Suite à l’arrestation de S Adovèlandé

Branle bas à Cotonou

Mis en garde à vue depuis le vendredi 25 Décembre, jour de Noél, le coordonnateur du programme du Bénin pour le Millénium Challenge Account (Mca) Simon Pierre Adovèlandé a été finalement déféré à la prison civile de Cotonou mardi 29 décembre autour de 21 heures. Cité en sa qualité de président du Conseil d’Administration de la Société Bethsaleel Building impliquée dans une affaire de malversation financière, il a été gardé dans les geôles pour une détention préventive qui suscite encore des interrogations et des inquiétudes.

« Avec cette décision, la nuit est tombée sur la justice béninoise. Demain, le jour se lèvera… ».

Cette métaphore de Me Joseph Djogbénou illustre bien la gravité de la décision prise ce mardi soir par le procureur de la république mais aussi l’état d’âme de l’avocat de la défense. Tel un couperet, la décision de l’emprisonnement de Simon Pierre Adovèlandé est tombée sur le peuple béninois. A la sortie du prétoire et au nom du collège des avocats défendant l’intéressé, le néo agrégé a déclaré à la presse et avec amertume et déception que «  c’est la voie de l’arbitraire qui est choisie au détriment de celle de la justice ». Après plusieurs tentatives qui ont échoué, Simon Pierre Adovèlandé et Isaac Agossou, directeur général de la même société, ont été finalement écoutés ce mardi par le procureur de la république entre 20 et 21 heures. Ce dernier a décidé de les mettre en détention préventive pour les besoins de l’enquête. Mais cette décision n’a pas été facile à prendre au regard de la sensibilité du dossier et de la carrure de l’une des personnes prévenues, Simon Pierre Adovèlandé, coordonnateur national du Millenium Challenge Account(Mca), un des plus colossaux projets de développement que le Bénin n’ait jamais connus.

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Près de 170 milliards de francs CFA à investir en cinq ans. En somme, c’est un super ministre. La mésentente entre le procureur et le juge aura aussi joué sa partition pour faire traîner la décision. Alors que le juge voyait un dossier vide et demandait la relaxe pure et simple pour ces deux prévenus, le procureur tenait à les priver de leurs libertés. Selon nos sources, ce procureur avait reçu depuis plusieurs jours l’ordre du gouvernement pour mettre Adovèlandé et consorts en prison. Information que confirme aussi Me Djogbénou qui affirme que

« c’est sur instruction du gouvernement que ses clients ont été emprisonnés ».

Dès que cette décision est sue,c’est la débandade devant le tribunal de première instance de Cotonou pris d’assaut par des parents d’Adovèlandé venus de son village Tchaada (à 20 minutes environ de Porto-Novo sur la route d’Igolo), les membres du Caspa (Cercle des Amis de Simon Pierre Adovèlandé) venus de Porto-Novo, des agents du Mca et des curieux. Jets de pierre, cris de désapprobation, jurons à l’endroit du Chef de l’Etat et des pleures venant de la part de quelques femmes ont transformé la devanture du tribunal en un microcosme de la révolte populaire. Il a fallu le départ du véhicule 4*4 qui transporte les deux prévenus vers la prison civile de Cotonou pour que la tension s’estompe un peu.

Les faits

Avant d’être coordonnateur du Mca, Simon Pierre Adovèlandé avait beaucoup traîné sa bosse dans les organisations religieuses et a même dirigé des projets culturels d’oecuménisme comme le festival «  Gospel et Racines » avec le soutien des américains. C’est ainsi qu’avec ses amis de l’église évangélique dont Luc Gnacadja, ancien ministre de l’urbanisme, ils ont créé la Société Bethsaleel Building chargée de construire des logements sociaux à vendre à coût moins cher à des pauvres. En 2002, cette société reçoit des prêts du Fonds Opep et de Chepter Afrique pour la construction de 1000 logements sociaux à Abomey Calavi. Des prêts de l’ordre de 2 milliards ont été consentis à cette société. Mais au lieu de construire des logements pour les pauvres, elle en a construit quelques uns pour ses dirigeants.

