Unité africaine

J. Carlosarrêts sur images

Des salves de bons et de beaux discours. Aujourd’hui 1er juillet 2009 s’ouvre à Syrte, en Libye, le 13 ème Sommet de l’Union africaine. Pas de doute : le rituel sera respecté. Chacun ira de son refrain sur les Etats-Unis d’Afrique. Chacun repartira, la grand-messe terminée, avec la conscience du devoir accompli. A défaut de la capacité opératoire pour une souhaitable unité de l’Afrique, l’incantation sera en vedette. C’est normal : qui ne peut que peu ne peut faire que peu
Tout le monde veut l’unité de l’Afrique, tout le monde rêve d’une Afrique rassemblée et forte. A l’image de ce que d’autres réussissent à faire ailleurs avec beaucoup de bonheur. Reste à en payer le prix, cash et au comptant. Un choix est à faire. Au prix, s’il le faut, de déchirantes révisions. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

Que faire pour dégager l’horizon d’un milliard d’Africains d’une montagne de vœux pieux, de promesses non tenues ou d’illusions entretenues ? On guérit d’autant mieux des maux qu’on a diagnostiqués, donc qu’on connaît. L’Afrique trouvera les chemins de son unité, en commençant par se regarder dans son miroir et par se révolter contre la piètre image qu’elle n’a cessé de donner d’elle-même au monde.
Premier arrêt sur image : le Niger de Mamadou Tandja. Après deux mandats de cinq ans chacun à la tête de son pays, le chef refuse de quitter le pouvoir et de remettre, dans l’honneur et dans la dignité, les clés de la République au peuple électeur, tel que la Constitution de son pays en dispose.

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Pour parvenir à ses fins, Mamadou Tandja a dissout la Cour constitutionnelle qui s’oppose à son projet. Il n’a pas épargné, dans la même foulée, l’Assemblée nationale. Et dans ce Niger qui se veut un Etat de droit, désormais vidé de tout droit, l’homme fort de Niamey, par l’article 53 de la constitution, gouverne par ordonnances et par décrets. Et dire qu’il s’apprête à changer, par référendum, cette constitution dont il se sert en ce moment pour s’octroyer les pouvoirs exceptionnels. C’est du « coupé décalé » du diable à vous couper le souffle, sur fond de textes tripatouillés à loisir. Incroyable !

Le Niger de Mamadou Tandja est manifestement une fausse note dans le concert des Etats-Unis d’Afrique de nos vœux. Car les autres qui réussissent sur ce chemin ne montrent pas un tel appétit vorace du pouvoir. Ils sont rigoureusement démocrates. Ils sont convertis à la religion de l’alternance. Ils respectent les textes qu’ils se sont donnés et qui gardent toute leur valeur contractuelle. Tant que les lendemains de l’Afrique seront troublés par des cas comme celui du Niger, qui ne semble pas être un cas isolé sur le continent, les Etats-Unis d’Afrique participeront davantage d’une chimère, c’est-à-dire d’une vaine imagination, que d’une utopie mobilisatrice.

Deuxième arrêt sur image : le calvaire de circuler d’un point à l’autre de l’Afrique. Et comment iraient-ils vers les Etats-Unis d’Afrique si les Africains ne pouvaient pas se rencontrer, se connaître, se mélanger dans un brassage intelligent et fraternel, porteur des germes d’une solidarité transfrontalière ? Nous sommes des champions pour signer les textes sur la libre circulation des biens et des personnes. Mais qui les applique vraiment dans l’esprit de cette épiphanie des retrouvailles des Africains par delà leurs étroites frontières nationales ?

Sur le tronçon Lagos-Accra, en passant par Cotonou et Lomé, et pour ne prendre que cet exemple, soit sur à peu près 300 kilomètres, il faut compter avec une trentaine de points de contrôle, tous synonymes de tracasseries, de rackets et de vexations diverses. L’Africain qui voyage en Afrique est presque partout un étranger en vagabondage en terre étrangère : visa par-ci, carte de séjour par-là, menace d’expulsion en tous lieux. Que les chantres des Etats-Unis d’Afrique, ici et maintenant, ne nous disent pas qu’ils ignorent une telle situation. L’Afrique unie sera un espace intégré au bénéfice des Africains ou ne sera pas.

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Troisième et dernier arrêt sur image : le marché international Dantokpa de Cotonou. C’est, depuis quelques semaines, la déprime au quotidien et sur toute la ligne. Nos voisins Nigérians ne s’aventurent plus à passer la frontière pour de bonnes affaires au Bénin, depuis que leur monnaie, le Naïra, connaît une dépréciation drastique par rapport au CFA. Hier, 250 000 naïras équivalaient à 1 million de franc CFA. Aujourd’hui, pour ce même million, il faut réunir 350 000 naïras. Comment parler des Etats-Unis d’Afrique avec un continent qui trimballe à sa suite un panier de plus d’une vingtaine de monnaies, la plupart étant inconvertibles ? Rien que le dossier de la monnaie, par son importance stratégique, aurait dû être le préalable à toutes nos élaborations unitaires. La force des Etats-Unis d’Amérique, c’est une seule et même monnaie, le dollar, pour 51 Etats. L’Europe, avec l’euro, a plus que bien retenu la leçon. La réponse de l’Afrique, sur ce sujet, est attendue. Et le plus tôt sera le mieux.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 1er juillet 2009

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