«J’ai été le premier professeur noir dans toute la Russie »
Le président du Haut conseil des Béninois de l’extérieur (Hcbe), Gabriel Kotchofa, est l’invité de cette semaine. Au cours de cet entretien, il a parlé des Béninois de l’étranger et de leur contribution au développement national. Il tend la main à tout le monde et au gouvernement pour la réussite de sa mission.
Veuillez-vous présenter à nos lecteurs
Je m’appelle Gabriel Anicet Kotchofa. Je suis professeur d’université à Moscou, président de l’association des étudiants étrangers en fédération de Russie, secrétaire général de la fédération internationale des terres universitaires du monde entier, président du Haut conseil des Béninois de l’extérieur (Hcbe) et membre de la commission d’attribution de bourses à tous les étudiants étrangers en fédération de Russie. Cela fait 28 ans que je suis en Russie et j’enseigne les recherches et prospections de gisements et de gaz. Depuis près de 18 ans, j’enseigne à l’université de l’amitié ‘’Patrice Lumumba’’, à l’université d’Etat russe de pétrole et de gaz. J’enseigne aussi à l’académie d’économie et de droit de Moscou. Voilà ce que je fais en un mot.
Vous êtes président du Haut conseil des Béninois de l’extérieur depuis 2007. Vous êtes pratiquement inconnu du public béninois depuis deux ans, alors que vous êtes à la tête d’une grande structure. Qu’est-ce qui explique cela ?
Effectivement créé depuis décembre 1997, le Haut conseil des Béninois de l’extérieur avait porté à sa tête Michel d’Alméida qui a dirigé l’organe pendant près de dix ans. Il a fallu en décembre 2007, compte tenu d’un certain nombre de problèmes, de difficultés auxquelles s’était confronté le Hcbe, pour qu’un nouveau président soit, à travers ma modeste personne. A un moment donné, nos anciens membres du bureau exécutif avaient choisi de mener une certaine guerre contre les autorités de notre pays. Ce qui n’était pas normal.
Comment ?
En tout cas, les Béninois de l’extérieur reprochaient beaucoup de choses à leur ancien président dans le domaine de la gestion de nos biens. Sur plusieurs plans, il avait le contact avec la base. Donc, on s’était réuni en assemblée générale extraordinaire, les 22 et 23 décembre 2007. Les membres du Hcbe ont élu un nouveau bureau constitué de trois membres : le président que je suis de la Russie, le secrétaire, le docteur Badirou Aguémon de la Belgique et le trésorier général, le professeur Jean-Eude Zoumènou. Au niveau de chaque zone, nous avons des responsables pour pouvoir décentraliser la chose. Nous avons divisé l’Afrique en trois zones en plus de la zone Asie, Océanie, Europe, Amérique latine et Caraïbes. Nous avons au total six zones. Ensuite, nous avons dans chaque pays où la section Hcbe est mise sur place, des délégués généraux de sections. Tous ces délégués se sont mis en ensemble pour former le comité de coordination qui a aussi son président et son bureau. C’est comme cela, nous travaillons.
Pendant plus d’un an, qu’avez-vous fait concrètement, surtout que vous étiez visible sur le terrain ?
Pendant un an et demi, nous avons fait beaucoup de choses dans le pays avec le bureau exécutif. Il y a beaucoup de projets que nous essayons de réaliser avec le ministère des Affaires étrangères et la direction des relations avec les Béninois de l’extérieur. Donc, avec toutes les institutions qui travaillent avec nous, nous essayons de rester ensemble. Notre bureau avait été traduit en justice au lendemain de notre assemblée générale par Michel d’Alméida qui avait même pris part aux travaux. Nous avons perdu près d’un an devant la justice, avant de gagner le procès. Jusqu’aujourd’hui, il continue de se présenter comme président du Hcbe, envoie des courriers aux autorités officielles. Ce qui n’est pas normal.
Qu’avez-vous fait contre cela ?
Mais moi, j’ai pris la décision de ne pas parler de celui à qui j’ai succédé. Je ne veux pas parler de Michel d’Almeida. Je lui ai tendu la main. Je veux travailler avec lui, car il a une certaine expérience qui peut servir aux Béninois. C’est ensemble que nous allons réaliser le rêve que nous avons pour ce pays. C’est pourquoi pendant un an et demi, je n’ai parlé sur aucune chaîne de la gestion de l’ancien bureau. Nous avons pris la direction d’un Hcbe dans un état critique. Il n’y avait pas une seule chaise dans le bureau. On a recommencé à zéro. Aujourd’hui, je suis très heureux que le mandat que mes compatriotes m’ont confié tire à sa fin.
