’intégration africaine, le gouvernement du Bénin a initié la réalisation d’infrastructures d’accueil ainsi que l’achat de divers équipements indispensables qui devraient contribuer à la modernisation des infrastructures de notre capitale économique et servir à l’usage des populations béninoises des années encore après le sommet.
Mais au cours de l’exécution de ces différents projets, des informations persistantes sont parvenues au président de la République, faisant état de nombreuses irrégularités dans la réalisation de ces investissements, notamment dans la gestion des fonds décaissés par l’Etat.

Aussi, le chef de l’Etat, a-t-il chargé l’inspecteur général d’Etat de dépêcher une mission d’inspection pour vérifier les conditions d’attribution et d’exécution des commandes publiques passées dans le cadre de l’organisation du 10e Sommet de la CEN-SAD.

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La mission de l’Inspection générale d’Etat a porté sur les rubriques suivantes :

1°- la viabilisation des sites qui porte sur l’aménagement d’espaces, le dédoublement, le bitumage, le pavage et l’assainissement de voies d’une part, le raccordement téléphonique, l’adduction d’eau et l’électrification d’autre part ;
2°- la construction, l’équipement et l’ameublement de villas de type présidentiel;
3°-l’extension du parking de l’aéroport international Cardinal Bernardin Gantin de Cadjèhoun;
4°- le bitumage de la liaison Aéroport-Place du Souvenir-Carrefour Air Afrique;
5°- l’acquisition et l’installation des équipements de sécurité;
6°- la réhabilitation du Centre international des conférences et du Palais des Congrès de Cotonou.

Des investigations menées par les différentes commissions mises sur pied par l’Inspecteur général d’Etat, il ressort les conclusions suivantes:
 
1- En ce qui concerne la viabilisation des sites, la construction des 14 villas, l’extension du parking de l’Aéroport et le bitumage de la liaison Aéroport-Place du Souvenir-Carrefour Air Afrique:
* des irrégularités et des erreurs ont émaillé la procédure d’attribution de certains marchés;
* l’exercice de la maîtrise d’ouvrage n’a pas été toujours assuré par les départements ministériels compétents ;
* les délais de livraison n’ont pas été respectés dans tous les cas, certaines commandes ayant été livrées en grande partie après la tenue du Sommet;
* les chantiers de construction de villa restent encore inachevés à ce jour ;
* des bureaux ayant réalisé les études se sont vu attribuer des marchés de contrôle en violation des règles en la matière et faisant d’eux juges et parties ;
* des privilèges institués dans le cadre de l’organisation du sommet de la CEN-SAD ont été octroyés pour des marchés de travaux qui ne sont pas concernés;
* des modifications ont été portées aux dispositions contractuelles sans être sanctionnées par des avenants subséquents ;
* les règles relatives au paiement des avances de démarrage ont été violées, en substance des entreprises ont reçu des avances de démarrage dont les taux sont souvent supérieurs à ceux fixés par les textes en vigueur ;
* le paiement des avances de démarrage a accusé un retard important dans la plupart des cas.

2- En ce qui concerne la réhabilitation du Centre international de conférences et du Palais des Congrès de Cotonou.
Dans le cadre des préparatifs du 10éme Sommet des Leaders et Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEN-SAD, le Conseil des ministres avait été informé par le ministre de l’Economie et des Finances de la nécessité d’une véritable réhabilitation du Centre international de conférences et du Palais des Congrès de Cotonou plutôt qu’un entretien courant pour lequel un crédit d’un milliard quatre cent trente millions (1.430.000.000) de francs avait été prévu. A cet effet, après discussions et échange de correspondances, le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme foncière et de la Lutte contre l’Erosion Côtière et le ministre de l’Economie et des Finances en charge de la gestion de ces deux infrastructures et maître d’ouvrage de leur réhabilitation, ont convenu de lancer l’appel d’offres y afférent pour un montant de deux milliard six cents millions (2.600.000.000) de francs CFA. Mais à la phase de la mise en œuvre, le ministre de l’Economie et des Finances a pris la conduite de l’appel d’offres à travers la Cellule de passation des marchés publics de son ministère. Dès lors le dossier a été conduit de façon unilatérale, et une nouvelle évaluation des travaux a été faite pour un montant de cinq milliards cent millions (5.100.000.000) de francs CFA non compris la sonorisation et la sécurité.
Ces deux éléments ajoutés par le ministre de l’Economie et des Finances ont porté le coût de la réhabilitation du CIC et du Palais des Congrès de Cotonou à la somme encore provisoire de six milliards quatre cent sept millions huit cent vingt mille vingt trois (6.407.820.023) francs CFA compte non tenu de l’évaluation des travaux supplémentaires.
Il convient de souligner que tout le reste du processus relatif à l’évaluation des travaux et au choix de l’entreprise adjudicataire n’a pas été soumis au Conseil des ministres pour décision à prendre.

Selon le rapport de l’Inspecteur général d’Etat, les travaux de vérification font ressortir les irrégularités suivantes:

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– la procédure de gré à gré effectuée en violation des dispositions du Code des marchés publics ;
– la consultation ou l’attribution de marchés à des entreprises sans expérience avérée, non qualifiées et non éligibles dans certains domaines;
– la consultation ou l’attribution de marché sans lettre de soumission ou sans appel à concurrence ;
– la collusion d’entreprise et le simulacre de consultation visant à fausser les règles de la concurrence ;
– la pratique de prix excessifs révélés par une contre expertise demandée par l’Inspection générale d’Etat.

