«J’ai espoir que le gouvernement saura réagir au moment opportun pour sauver le Fitheb »
Directeur de Gangan Production, une structure de réalisation de clip vidéo et de film, Claude Balogoun est le représentant des artistes au Conseil économique et social (Ces). Actif dans les débats relatifs au secteur des arts et de la culture, il se prononce ici sur le rôle qu’il joue au sein de l’institution républicaine. Il jette également son regard sur la léthargie au niveau du Festival international de théâtre du Bénin ainsi que sur la cinématographie nationale.
Un artiste au Conseil économique et social, qu’est-ce que cela représente ?
Un artiste va au Conseil économique et social pour débattre de toutes les questions de la nation, tout domaine confondu et surtout pour avoir un œil pointu sur tout ce qui est artistique et culturel. Je vais lever un petit coin de voile sur un débat que nous avons eu avec le ministre des finances. Sur près de deux heures de débats, je suis le seul à poser une question concernant le secteur des arts et de la culture. Nous avions parlé d’un peu de tout: transit, transport, agriculture… mais j’ai été le seul à poser une question relative à notre secteur. Je préfère qu’on se demande le Conseil économique et social sans un artiste, sans les artistes, qu’adviendra-t-il de l’art ? C’est vrai que le Conseil économique et social est une assemblée mixte mais je peux garantir que beaucoup de mes conseils sont écoutés, suivis et mis en pratique. Même si ce n’est pas automatiquement.
Nous avons appris qu’à l’élection qui a consacré votre retour au sein de l’institution, il y a eu des contestations. Qu’en est-il exactement ?
Je n’en étais pas informé. Il n’y a eu aucune contestation à mon élection. Je n’ai reçu aucune contestation.
Il y aurait eu des groupes organisés qui ont trouvé que ce n’était plus votre tour d’être au Conseil économique et social.
Il y a eu des polémiques. Je préfère le mot «polémiques» parce que nous sommes en plein dans l’intrigue au Bénin. Nous sommes en plein dans la polémique. Mais il n’y a pas eu de contestation parce que c’est fort ce que vous dites. Contestation, c’est que j’ai été élu et ils ont contesté mon élection. Non. Ils n’ont pas du tout, du moins, personne n’a écrit ou personne n’est venu me voir pour dire «ton élection est illégitime». C’est ça la contestation. Mais il y a eu des polémiques, des soubresauts. Des discussions qui amènent les gens à rêvasser qu’il y a une question de tour. Que ce ne serait pas mon tour. Mais ce qui est intéressant dans le jeu, c’est le résultat. On était cent trente et un (131) dans la salle. Il y a trois (03) voix contre moi et tout le reste en ma faveur. Ce qui fait plus de 99%. Donc il n’y a pas eu de contestation ni de remous ni de question de tour.
Est-ce que tous ceux qui étaient à cette assemblée élective étaient des artistes ?
Tous ! J’ai la liste. Les cent trente et un qui étaient dans la salle étaient tous des artistes. Là au moins je remercie la Direction de la promotion artistique et le ministère en charge des relations avec les institutions d’avoir fait un travail formidable. Le filtrage a été exemplaire. C’est d’ailleurs ça qui a fait que je suis fière de mon élection. C’était des artistes vrais. Rien que des vrais. Heureusement, ceux qui ne sont pas des artistes n’ont pas pu accéder à la salle. Donc j’ai été élu par un pourcentage si fort. Il y a eu des problèmes certes. Mais j’ai envie de revenir sur ça parce que ceux qui étaient derrière ces polémiques n’ont pas pu avoir accès à la salle parce que être artiste, c’est exercé d’abord le travail de l’artiste. Etre professionnel de la chose, c’est de vivre de ça. Etre artiste, c’est se faire connaître artiste par les institutions de l’Etat. Etre artiste, c’est respecter aussi les textes qui existent. Ceux qui parlent et qui ont parlé, on ne les a pas pris au sérieux certainement parce qu’ils ne sont nulle part.
En mars 2010, la 10ème édition du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) devrait avoir lieu. Mais à ce jour, aucun acte ne rassure de cette tenue prochaine du festival à bonne date. Pas de Conseil des ministres qui entérine la nomination du nouveau directeur sélectionné par le Conseil d’administration. Ayant été par le passé membre du Conseil d’administration, est-ce que vous pensez que le Fitheb 2010 sera une réalité ?
Aujourd’hui, tous les candidats au poste de directeur du Fitheb, s’ils sont sérieux, doivent avoir déjà un programme. Si quelqu’un n’a pas un programme à quatre mois du festival, c’est qu’il n’est pas qualifié pour diriger l’institution. Parce qu’on ne va pas à un examen pour échouer. On va pour gagner. Alors depuis trois mois qu’ils ont déposé leur dossier ou qu’ils étaient candidats, si quelqu’un ne se dit pas, je suis candidat et à partir de là j’ai un programme, ça veut dire qu’il n’est pas sérieux. Donc si on prend l’un ou l’autre des candidats aujourd’hui, et on lui donne les moyens, en temps normal, il doit pouvoir le faire. Le directeur sortant savait, on savait tous que le mandat qui était là allait finir. Et il fallait que ce directeur finisse, dépose son tablier, dépose son rapport et que le Conseil d’administration valide avant de partir. Le directeur ne l’a pas déposé. Il n’y a pas eu de séance. Il n’y a rien eu. Le mandat du Conseil est parti. On est rentré dans un vide. Le directeur est resté longtemps en place jusqu’à ce que son mandat soit fini. Normalement, comme il savait que son mandat allait finir, il devrait aussi savoir que l’édition suivante est à la porte et faire à temps tout ce qui est de son ressort pour que si c’est lui qui est maintenu ou quelqu’un d’autre, qu’on ne sente pas de retard dans la préparation quel que soit le temps qui reste. Mais rien n’est fait jusqu’à la dernière minute. Et puis après, on a élu son remplaçant. Et maintenant, on perd pour installer ce dernier parce qu’il y a eu des protestations, des écrits pour contester la légitimité du Conseil d’administration.
