Plus de remaniement ministériel tam-tam

Un remaniement ministériel serait dans l’air. C’est bien possible. Ce qui est sûr, dans le contexte actuel de notre pays, où le changement souhaité bute contre nos vielles habitudes consolidées, aucun exercice du genre ne devrait être conduit comme par le passé. Quand le Chef de l’Etat en vient à demander pardon à son peuple pour de graves fautes de gestion, dans le dossier de la Cen-Sad, c’est qu’en toute logique, il éprouve la nécessité d’une révision des règles du jeu, d’un assainissement des mœurs.
Alors, si le rythme du tam-tam devait changer, comment envisager, dans un cadre neuf, un remaniement ministériel enfin libéré des scories du passé ? La République doit reprendre ses droits pour que cesse le folklore des remaniements ministériels tam-tam. Mais quoi faire ? Comment le faire ?
Les pressions tous azimuts des veilles de remaniement ministériel doivent cesser, dans la guerre sans merci des curriculum vitae. Il ne faut pas laisser s’installer l’habitude d’une foire aux ministrables, le plus contestable rivalisant de bêtise avec le plus médiocre, le plus minable avec le plus pitoyable. Comme s’il y avait, avec tous les réseaux et lobbies déchaînés, la volonté de prendre le Chef de l’Etat en otage. On veut lui disputer un droit dont il a la plénitude constitutionnelle. On veut le ligoter à des collaborateurs qui ne seraient pas de son choix.

Le remaniement effectué, tout le monde a oublié, ceux qui partent comme ceux qui arrivent, que les textes de la République nous obligent à une déclaration de nos biens en bonne et due forme. Si on devait estimer que cette disposition est inutile ou inefficace, qu’on la biffe sans autre forme de procès. Sinon, tous les textes en vigueur nous engagent et nous obligent.

Le premier festival qui ponctue chaque remaniement ministériel a lieu à la cérémonie de passation de services. Le partant, s’il devait quitter définitivement le gouvernement, se fait un orphelin éploré au milieu d’un carré de ses collaborateurs. La fête est du côté du ministre entrant. Il se fait accompagner à cette cérémonie des membres de sa famille. Il se fait escorter des populations de son terroir. Tam-tam en tête, uniforme de rigueur. Tout le monde est soudé à l’enfant prodige qui, par sa nomination au gouvernement, sort son patelin des ténèbres de l’oubli, l’expose au soleil radieux de la reconnaissance nationale. Même si l’on n’est pas ministre à vie, gloire éternelle cependant à l’enfant par qui un vieux rêve devient réalité, une vieille ambition s’incarne. Mais vous n’avez encore rien vu.
Le deuxième festival qui ponctue chaque remaniement ministériel a lieu quelques jours après la cérémonie de service. Un week-end de préférence, pour que la fête dure plus que ce que durent les roses. Tout le monde retourne au village. L’entrée au gouvernement n’est pas une mince affaire. Derrière la promotion d’un seul, c’est toute une communauté de parents, amis et alliés qui se trouvent honorés. On s’oblige de mettre les petits plats dans les grands. Les têtes couronnées, les chefs religieux, les autorités administratives et politiques, les mouvements des jeunes et des femmes… personne n’est oublié, tout le monde est à la fête. Au milieu des offices célébrés, de la bouffetance assurée, des marches de remerciement et de soutien au chef de l’Etat organisées.

Pourquoi se donne-t-on tant de peine pour célébrer un ministre qui n’est encore qu’au pied du mur, un ministre qui n’a pas encore égrené le tout premier grain du chapelet des tâches et des responsabilités qui l’attendent ? Qui paiera la note de cette bombance ritualisée et à laquelle on prend, de plus en plus, l’habitude de sacrifier avec une régularité d’horloge ? Qu’est-ce qui peut justifier la politisation excessive de ce qui n’aurait dû être, dans le meilleur des cas, qu’une fête familiale, mais qui tourne vite en une campagne électorale qui ne dit pas son nom ? Tout se passe alors comme si la politique est une vaste mangeoire, un non moins vaste abreuvoir dont nous rapproche la nomination de l’un des nôtres au gouvernement.

Dans cette ambiance de bamboula qui pense encore à la Charte du gouvernement dont nous nous sommes alors gargarisés sans modération ? Comme si la simple révélation de la Table des lois aux Hébreux, avait suffi à rendre ceux-ci plus vertueux, plus sages. S’il en avait été autrement, avec la Charte du Gouvernement, nous aurions eu des ministres au-dessus de tout soupçon et l’affaire Cen-Sad ne nous aurait pas rejoint sur les terrains fangeux de notre passe-temps favori. Et surtout, le Président ne serait pas dans l’obligation de procéder à un remaniement ministériel. Change-t-on une équipe gouvernementale exemplaire qui gagne ?

Jérôme Carlos

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