Le «changement » et ses avatars
Le «changement » tant annoncé par le candidat d’alors, le Dr Boni Yayi, bat aujourd’hui de l’aile. Le Bénin est depuis 2006 plongé dans un imbroglio socio-économique et politique sans pareil. Espoir tant nourri à l’orée de l’an 2006. Désillusion et grande déception, plus de trois ans après. Le « changement » annoncé par le Dr Boni Yayi au plus fort de la campagne électorale de 2006 ne ressemble plus presque à rien aujourd’hui. La déception est à son top niveau au sein de la population. Rien n’a véritablement changé depuis ce fameux 06 avril 2006, où du haut de la tribune officielle, le tout frais Président prononçait un discours d’investiture pour le moins impressionnant. Un discours qui laissait rêveurs beaucoup de Béninois. Certains se régalaient déjà du Bénin nouveau. Un Bénin radieux où il fera bon vivre pour toutes et pour tous. Les premières semaines du mandat de l’homme de Tchaourou rassuraient davantage les uns et les autres. Des actions d’éclats ? Personne ne pouvait en douter à l’époque. Car Boni Yayi affichait une volonté manifeste de redonner une nouvelle image à son pays, après des décennies de galère.
Dans la masse populaire, un optimisme soudain avait aussitôt réapparu. D’aucuns avaient même juré que le Bénin allait véritablement changer cette fois-ci. Après les 10 ans de Mathieu Kérékou imbibés de malversations de tous genres, de mal gouvernance sous toutes ces formes et d’une crise sociale pointue, le nouveau locataire de la Marina était presque accueilli comme un messie. « Ça va changer, ça doit changer, ça change déjà » péroraient sans cesse les chantres du nouveau pouvoir, positionnés en peu de temps à des postes stratégiques.
Les choix de Yayi
Au palais de la présidence comme dans plusieurs ministères, le « changement » semblait vraiment avoir pris corps dans les nouvelles nominations. Ils sont pour la plupart jeunes. Etrangers à la marre politique locale. Mais aux compétences intellectuelles insoupçonnées. Certains ont été délogés des institutions et organismes internationaux. D’autres, de la diaspora. D’illustres inconnus. Bof, seul le Chef de l’Etat avait le secret de ses choix. Il voulait rompre avec la tradition qui consiste à puiser les ministres et autres cadres dans la gibecière politique du pays, défend son entourage. Il aurait été averti. Ça finirait toujours par trahir, disent-ils. Si beaucoup de Béninois avaient applaudi sa nouvelle vision de la gestion des affaires du pays, ils n’étaient pas moins nombreux à s’en méfier. Les faits d’après leur donneront raison. Sans doute.
Des mesures sociales à controverse
Enrayer définitivement le trafic de l’essence « Kpayo ». Premier coup d’essai. Premier gros échec. Yayi se rétracte et jette toute la responsabilité sur son ministre du commerce de l’époque, Moudjaïdou Soumanou, l’accusant publiquement d’avoir extrapolé le plan du gouvernement. Il se dédouane donc. Cinglant désaveu. Mais le ministre rumine secrètement sa colère. Autre exemple, autre couac. Un ministre est limogé, juste pour avoir critiqué « légèrement » le pouvoir de Yayi devant ses collaborateur du ministère. Entre Yayi et son premier gouvernement, un divorce millimétré avait ainsi commencé. Pêle-mêle, les mesures improvisées qui s’ensuivent laisseront perplexes plusieurs Béninois sur l’efficacité réelle de ce nouveau régime. La messe des forums organisés à coup de millions dans tous les secteurs d’activité, a aussi connu des lendemains peu fructueux.
La gratuité des frais de scolarité dans les enseignements maternel et primaire, on se rappelle, avait essuyé toutes sortes de critiques. Des plus simples aux plus acerbes. Parce qu’elle semblait trop hâtive aux yeux de la grande majorité des acteurs de l’éducation, notamment les enseignants et les responsables administratifs des écoles bénéficiaires. Vaille que vaille, cette mesure poursuit pourtant son chemin. Les difficultés qui devraient en principe disparaître à son avènement, se sont accrues. L’affluence engendrée dans les salles de classe arrache de plus en plus le sommeil aux directeurs d’écoles. Ceux qui en font les gros frais sont les apprenants, contraints depuis lors d’étudier dans des conditions encore plus pénibles qu’avant.
Côté revendications sociales, le gouvernement de Boni Yayi passe aussi pour un mauvais négociateur. Un mauvais exemple en somme. Tout se complique à ce niveau au fil des jours. Pas de ligne d’action gouvernementale. Point de baromètre pour mesurer à juste titre l’évolution des dossiers traités. Les centrales syndicales ont crié sur tous les toits leur ras-le-bol. Un seul mot : « le dilatoire ». Des commissions et cadres de concertations créés tous azimuts pour se pencher sur des dossiers importants n’existent que de noms. Les mêmes discours et promesses sont repris à chœur par Yayi et ses ministres à chaque nouvelle rencontre avec les syndicats. A la date d’aujourd’hui, le clair-obscur qui règne encore autour de certaines grandes revendications, reste entier.
Au plan sécuritaire, le pouvoir de Yayi a atteint le seuil de l’inefficacité. Braquer à l’arme lourde à Cotonou et ailleurs au Bénin est devenu un exercice facile pour les bandits et les hommes sans foi ni loi. Une dizaine de braquages ont été enregistrée fin 2009, dans la seule ville de Cotonou. Passons sur tous les autres cas enregistrés durant ce mandat et notamment ceux du marché Dantokpa et celui survenu derrière le Palais de la présidence. C’est à croire qu’il n’existe plus de forces de l’ordre dans le pays.
Mais non !! Le problème est ailleurs. A leur tête. Un cas préoccupant. Armand Zinzindohoué est –t-il réellement l’homme qu’il faut à ce poste ministériel si sensible et si stratégique ? Beaucoup de Béninois se posent toujours la même question. Le « changement » et ses avatars. L’affaire Cen-Sad. Le gros dossier du programme de mécanisation agricole et tout le reste. La liste est longue et ne saurait être épluchée en une seule fois. Nous y reviendrons.
Christian Tchanou.