Ce qui bloque réellement le Président Boni Yayi
Depuis un moment, des rumeurs font état de remaniement ministériel dans notre pays. Ces rumeurs devenues persistantes au cours du mois d'Octobre dernier sont très souvent relayées par les presses écrites de folles belles manières à travers des analyses parfois partisanes ou non selon qu’elles soient d'obédience pro-gouvernementale ou anti-gouvernementale. Hormis quelques points de divergence, les une que les autres s’accordent sur les difficultés qu’éprouve le Chef du Gouvernement qu'est le Président Dr Boni YAYI à procéder à cette opération coup de poing que certains qualifieraient d'opération Kamikaze pour le Président.
De mes lectures des quotidiens ayant abordé la question, trois articles parmi tant d'autres ont retenu mon attention et m'inspirent cette réflexion en tant qu'observateur de la scène politique du Bénin. Il s'agit de« Les Ministres bloqués pour cause d'annonce de «remaniement», «Les vraies raisons du blocage de Boni Y A YI » et« Remaniement ministériel : le Gouvernement à nouveau bloqué ».
Dans le premier article dont le surtitre «Préjudice des bruits de Remaniement du gouvernement sur le travail des ministres », l'auteur constate la vie au ralenti dans nos ministères en raison de « l'imminence d'un remaniement ministériel par Ie Chef de l'Etat, le Dr Boni YAYI ».
L'annonce d'un tel remaniement ministériel crée une véritable psychose dans le rang des ministres qui vivent actuellement sous une grosse pression psychologique» au point qu'ils «ont du mal à véritablement se concentrer sur leur travail ».
«Aujourd'hui, conclura avec force le journaliste, la plupart des ministres attendent d'être fixés avant de se jeter à nouveau corps et âme dans leur obligation ministérielle et dans la bataille politique ». Il en vient alors à faire deux propositions concrètes au Président de la République: «soit, dans un bref délai, remanier afin de permettre à ses ministres actuellement en place de recouvrer leur esprit pour l'accompagner dans sa mission de redressement de notre économie, soit de les rassurer qu'il n'y aura pas de remaniement » avant de conseiller : « le Président de la République doit agir au plus vite ».
Un conseil d'un simple citoyen qui prend l'allure d'un ultimatum au Chef de l’Etat, Président de la République, d'aucuns pouvaient y voir une audace de l'auteur de l'article. Mais en réalité, c’est à la mesure de l’enjeu que représente la vie de tout un pays qu’on ne saurait sacrifier sur l’autel des intérêts individuels de quelques amis ou proches parents politiques que ce soit.
Mais au fait, le président de la république, le Dr Boni YAYI, peut-il vraiment « agir au plus vite » sans risque ? C'est dans un autre quotidien que l'on trouvera une semaine plus tard la réponse à cette épineuse question. En effet, dans le chapeau de son article «Les vraies raisons du blocage de Boni YAYI, l’auteur persiste et signe: «Le prochain gouvernement tant attendu ne sera pas constitué de sitôt » se fondant avec certitude sur, quatre préoccupations majeures qui selon lui sont les vraies raisons du blocage de Boni YAYI.
Pour ma part, il existe une autre raison tout autant vraie que les quatre évoquées notre analyste. Mais avant d'en révéler la substance, il s'impose à moi de rappeler à l'attention des lecteurs les quatre premières raisons «qui empêchent le Président Boni YAYI, selon le journaliste, de composer son équipe gouvernementale de "guerre" pour 2010.
C'est avec une photo présentant le Président Boni YAYI debout à côté d'un mât portant le drapeau national non flottant au vent, le regard lointain traduisant un malaise intérieur certain, photo
sous laquelle se lit: «Yayi Boni toujours bloqué » que le journaliste annonce les couleurs en rassurant tout de go les Ministres qui depuis un moment quittent le sommeil dans leurs lits acquis à prix d'or: « Les actuels Ministres du Président Boni Yayi ont plus de chance, dixit-il, de garder leur portefeuille pendant un moment encore ». ..
II justifie son assurance par ce qu'il appelle «des complications au sommet de l'Etat et surtout des contingences politiques actuelles » qu’il décline en « quatre grandes contraintes (qui) empêchent en effet le premier magistrat de remanier son équipe gouvernementale (et qui) sont d'ordre politique, stratégique et liées à la mauvaise gouvernance et à l'examen du budget général de l'Etat gestion 2010 »
«-D'abord sur le plan politique, expliquera-t-il, le Chef de l'Etat a commis tellement d'erreurs stratégiques qu'il se retrouve sans une seule marge de manœuvre » faisant ainsi allusion à la pratique qui a cours depuis son avènement au pouvoir consistant à faire former les cabinets des ministères par un comité de thuriféraire Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) installé au palais de la Marina en lieu et place des Ministres.
La deuxième vraie raison du blocage du Président pour la formation de son prochain gouvernement serait selon le journaliste «la trouille d'un éventuel rejet du budget 2010. « Si le fait que le chef de l'Etat a tenu à avoir un œil sur la formation des cabinets ministériels joue contre lui, dira-t-il, l'incertitude du vote du budget général de l'Etat exercice 2010 l'oblige aussi à ménager les siens qui sont actuellement divisés au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo.
S'inquiétant pour notre Président de la République, notre analyste prévient: «Dans ces conditions, un remaniement matériel qui intervient et ne prend pas en compte les intérêts de chacun des acteurs de cette mouvance pourrait «tout foutre » en l'air.