Le reste des sous ? Mystère. Quand arrive le temps de rembourser les dettes, Bethsaleel Building commence à traîner les pas. Les créanciers flairent une mauvaise gestion, envoient une agence pour auditer les comptes de la société. Le pot aux roses est découvert. Les infractions comme décaissement de fonds au profit d’administrateur, surfacturations, achats de bâtiments sans payer…sont relevées. L’avocat des créanciers Me Sadikou Alao porte plainte contre la société Bethsaleel Building et demandent le recouvrement des créances de ses clients. Mais là encore les dirigeants de la société traînent les pas. En juillet 2008 à Nairobi, ils prennent l’engagement de payer cette dette en deux mois. Ils ont même signé à cet effet un acte authentifié devant un huissier. Nous sommes actuellement en décembre 2009 et les dirigeants de cette société n’ont donné le moindre kopeck. Me Sadikou Alao, craignant la forclusion du dossier, le relance à nouveau pour « banqueroute frauduleuse » et demande au procureur de la république de « chercher les coupables de cette affaire ». Simon Pierre Adovèlandé est convoqué pour le lundi 28 décembre. Il se présente à la Brigade Economique et Financière (Bef) le vendredi 25 décembre, jour de Noél et est gardé à vue pour dit-on dans le milieu policier, l’empêcher de s’enfuir. Le lundi, alors qu’on s’attendait à le voir présenter au procureur à la première heure, c’est dans la soirée vers 20 heures qu’il est conduit au tribunal après trois journées entières de garde à vue à la base de l’unité spéciale Raid (Recherche Action Intervention et Dissuasion) de la police dirigée par le commissaire Louis Philippe Houndégnon. Il est tourné en bourrique. La garde à vue est prolongée. Le lendemain, soit le mardi 29 décembre, on le ramène au tribunal à 5h30 minutes. Toute la journée, il le passe assis sur un banc avant que le procureur ne le reçoive vers 20 heures. Selon ses proches, abattus, il est devenu anorexique et ne prendrait que du sérum glucosé.

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Le Bénin, pays où il est interdit d’être candidat ?

Si pour une affaire commerciale, il est possible d’en arriver à de telles sentences, la façon dont cette affaire a été conduite par le parquet inquiète et suscite quelques interrogations. Primo, comment expliquer qu’Adovèlandé et consorts soient gardés chez les Raid, une unité spécialisée qui n’est pas du ressort de la police judiciaire ? Le dossier Adovèlandé présente là de grandes similitudes avec celui de Fagbohoun arrêté aussi par les Raid. Secundo, pour une convocation où il doit se présenter le lundi, Adovèlandé a été gardé pendant trois jours et  privé de la fête de Noél et le sera aussi pour le nouvel an. Un acte d’une cruauté rare. Le lundi, il n’est pas présenté. C’est le mardi à 5h30 minutes qu’il est amené au tribunal au moment où le procureur est censé être encore au lit. Toute la journée, il est resté assis sans bouger. Une torture morale indigne d’un homme de son rang. Tertio, le président du conseil d’administration qu’il est n’est pas forcement celui qui a commis les impairs. Pourquoi ne pas attendre le procès et situer les responsabilités avant d’emprisonner les gens. Quarto, la médiatisation systématique du dossier dès le début. Ce n’est pas le style de Me Alao. S’il décide de le faire maintenant c’est bien pour un but : montrez  aux populations que le dossier n’est pas politisé. Chose paradoxale, il ne refuse pas catégoriquement cette éventualité, se contentant de dire qu’on a toujours dit au Bénin que tous les dossiers sont politiques. La proximité de cette interpellation avec deux actualités récentes d’Adovèlandé est pourtant surprenante. Au début de ce mois, il était au Sommet d’Africités à Marrakech au Maroc où il a conduit une délégation de maires béninois. A ce sommet, il aurait annoncé publiquement sa candidature  et aurait dit qu’elle donne déjà de l’insomnie au président.

Revenu au pays, il est allé à Avrankou où il a partagé aux populations des calendriers et des étrennes à son effigie. Dans ces conditions, il sera très difficile de faire croire que ce dossier n’est pas politique, connaissant l’allergie du président Boni Yayi à toute autre candidature que la sienne.Houngbédji, Léhady et surtout Bio Tchané ont été constamment victimes d’acharnements gratuits de la part des hommes du pouvoir qui soulèvent contre eux des pseudo dossiers pour les discréditer dans l’opinion nationale. Le cas d’Adovèlandé s’inscrit fortement dans cette logique surtout qu’il est de la même confession religieuse que le président Yayi et que sa candidature est prise comme une menace sur cet électorat, chasse gardée du président de la république. Et cyniquement, le pouvoir a bien joué sa carte. Le jeter en prison l’éloigne de ses ambitions présidentielles.     

Marcel Zoumènou

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