Crise guinéenne

/food/gnonhoue.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » »  » />Réflexion du professeur Gnonhoué

En Septembre 1958, le président Sékou Touré a préféré pour son pays, la Guinée, l’indépendance à l’appartenance à la communauté franco africaine en déclarant ce qui suit : « nous ferions la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ».

Cette préférence a été concrétisée précisément le 28 Septembre 1958 par un non massif pratiquement unanime du peuple guinée au projet de constitution soumis par Paris aux populations africaines d’expression française.
Que constate-t-on depuis lors, depuis 51 ans ? le peuple guinéen vit dans la pauvreté et la privation de liberté, cette liberté  dont les peuples sous domination étrangères sont pourtant les chantres légitimes. Sous le long règne de Sékou Touré caractérisé par le monopartisme, le parti état dictait implacablement sa loi au peuple et à toutes les institutions. Personne n’osait évoquer les droits de l’homme et les libertés fondamentales, surtout que le concept de renouveau démocratique était bien loin de gernier dans les esprits. Sous le règne de Lansona Kouté, aussi long que celui de Sékou Touré, le vent des droits de l’homme et de la démocratie a commencé à souffler sur le continent africain après la conférence de la Boule, un événement qui permettait au peuple guinéen aussi d’espérer des lendemains meilleurs. Il y a eu une ouverture tout simplement nominale, puisqu’en fait, le président Kouté et son entourage ne portaient pas véritablement les droits de l’homme et les  libertés fondamentales dans leurs cœurs. Des guinéens exilés sous le régime précédent ont renoncé au retour au pays puisqu’il n’y avait pas eu le changement auquel ils s’attendaient. Pendant donc un peu plus de 50 ans, dans ce pays aux immenses potentialités naturelles, les populations ont vécu dan l’extrême pauvreté, la dictature, caractérisée par des arrestations arbitraires, des crimes ignobles dont les auteurs n’ont jamais été inquiétés, l’impunité est de mise, un état de choses qui explique l’extrême gravité des événements du 28 Septembre 2009. En effet, des militaires qualifiés d’éléments incontrôlés, profondément anarchistes, se sont livrés à des exactions d’un autre âge, à tel point que la quasi-totalité de la communauté internationale les a taxés de barbarie, d’animalité et de sauvagerie. Les viols publics, les violences inouïes faites aux femmes, les tueries ne sauraient être désignés sous le vocable d’affabulation, étant donné que des témoignages parlants ont été recueillis par des organisations fiables de défense des droits de l’être humain.

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Que faire face à cette situation gravissime ?

Les actes commis de propos délibéré à l’intérieur du stade de Conakry, sont qualifiés en droit international de crimes contre l’humanité tout à fait imprescriptibles, en ce sens que leurs auteurs pourront être poursuivis à tout moment, tant qu’ils seront en vie. Ces attaques systématiques et généralisées sont des atteintes extrêment graves à la dignité humaine, appelant de la part de la communauté internationale une réaction appropriée en cas d’incapacité, ou de mauvaise volonté caractérisée pour ce qui est des poursuites pénales. La cour pénale internationale dont le statut fondateur a été ratifié par la Guinée, appliquera alors normalement le principe de subsidiarité. Point n’est besoin d’attendre le conseil de sécurité pour sanctionner les auteurs de ces actes d’un autre temps. La junte militaire et son chef sont bien isolés, puisque les réactions faisant de toutes parts sont à la mesure de la gravité de la situation. Bernard Kouchmer, Ministre français des affaires étrangères, n’a pas hésité à qualifier Dadis  Camara de personnalité avec laquelle il n’est plus possible de collaborer. De même qu’il est vrai, comme l’a dit le chef de la junte, que la Guinée n’est pas un arrondissement ou une sous préfecture de la France, de même il est parfaitement vrai que la souveraineté n’est pas un rempart. En d’autres termes, il est rigoureusement interdit à l’Etat Guinées, comme à tout autre Etat de transgresser le jus cogens, c’est-à-dire une norme impérative sous le forme d’une obligation erga omnès que constitue l’interdiction formelle d’atteinte grave à la dignité humaine. Il nous est bien loisible d’affirmer que la communauté internationale a un droit de regard sur ce qui se passe à l’intérieur de chaque Etat dans le domaine des droits de l’homme. Il ne saurait donc être question d’évoquer la compétence nationale, un quelconque acte de gouvernement ou la raison d’Etat.
La communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a proposé le dialogue dont le but est de parvenir à une solution apaisé sous le patronage du président Blaise Compaoré, habitué à ce genre de processus. Personne n’est contre le rapprochement, la réconciliation. Mais, ce n’est pas certain que cette démarche soit couronnée de succès dans l’immédiat et tout le monde connaît le manque d’empressement dont on fait preuve de façon légendaire sur le continent africain quant à la répression des crimes internationaux. A notre avis, ce qu’il faut envisager sans ambiguïté et sans délai, c’est la constitution d’une commission internationale d’enquête sous les auspices de l’ONU dont la mission consistera à établir les faits et à faire juger leurs auteurs. Et le plus tôt seront le mieux. D’ailleurs, au moment où nous écrivons ces lignes, nous apprenons avec satisfaction qu’un émissaire du conseil des droits de l’homme de l’ONU vient d’être envoyé à Conakry pour se faire une idée réelle de la situation. Les crimes commis en Guinée sont si graves qu’il est interdit d’agir avec complaisance, afin de dissuader les criminels potentiels, en retenant comme cela se doit que les victimes ont droit à la justice et à la réparation dans un bref délai. L’extrême gravité des violations, l’incapacité des autorités à contrôler la situation, la complicité de certaines d’entre elles sont des critères d’importance devant dicter au conseil de sécurité une action décisive avec la coopération de la CEDEAO et de l’Union Africaine visant à protéger les populations et à combattre l’impunité qui, depuis bien longtemps n’a fait qu’avoir droit de cité en Guinée ; On apprend la junte militaire vient d’opter pour la constitution d’une commission nationale d’enquête pour situer les responsabilités.

Même si cela venait à être effectif, il serait recommandé que la communauté internationale soit absolument vigilante afin de dénoncer toute complaisante dont la commission pourrait se rendre coupable et de mettre en place une structure alternative fiable à plus d’un égard pour le bonheur des victimes. L’heure est grave et l’on ne peut pas continuer de permettre à des individus indélicats de bafouer cyniquement la dignité humaine. Parce que les militaires Guinéens se sont comportés comme des ennemis du genre humain à travers des crimes contre l’humanité, la communauté internationale est tenue de se prévaloir du devoir et même du droit d’ingérence humanitaire pour agir de façon coordonnée et déterminée afin que la même situation ne se répète pas ailleurs sur le continent.

Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la coalition béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)

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