De quels écrits parlez-vous ?
Quand les nouveaux membres du Conseil d’administration ont été installés, il y a des collègues et amis qui ont écrit à la Cour et au ministre de la culture pour protester contre le passage du Conseil de treize à quinze membres. Mais ce sont là des comportements qui font ralentir les choses. Ça fait 20 ans que le Fitheb existe. Est-ce que c’est dans la précipitation qu’on va l’organiser alors qu’on sait qu’on ne peut pas changer la date parce que cette date est calée sur une date sacrée mondialement ? La journée internationale du théâtre. Alors qu’on sait que sur le plan mondiale, il y a ce qu’on appelle le calendrier des spectacles et que les professionnels et les acheteurs de spectacle, les directeurs de festival, les troupes de théâtre calent leurs programmes par rapport à ce calendrier mondial ? Donc déplacer la date, voudra dire, perdre beaucoup de programmations, beaucoup de spectacles, beaucoup de professionnels. On connaît tous ça mais on fait comme si on ne connaît pas parce que peut-être on veut partir, parce que ça ne va pas être soi, parce que, parce que… C’est vraiment dommage. Le nouveau directeur est élu. On a écouté tous à la radio, dans la presse que c’est Pascal Wanou qui a été élu. Des courriers sont partis comme d’habitude dans tous les sens. Et ces courriers, c’est encore les professionnels. Est-ce à Pascal Wanou qu’ils font du mal ? Est-ce au festival ? Quand on n’est pas intelligent, on peut réfléchir quand même pour savoir que tous les deux ans l’Etat met de l’argent pour l’organisation du Fitheb.
Est-ce que vous ne pensez pas que la responsabilité incombe au ministre en charge de la culture parce que c’est à lui qu’il revient de proposer en Conseil des ministres la nomination du directeur désigné ?
Mais le gouvernement norme le directeur par décret sur la base d’un travail technique qui est fait ! Si nous perdons du temps à faire ce travail technique, à rendre compte, comment le gouvernement va-t-il le nommer ? Et si le gouvernement nomme aujourd’hui et demain il y a un problème ? Ce n’est pas possible. Ce qu’on dit c’est une question de lobbying. Avoir un milliard chez l’Etat, il faut faire le lobbying. Et pour faire ce lobbying, il faut avoir le temps. Si on élu très tôt le directeur, on met très tôt les structures en place, elles vont travailler en 2009 pour qu’on est un bon résultat en 2010.
Nous ne sommes pas sérieux nous les artistes. On se bagarre tout le temps pour peu de chose. Alors que des fois, on se dit faisons des concessions. Mais il y a des gens qui jamais n’acceptent les concessions. Mais j’ai espoir que le gouvernement Yayi saura réagir au moment opportun parce qu’il s’agit d’un problème de souveraineté. Pour preuve, d’autres pays attendent de récupérer le festival. J’ai dit tout à l’heure que le Fitheb est dans une chaîne de programmation. Si nous ne le faisons pas, un autre pays va prendre et l’événement va se déplacer. Le Burkina a le Fespaco et fait ça tous les deux ans et ne rate pas. On dit que le Bénin est le carrefour du théâtre. Ça apporte de l’argent au pays. Malgré le retard, j’espère que les cadres du ministère de la culture, le ministre lui-même et le chef de l’Etat vont tout faire pour qu’on ait cette édition de souveraineté. C’est une bonne occasion de visibilité même pour les autorités, pour le Chef de l’Etat.
Aujourd’hui il n’existe pas une loi sur l’audiovisuel. Le projet de code élaboré à cet effet traîne toujours. Est-ce que cette absence de cadre juridique n’est pas un indice de la faiblesse du cinéma au Bénin ?
J’ai bien envie d’être d’accord avec vous. Une loi vaut que ce que ceux qui la pratiquent valent. Même si on a tout le cadre juridique qu’il faut, si nous ne sommes pas sérieux entre nous, nous n’irons nulle part. Evidemment le cadre juridique est important. On doit le créer, on doit l’imposer et on doit le respecter. Il y a d’abord le statut de l’artiste. Le code de la cinématographie qui est en souffrance depuis des années. Je suis en train de me battre au Conseil économique et social pour que au moins la loi organique qui va sortir puisse permettre de parler de ça pour que d’abord le nombre de conseillers en tant que représentant des artistes augmente et après le code de la cinématographie puisse sortir et que ce problème cesse finalement. Mais avant ça, le monde ne nous attend pas. Les productions viennent. Commençons nous même d’abord à corriger ce qui est corrigeable à notre niveau. Et à partir de là, les autres vont nous respecter. Nous sommes dans l’alimentaire. Tous les jours, nous courrons derrière notre ventre de sorte que nous nous laissons aller à tout.
Fondamentalement, sur le plan de la cinématographie nous n’avons pas ce code mais nous avons une direction de la cinématographie. Nous avons un ministère ayant la charge la culture. Nous avons le Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins. Nous avons le Fonds d’aide à la culture qui s’occupe de financer les productions. Nous avons un certain nombre d’institutions. Si ces institutions jouent, chacune son rôle clairement à son niveau, on aura déjà gagné beaucoup dans la qualité de nos prestations, de nos productions, de nos créations; en un mot, de notre contribution à l’économie nationale.
Propos recueillis par Fortuné Sossa
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