On avait proposé de nous donner quatre ans, parce que selon nos statuts, un bureau élu a un mandat de quatre ans. J’ai dit que je ferai mon bilan après deux ans. Un bureau qui est incapable de faire un bilan après deux ans, n’est pas réel. Nous avons estimé qu’après deux ans, si les Béninois voient si nous sommes en train de faire de bon travail, nous serons reconduits. Dans le cas contraire, ils auront la chance de revoir ce qui ne va pas et de réélire un autre bureau que nous allons servir quel que soit sa couleur. La date de l’assemblée générale est déjà connue. Les 22 et 23 décembre 2009, nous allons la tenir. Nous ne ferons pas un jour de plus. Nous devons apprendre à respecter les textes, car personne ne peut s’estimer irremplaçable. S’il y a la possibilité de trouver une personne beaucoup plus compétente, je serai à son service.
Qu’est-ce que les Béninois de l’extérieur font réellement pour leur pays ?
Les Béninois de l’extérieur ont offert des ambulances à Abomey-Calavi. Ils ont fait beaucoup de dons d’appareils médicaux dans l’Ouémé, Borgou, au centre. Ils ont construit des salles de classe au nord, dans le Mono et un peu partout. A l’heure où je vous parle il y a une délégation italienne qui est en train de parcourir tout le territoire national dans le domaine du dépistage du cancer de l’utérus. Ils laissent le matériel pour que les nôtres puissent continuer. Aujourd’hui, les Béninois de l’extérieur font tout leur possible pour rapatrier tous leurs capitaux dans nos banques pour qu’ils puissent servir au développement de notre pays. Nous devons être présents. Et aujourd’hui, le climat actuel est favorable à ce rêve. L’actuel ministre des Affaires étrangères est très favorable à cela. Il nous a tendu la main. Nous voulons ensemble appliquer le programme de développement de l’actuel gouvernement. Je tiens à remercier le chef de l’Etat qui a compris qu’aucun pays ne peut se développer sans sa diaspora. Aujourd’hui, nous sommes plus de 3,5 millions à l’extérieur. Pour la plupart, c’est de hauts cadres. Moi personnellement, j’ai été le premier professeur noir dans toute la Russie. J’enseigne le pétrole et le gaz aux Russes, premier pays producteur de pétrole et de gaz. Nous avons pleins de médecins en France. Nous avons des cadres aux Etats-Unis ; au Japon, n’en parlons plus. Il est tant que nous, Béninois de l’extérieur, bien que partis loin, comprenons que nous avons nos racines ici. Nous devons nous battre aux côtés de ceux qui sont restés au pays. C’est ensemble que nous allons réussir la mission.
Vous disiez que vous soutenez le gouvernement du président Boni Yayi. Les Béninois de l’extérieur qui ne sont pas du bord de ce régime, se retrouveront-ils dans le Hcbe ?
Il faudrait que vous me compreniez. Je n’ai pas dit que je soutiens Boni Yayi. Je soutiens le gouvernement, c’est-à-dire l’Etat. Aujourd’hui, quel que ce soit le président qui est là, nous avons à le soutenir.
Pourquoi ?
On ne peut pas avoir un rêve pour un pays et aller contre son programme de développement. Je n’ai jamais été membre d’un parti politique. Je n’ai jamais fait de la politique. La seule politique que j’ai faite jusque-là est d’aider notre pays. Je fais partir en Russie près de dix jeunes chaque année. C’est ma contribution pour mon pays. Comment voulez-vous que le Hcbe puisse aider réellement le Bénin, s’il n’est pas en phase avec le plan d’actions du gouvernement. Si nous ne sommes pas acceptés par l’Etat, même les plus grandes réalisations que nous voulons faire seront bloquées. Le Hcbe est une institution apolitique. Il ne doit jamais se mêler à la politique. Quel que soit le gouvernement qui est là, s’il a été élu démocratiquement par le peuple, on ne peut pas aller contre. Je le dis encore, ce n’est pas la personne qui est là qu’on supporte. Nous supportons notre pays. En 2011, quel que soit le président qui sera élu, le Hcbe sera avec lui. Que les gens comprennent ma vision et mon intention. Nous ne pouvons pas soutenir un politicien. Et personne ne peut m’amener à le faire. Je suis à l’étranger. Personne ne peut payer le salaire que je gagne au Bénin. Je ne rêve même pas de revenir pour devenir une personne politique. Le seul rêve est d’aider mon pays. Si je dois revenir, c’est pour venir découvrir le pétrole, aider à former des cadres à enseigner à l’université. En un mot, le Hcbe doit rester en phase avec la politique de l’Etat.
Aujourd’hui, le problème de l’épargne se pose avec acuité aux Béninois de l’extérieur. Ce qui fait que beaucoup d’entre eux ont peur d’envoyer de l’argent au Bénin. Que fait le Hcbe pour résoudre ce problème ?
Au fait, nous avons ce problème là, la gestion de nos ressources dans notre propre pays. Chacun vient d’une famille et a aussi des amis. Parfois, les gens font une mauvaise gestion de leurs biens, de leur argent. Le Hcbe est en train de voir si nous-mêmes pouvons créer des structures pour nous aider à gérer nos biens. Nous proposons à l’Etat la construction de logements sociaux. Donc, nous sommes en dialogue avec l’Etat et nous allons trouver une solution à ce problème.
