Questions ouvertes

Le mardi 25 août 2009, nous avons assisté à un spectacle kafkaïen. En tant que citoyens de ce pays, nous avons le droit et même le devoir d’en interpeller le Chef de l’Etat : notre Constitution aurait dû prévoir la possibilité pour les forces vives de la Nation de le faire, gouvernance concertée oblige.

En effet, le matin de ce jour, il y a eu un grand «scoop». Le Secrétaire Général de la Présidence de la République soi-même sort un communiqué tout ce qu’il y a de plus officiel et donc à ce titre lu dans les éditions du matin de nos télévisions. Ce communiqué doit d’abord susciter chez tous les démocrates de ce pays un profond malaise de par la confusion habituelle des genres entre la sphère étatique et la sphère partisane. Le Président Nicéphore SOGLO et son épouse ont entrepris une série de tournées en tant qu’animateurs de la vie politique. S’il y a une contradiction à leur apporter sur le plan des idées, c’est au niveau de l’espace politique. Pour ce faire, la mouvance présidentielle regorge d’une multitude de rassemblements politiques et il n’y a pas de week-end sans que ne naisse une nouvelle association pour soutenir le Chef de l’Etat. D’ailleurs, la mouvance occupe tellement l’espace politique que beaucoup de citoyens en viennent à déplorer l’absence de l’opposition du débat politique, totalement monopolisé par les seuls partisans du régime. On comprend maintenant pourquoi : chaque fois qu’un leader politique de l’opposition sort de son silence et fait une déclaration publique, il est accusé automatiquement d’avoir insulté le Chef de l’Etat ou d’avoir tenu des propos diffamatoires à son encontre. Si le Président Nicéphore SOGLO a vraiment diffamé le Chef de l’Etat, pourquoi ne pas l’attraire devant les juridictions compétentes ? Aussi le Secrétaire Général de la Présidence de la République se croit-il habilité à donner à la cantonade des leçons de démocratie ; mais le contenu de son communiqué développe une logique totalitaire qui fait craindre une restriction grave des libertés individuelles et publiques et des intimidations qui constituent des menaces intolérables aux acquis démocratiques.   
 Cependant, le plus étonnant n’est pas à ce niveau. Soit ! Le mal est fait dans sa valence de garrottage de l’expression démocratique. Mais le sens de l’Etat permet-il au Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, de dépêcher à la Mairie de Cotonou des hauts responsables au sommet de l’Etat comme la Directrice de cabinet et le même Secrétaire Général du Président de la République ? Pourquoi faire ? Ce n’est quand même pas en sa qualité de Maire de Cotonou que le président Nicéphore SOGLO a entrepris des tournées, mais en tant qu’homme politique qui avait un message à délivrer à ses électeurs ! Qu’est-ce que ces hauts-fonctionnaires de l’Etat sont-ils donc partis faire chez le Président-maire ? Etant entendu qu’il ne s’agit pas en l’occurrence d’une affaire d’Etat, le Président de la République, homme politique s’il en fût et leader suprême qui veille à la bonne marche de toute la nation, ne serait-il pas mieux inspiré de rencontrer lui-même le Président SOGLO, de dirigeant politique à dirigeant politique, pour un tour d’horizon bénéfique pour la paix sociale ? Cette perspective aurait gommé l’impression d’un voyage à Canossa que nous avons de cette visite à la Mairie de Cotonou.
Enfin, est-il bienséant que l’auteur du communiqué insinue que Monsieur Léhady SOGLO, soi-disant vice-président de la Renaissance du Bénin, a condamné les propos acerbes de ses géniteurs à l’endroit du Président Boni YAYI et aurait  présenté ses excuses au Chef de l’Etat ? Des coups de fil entre les principaux acteurs de la République sont courants et sont même souhaitables ; car ils instaurent un climat de dialogue bénéfique pour la paix sociale. Mais maladroit de servir de ces échanges téléphoniques, surtout à tel haut niveau de l’Etat, pour les besoins de la cause.  On ne comprend pas ce comportement pour le moins curieux venant d’un grand commis de l’Etat, comme l’ancien préfet des départements de la Donga-Atacoara et ancien directeur de cabinet  du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique. Comment peut-il se saisir tout de go de cette possible conversation téléphonique pour « pondre» un communiqué du Secrétariat de la République dans le but d’informer la Nation béninoise toute entière que Monsieur Léhady SOGLO serait en opposition totale avec les opinions des ses parents sur le Régime du changement ? A supposer qu’il y ait eu un coup de fil qu’on aurait pu interpréter comme un désaveu du fils aîné des SOGLO à l’égard de ses parents dans leur attitude radicale par rapport au régime du Docteur Boni YAYI. Est-il seulement pensable de le rendre public ? Que vise-t-on ce faisant, sinon allumer une guerre digne des Atrides entre le fils et surtout son père dont il est l’adjoint et semer la zizanie au sein de la Renaissance du Bénin ? Cette méthode est aussi choquante que machiavélique. Elle vise en effet, à semer la zizanie dans le camp des adversaires de l’heure; en un mot diviser pour régner. Nous imaginons aisément le Président Nicéphore SOGLO qui accuse déjà le Président Boni YAYI de porter la division au sein de sa famille, piquer une colère homérique face à la machination.
 Le vaudeville du mardi 25 dernier nous donne le goût amer d’un régime apparemment aux abois et qui fait feu de tout bois. Que nos dirigeants se souviennent qu’il reste encore deux ans dans le quinquennat actuel. Ce délai exige que l’Etat béninois fonctionne normalement selon les règles de fonctionnement de tout Etat moderne : la bonne gouvernance.

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Or, nous avons de plus en plus devant nous le spectacle d’un régime en campagne permanente. Renouons très vite avec le sens des valeurs et de l’Etat. Que les Allada-Tadonou excusent et pardonnent mon audace de recourir sans leur permission à un pan de leur histoire. Le dernier roi du Danhomè réduit par le colon à sa portion congrue, avait pris un nom fort selon l’usage habituel quand un nouveau roi monte sur le trône. Le panégyrique d’où est tiré ce nom fort est le suivant : « Ago ! Li Agbo ! Allada, clin affo ; ma dja yi o ! » Nous vous en proposons cette traduction forcément imparfaite : « Attention ! Ressaisis-toi Agbo (Abomey, ndt). Allada, trébuche ; mais ne tombe pas ! » 

Par Olivier Lucien GUEKPON, consultant en stratégies politiques

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