Aucun dossier jugé sous le changement
La rentrée judiciaire a permis de savoir que depuis 2006, aucun des dossiers de crime économique introduits en justice n’a abouti. Ce qui serait dû au non bouclage des enquêtes complémentaires par la police. Une responsabilité qui, toute proportion gardée, se situe bien plus haut qu’on ne le laisse croire.
Les propos du Procureur Général, Georges Amoussou, n’ont laissé personne de marbre vendredi dernier lors de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire. Il a clairement laissé entendre que depuis trois ans et bien au-delà d’ailleurs, des dossiers de crime économique transmis à la justice n’ont pu être jugés. Car, les enquêtes complémentaires mises à la charge de la police nationale et de la gendarmerie nationale demeurent inachevées. Cette affirmation qui sonne comme une accusation à l’endroit de ces structures, semble être en même temps, une soustraction à la Ponce Pilate. En effet, le Procureur Général, en faisant de telles déclarations voudrait bien faire croire que si ces dossiers n’aboutissent pas, ce n’est pas la faute à la justice. En ce sens que les critiques formulées à son encontre dans certains dossiers connus de tout le monde, sont de plus en plus acerbes. Il fallait donc orienter les critiques vers d’autres cibles, autres que la maison justice.
Cependant, une analyse approfondie de la question montre que les policiers et autres gendarmes chargés de mener les enquêtes complémentaires ont une responsabilité limitée et surtout mineure. Car, ils ne pourront exécuter que des ordres qui leur auront été donnés par leurs hiérarchies respectives. Mais il y a un niveau plus élevé de responsabilité qui est politique.
En effet, sans une volonté politique agissante et non proclamée et claironnée à longueur de meetings, la lutte contre l’impunité ne sera jamais une réalité. Or, le régime actuel n’a cessé d’affirmer et de réaffirmer sa ferme volonté de lutter contre l’impunité. Le président Boni Yayi a d’ailleurs été assez explicite lors de son investiture : « la lutte contre la corruption et l’impunité est non négociable ». Pendant trois ans, le gouvernement a commandité des audits, l’inspection générale d’Etat (Ige) a épinglé un certain nombre de directeurs généraux de sociétés et autres agents. Ces dossiers, transmis à la justice attendent toujours de connaître leur dénouement. Selon le Procureur général, les résultats des enquêtes complémentaires se font attendre.
Il est donc clair que c’est la volonté politique qui fait défaut. Si les officiers de police judiciaire enquêtent sur instructions du Procureur, il n’en demeure pas moins qu’ils sont sous les ordres du ministre de l’intérieur. On se demande alors, si de son côté, les consignes conséquentes sont données. Quel est le degré de collaboration entre les différents ministres du gouvernement qui sont concernés par ces dossiers de crime économique? Seul la volonté politique des gouvernants peut réellement faire évoluer ces dossiers. Quant on sait que beaucoup de ténors de la mouvance présidentielle sont concernés par certains dossiers de crime économique, on reste dubitatif quant à un éventuel changement des choses.
Benoît Mètonou