Nous comptons sur ce qui est en train d’être mis en place ; quelqu’un veut construire, il confit cela à une structure pour être sûr que ça sera fait. C’est une des issues que nous proposons à l’Etat. On parle de logements sociaux. Nous sommes prêts à faire des avances. L’Etat peut s’en servir pour construire beaucoup de maisons. Nous sommes en dialogue avec l’Etat. Ce n’est plus comme avant où on ne peut plus retrouver ces sous. Le seul problème qui se pose, c’est que nous venons déposer des devises eu euro ou en dollar. Et maintenant, pour les retirer, c’est tout un problème. J’ai ouvert des comptes ici, mais pour retirer seulement trente mille dollars, il a fallu que j’écrive au ministre, alors que c’est mon argent que j’ai déposé et j’en ai besoin urgemment. Cela ne dépend pas du Bénin. Il paraît que la Bceao ne permet pas la sortie des devises. Tout est régularisé. Ceci fait qu’on ne peut pas déposer beaucoup d’argent au pays. Contrairement à ce passe dans les pays développés. Voilà les difficultés que nous rencontrons.
Vous êtes à Moscou et en même temps président du Hcbe. Comment vous assurez la coordination ?
Vous m’avez posé un problème très délicat. Le problème de gestion d’un siège, quand vous n’êtes pas là, est assez crucial. Nous nous sommes dit, compte tenu de la technologie actuelle, l’internet, le téléphone portable, on peut être à l’étranger pour le faire. Mais malheureusement, le grand travail est au Bénin. C’est pourquoi nous avons mis sur pied un secrétariat permanent. Il y a un secrétaire là et nous-mêmes venons faire la rotation. Si j’abandonne ce que je fais là-bas pour venir rester ici, cela veut dire que je suis Béninois de l’intérieur. Donc, mon statut change. Mais, je vous assure que nous devons réfléchir à la question, parce que de loin c’est toujours difficile. Il y a des réunions urgentes, des choses importantes pour lesquelles il faudra être sur place. Mais, en un an et demi, j’ai fait déjà cinq déplacements sur le Bénin à mes propres frais. Tout ce que nous faisons est à nos propres frais. Mais, nous ne sommes pas découragés, nous irons jusqu’au bout. Nous allons essayer de réfléchir à la question à la prochaine assemblée générale. En tout cas, l’essentiel est d’avoir forcément un bureau opérationnel qui puisse régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
La question du développement se pose toujours. Est-ce que les Béninois sont associés à ce sujet ?
Je vous dis que le premier problème que j’ai essayé de régler au lendemain de mon élection, c’est le rapport avec l’Etat, les différentes institutions. Vous savez le bureau que j’ai remplacé n’était pas en concordance avec le gouvernement. Aujourd’hui, j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs personnalités. Avec le ministre des affaires étrangère, nous avons eu des échanges. Il y a plein de choses, une organisation de symposium des Béninois de l’extérieur. Il y a deux ans, on avait pour objectif de permettre aux Béninois de l’extérieur de faire des propositions concrètes .Nous avons rencontré le chef de l’Etat en Hollande quand il était de passage là-bas. En deux ans, nous avons mis beaucoup de choses sur les rails. Je ne dirai pas que nous ne pouvons pas être fiers de nos réalisations. Si notre bureau, après de deux ans, peut créer des conditions nécessaires pour un vrai démarrage pour rendre l’organe beaucoup plus fluide, ce serait notre contribution. Je dirai que je suis très fier des rapports que nous avons avec l’Etat aujourd’hui.
Revenons à votre élection à la tête de Hcbe. Le gouvernement n’y-a-t-il pas contribué ?
Je vous assure que dans la salle j’étais venu représenter la Russie. Je ne connaissais personne. Il est vrai que j’ai rencontré le président Yayi au sommet du G8 à Berlin où on m’avait présenté comme professeur d’université. Nous avons échangé longtemps. Dès qu’il a appris que j’étais pétrolier, il m’a nommé dans la commission qui devrait élaborer des stratégies dans le secteur minier. Au cours de l’assemblée générale, j’étais le président du présidium. Au moment où les tensions montaient, j’essayais de faire calmer les gens. C’est ainsi que je suis élu président du Hcbe, parce que beaucoup de personnes ont vu en moi un homme de consensus. Ça a été une grande surprise pour moi. J’avais refusé et les délégués avaient voulu que j’accepte.
Quel message lancez-vous aux Béninois de l’extérieur ?
Mettons-nous ensemble, indépendamment de nos cultures, religions, appartenances politiques. Laissons la politique de côté pour réussir, transférer notre amour à ce pays. Que nous tous restons le derrière le prochain pour l’aider à réussir.
Propos recueillis par Jules Yaovi Maoussi
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