Une troisième raison, non moins importante que les deux premières tient de ce que notre journaliste appelle « la mauvaise gouvernance politique et économique » au sommet de l'état caractérisée d'une part par« la propension à trop faire savoir et à être le seul à la une dans tous les débats politiques» en se permettant «d'aller inaugurer même des bâtiments construits avec des matériaux précaires à la place des directeurs régionaux » et d'autre part par la bénédiction des cas graves de malversation dans l'affaire Cen-Sad et autres grands dossiers par la réhabilitation des mis en cause.
Des trois premières raisons découlent indubitablement «des réserves un peu partout dans le pays », une quatrième selon notre journaliste ; des réserves qui se traduiraient par le refus de certaines personnalités à entrer au gouvernement du Président Boni Y A YI. «Dans la même foulée, confirme le journaliste, on apprend que certains ténors de la société civile auraient été contactés en vain pour prendre le train du changement en marche.
Voilà brièvement exposées les quatre vraies raisons qui bloquent le Chef du Gouvernement à procéder à un remaniement ministériel. «Toutes les conditions semblent désormais réunies, prévient le journaliste, pour qu'en absence d'un de ces critères, le Président Boni YAYI tombe en remaniant son gouvernement ».
Un autre son de cloche, le troisième article: « Remaniement Ministériel: le Gouvernement à nouveau bloqué» viendra bien plus tard dans la deuxième quinzaine du mois de janvier 2010, après bien sûr le rejet du budget général de l'Etat, rejet considéré comme étant l'une des véritables raisons de la tergiversation du Docteur Boni Y A YI à procéder à un remaniement ministériel, cet article disions-nous viendra confirmer la difficulté du Chef du Gouvernement à «agir au plus vite. » "
Se posant la question: «qu'est-ce qui bloque la formation du quatrième gouvernement de changement? » au nom de bon nombre de béninois, l'auteur de cet article, tout en prenant en compte les raisons évoquées précédemment par ses pairs, en ajoute une autre comme une nouvelle contrainte notamment: «l'obligation de ne pas dépasser 22 portefeuilles, selon les injonctions de la Banque Mondiale et le Fmi ».
A toutes ces raisons, l'on peut ajouter une autre qui tire sa racine de la deuxième que l'analyste considère comme pouvant être la cause «d'un éventuel rejet du budget 2010» du fait de «la prolifération des mouvements et partis politique de la mouvance où chacun cherche à sauver sa tête », situation qui empêcherait le Président, Chef du Gouvernement de vouloir coute que colite «satisfaire tout le monde et son père »selon l'expression ironisante de Jean de la Fontaine: En effet, quand bien même les critères seront présents, la probabilité de former un gouvernement pouvant satisfaire les intérêts de tous les courtisans de la mouvance à la fois est très mince si l'on sait que cette grande famille de la mouvance a eu le temps de s'élargir et compte aujourd'hui, outre les grands parents Fcbe, les parents Union pour la Majorité Présidentielle Parlementaire (Umpp) et Convergence 2011, les nombreux enfants partis et mouvements qui naissent tous azimuts presque tous les week-ends pour le soutien des actions du Dr Boni YAYI, tous comportant des juniors politiciens pressés de goûter aux délices du pouvoir et des seniors non encore rassasiés n'entendant pour rien au monde céder le fauteuil du pouvoir à la jeunesse.
A supposer qu'il réussisse à le faire, et là, il faut être un supra-homme, le Président peut-il avoir un gouvernement de cinq cent trente six (536) Ministres correspondant au nombre d'arrondissements dans notre pays ou à défaut un gouvernement de soixante dix sept (77) ministres maintenant il est convaincu de ne pouvoir donner un Ministre pour un village ou quartier de ville?
C'est justement, de notre point de vue, ce qui plus que tout autre, serait en train de bloquer réellement le Président Boni Y A YI pour la formation de son futur gouvernement de la taille du nombre de villages ou quartiers de villes du Bénin comme l'exigent les populations des différentes contrées.
Elles l'ont toujours exprimé de vives voix lors des meetings, marches de soutien ou de remerciements organisés par ci par là dans le pays. Parfois même ces exigences prennent la forme de menaces à peine voilées sinon comment comprendre ce propos d'un porte-parole des populations de la Commune de Dogbo lors des récentes visites du Président dans le Couffo : «Nous sommes convaincus que vous ferez diligence quant à la tenue de vos promesses… » La suite de cette phrase restée inachevée dans la pensée du porte-parole, chacun de nous peut l'imaginer aisément: «si non nous vous lâcherons Monsieur-le Président»
Voilà ce que l'on rabâche nuit et jour dans les oreilles de notre Président de la République et qui, ne voulant décevoir personne, peine devant plusieurs scénarii de projets de composition de gouvernement sans jamais pouvoir prendre une décision. De grâce, si, en bon père de famille, il veut donner à manger à tout le monde y compris les anciens ministres séjournant au "purgatoire de la Présidence'" qui Chefs de mission, qui conseillers spéciaux en ceci ou en cela et qui espèrent à être réhabilités d'un jour à l'autre, il attendra encore longtemps. C'est pourquoi, en guise de conclusion à notre analyse, qu'il plaise à son Excellence le Président de la République de méditer sur ce conseil que j'emprunte à VOLTAIRE: « Je ne connais pas le chemin du succès mais je puis vous indiquer celui de l'échec: essayer de plaire à tout le monde ».
Godomey, le 20 Janvier 2010
Pierre-Claver HOUNKPE