Sont symptomatiques de ces irrégularités, selon le rapport de l’Inspection générale d’Etat, l’élaboration unilatérale par le chef de la Cellule de passation de marchés publics du ministère de l’Economie et des Finances, du dossier d’appel d’offres relatif aux travaux de génie civil, l’attribution de marchés de plusieurs centaines de millions aux entreprises Africa Solar Energy (ASE) et Pyramide Ya créées respectivement en octobre 2007 et février 2008 ainsi que l’attribution directe sur indication du ministre de l’Economie et des Finances, du marché de sonorisation d’un montant de un milliard trois cent quatre-vingt-dix-neuf millions cinquante huit mille sept cent quarante (1.399.058.740) FCFA à la Société Malkiel mise en concurrence avec les sociétés SMC et TEG appartenant toutes trois à la même personne.

En dépit de ces investissements colossaux, la Commission a relevé des imperfections significatives dans la réalisation des travaux du Centre international de conférence qui avaient déjà enregistré une perte en vie humaine due à l’effondrement d’un des ouvrages. En effet, la Commission a constaté des infiltrations d’eau dommageables sur la structure métallique du CIC et des eaux stagnantes en permanence sur sa toiture, preuve de l’incompétence de l’entreprise ECAB, attributaire des travaux d’étanchéité.

Le rapport de l’Inspection générale d’Etat souligne enfin que les graves irrégularités relevées dans l’exécution des travaux au Centre international de conférence et au Palais des Congrès de Cotonou sont la conséquence de la conduite solitaire du dossier par le ministre de l’Economie et des Finances qui s’est impliqué pour faire désigner certaines entreprises sans expérience, sans expertise et parfois sans visite de site. La responsabilité incombe également aux membres de la Cellule de passation des marchés publics du ministère et aux membres ayant participé au dépouillement des offres.
Analysant ce dossier, le Conseil des ministres constate que des opérateurs économiques sans scrupule et peu vertueux bénéficiant du laxisme voire de la complicité des animateurs des structures administratives, ont profité de la situation d’urgence que constituait l’imminence de la tenue du 10e Sommet des leaders et chefs d’Etat et de gouvernement de la CEN-SAD à Cotonou pour porter entorse aux règles du Code des marchés publics et mener des affaires qui ont causé des préjudices graves aux finances publiques et à la volonté du gouvernement de donner un visage moderne à cette ville.

Le Conseil des ministres à l’issue de l’examen des conclusions du rapport de l’Inspection générale d’Etat, a décidé des mesures ci-après:

– la reprise sans délai, par les entreprises attributaires avec l’assistance du ministère de l ‘Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme foncière et de la Lutte contre l’Erosion côtière, des irrégularités relevées dans l’exécution des travaux de réfection du Centre international de conférence et du Palais des Congrès de Cotonou;

– la suspension du paiement des factures de travaux dits supplémentaires introduites sans la prise d’avenant ou sans ordre de service du maître d’ouvrage.

Le Conseil des ministres a en outre donné des instructions:
– à l’Inspecteur général d’Etat pour procéder, avec l’appui des structures compétentes, à l’évaluation des surcoûts et surfacturations dans les marchés passés en vue de leur recouvrement au profit du Trésor public et des sanctions appropriées à prendre à l’encontre de tous les acteurs responsables de cette situation.

– à tous les ministres à l’effet de soumettre désormais à l’approbation du Conseil des ministres tous les marchés ainsi que toutes les demandes de recours à la procédure de gré à gré ;

– au ministre d’Etat chargé de la Prospective, du Développement, de l’Evaluation des Politiques publiques et de la Coordination de l’Action gouvernementale, au ministre de l’Economie et des Finances, à l’Inspecteur général d’Etat et à la Commission nationale de régulation des marchés publics aux fins d’approfondir la réflexion sur la gestion optimale des marchés publics au Bénin;

– au ministre de l’Economie et des Finances de relever de leurs fonctions tous les membres de la Cellule de passation des marchés publics de son ministère en poste au moment des faits et qui ont favorisé les irrégularités observées dans le mode de sélection des entreprises ayant entraîné des préjudices aux finances publiques dans les marchés de réhabilitation du Centre international de conférences et du Palais des Congrès de Cotonou;

– au ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme foncière et de la Lutte contre l’Erosion côtière, au ministre de l’Economie et des Finances et au ministre du Travail et de la Fonction publique aux fins d’infliger les sanctions disciplinaires appropriées aux agents des ministères impliqués dans la procédure d’attribution et d’exécution des commandes publiques passées dans le cadre de la réhabilitation du Centre international de conférences et du Palais des Congrès de Cotonou.

Il s’agit de :
– Messieurs:
– Léopold Azondékon et,
-Victor Anannouh, respectivement directeur et directeur adjoint de la construction et de la promotion des matériaux locaux au ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme foncière et de la Lutte contre l’Erosion côtière;
– Monsieur Georges Akogbéto, chef de la Cellule de passation des marchés publics du ministère de l’Economie et des Finances;
• des membres du Comité de dépouillement des offres du ministère de l’Economie et des Finances et/ou du Comité de réception des ouvrages, à savoir :
– Mesdames: – Amidatou A. Agbéti,
– Nicarète Sèdjro et
– Messieurs:
– Cyril Agnon
– Fermat Agbagan
– Achille Hounsa
– Yves Bankolé
– Eloi Adéoyè
– Antoine Houessinon
– Mounirou Makpénon
– Arouna Alidou.
Fait à Cotonou, le 3 juillet 2009
Le premier Secrétaire général adjoint du gouvernement,

Ibraïma SOULEMANE

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