Vacances ! Le mot claque au vent avec toute la charge d’une pleine liberté. Les écoles ferment leurs portes. Les maîtres, contraints et forcés, abdiquent leur part d’autorité, pour se fondre dans la foule anonyme de leurs compatriotes. Les salles de classe sombrent dans un sommeil profond. Adieu livres, cahiers, carnets. Vive les vacances !
Que faire de ces deux mois loin de l’école ? Par quoi sera-t-elle remplacée la discipline de l’école, toute vibrante de ponctualité, d’assiduité et de régularité ? Des milliers de nos compatriotes vont rentrer, les tout prochains jours, dans un espace nouveau. Et les clés de cet espace ne sont nulle part ailleurs que dans leurs mains. Libres, ils le sont, parce que libres d’aller et de venir ; libres de faire bien ou mal, de se faire du bien ou de se faire du mal.
Mais sont-ils vraiment libres, au sens où l’entendait Montesquieu, la liberté étant, selon lui, le droit de faire tout ce que les lois permettent ? Sont-ils effectivement libres au regard de la loi morale, celle inscrite au plus profond de chacun de nous, celle gravée et déclinée, en ses prescriptions impératives, sur la table des lois ?
Si nous avons porté la question de la liberté à ce point, c’est pour nous étonner, puis nous indigner d’une pratique qui, sous couleur de mode, rallie des franges importantes de notre jeunesse. Il faut craindre que les vacances ne l’amplifient en lui fournissant le terreau de son expansion. De quoi s’agit-il ? De ce qui est connu sous l’appellation de « Fuck-friend » ou « l’ami sexuel ». Un magazine de la place le présente ainsi comme suit : « Nous choisissons une personne avec qui nous avons un minimum d’affinités afin d’avoir des relations sexuelles suivies. Ensemble nous définissons des règles claires et précises. Pas de sentiment, pas d’attache, honnêteté et respect sont les règles de base. »
Et le magazine de justifier cette pratique : « Les jeunes gens désirent avoir des relations sexuelles tout en gardant leur indépendance. D’autres n’ont pas le temps de s’aventurer dans une relation sérieuse, préférant se consacrer à leur carrière ou encore à leurs études. Certains attendent tout simplement la rencontre qui leur donnera envie de s’engager »
Ne jouons surtout pas au jeu plutôt malsain des trois singes de la légende. L’un ne veut rien voir. Un autre ne veut rien entendre. Le troisième ne veut rien dire. Tout ce qui arrive à notre société, en bien ou en mal, engage la responsabilité de chacun de nous. Nous en sommes comptables à divers titres. Nous ne pouvons, de ce fait, face à la pratique du « Fuck-friend », écouter sans entendre, regarder sans voir, se taire tout en n’en pensant pas moins. Les vacances ont beau être une parenthèse, telle une pause sur un parcours, elles ne sont pas et ne sauraient être un à-côté de notre vie réelle. Les vacances n’abolissent pas la vie. Les vacances, c’est notre vie. Même vécue sur le tempo d’un temps de repos. Cela ne change rien. Nous demeurons les mêmes avec nos rêves et nos ambitions, avec nos attentes et nos aspirations, avec les principes et les valeurs qui nous guident par les mille et un sentiers de l’existence.
Le « Fuck-friend » pose d’emblée le problème de la relation de notre jeunesse à la sexualité. A moins d’être tenus, nous et les gens de notre génération, pour des vieux en déphasage complet avec les réalités du monde contemporain, le « fuck-friend » nous paraît impersonnel, mécanique, animal. Il ne saurait mériter le moindre de nos suffrages. Et nous aurions été encore plus sévère à le condamner s’il ne s’agissait pas d’engager le dialogue avec nos enfants, nos cadets. Il s’agit d’être convaincant et de convaincre, plutôt que d’avoir à prêcher aux jeunes la morale du haut de nos prérogatives d’adultes et de parents.
La sexualité est une force. La nature en a doté les êtres vivants. En ce qu’il y a une sexualité de la fourmi, du lion, comme de l’homme. Mais ce dernier, à la nature qu’il tient en héritage, ajoute la culture. C’est sa part contributive. La culture, c’est ce par quoi l’homme donne sens à la vie et signifie tout ce qu’il entreprend. La culture, c’est ce par quoi l’homme se différentie de tous les être vivants. La culture, c’est ce par quoi l’homme se pose en co-créateur, pour poursuivre sur terre l’œuvre de création de Dieu. La sexualité, comme force, peut être utilisée par l’homme pour détruire et se détruire, pour construire et se construire.
Seule une sexualité humanisée, ancrée dans les valeurs de la culture, construit l’homme, l’élève et lui restitue toute sa dignité. Aussi faut-il plaider pour une éducation à la sexualité, assortie d’une pédagogie spécifique qui prend en compte les différents publics de jeunes. Quel merveilleux devoir de vacances pour parents, éducateurs, formateurs, tous ceux qui se préoccupent de refleurir le désert de valeurs que tendent à devenir nos pays, nos sociétés. Il n’est que temps de se mettre à l’ouvrage.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 6 juillet 2009
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