Après 20 ans d’expérience démocratique

L’activité syndicale et ses déboires

L’activité syndicale au Bénin, au terme de  20 ans  d’expérience démocratique, est au creux de  la vague. La vigueur  et  l’unité d’action dans la défense des droits des travailleurs  laissent de plus en plus place à une guerre de clans, où tous les coups sont permis. Les intérêts pécuniaires aussi désorientent davantage les leaders syndicaux de leur mission première. « Nous ne pouvons plus reculer, nous avons décidé….. ». Cette célèbre  chanson qui date de la période révolutionnaire faisait vibrer à l’époque tout le Bénin,  chaque fois que les travailleurs  descendaient  dans  la rue pour protester. Mais ce n’était pas qu’une chanson. Elle exprimait toute la détermination des masses populaires à arracher des pouvoirs publics, la satisfaction de leurs différentes revendications. Dans les années 80 et  particulièrement à l’approche de 1990,  le syndicalisme béninois affichait ainsi une effervescence inégalable. Plusieurs témoignages font encore l’éloge des responsables syndicaux d’alors,  qui se disaient  même  prêts à sacrifier leur vie pour la cause commune. L’unité syndicale était également devenue une nécessité et ne laissait indifférent aucun travailleur. Qu’il s’agit de l’Union générale des travailleurs du Dahomey ( Ugtd), du Front des travailleurs du Dahomey ( Ftd) et autres  organisations syndicales de l’époque,  l’heure n’était plus à la lutte en rangs dispersés.  Naquit  dans la vague,  la première confédération syndicale,  l’Union nationale des syndicats des travailleurs  du Dahomey (Unstd) qui deviendra plus tard l’Unstb.

 Même si quelques dissensions mineures se notaient dans leur rang,  les syndicats d’avant 1990 forçaient  l’admiration du peuple par rapport à leur engagement pour la défense des droits des travailleurs et leur sens de patriotisme.  Ils sont désignés comme les vrais pionniers de l’historique conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990, pour avoir poursuivi jusqu’au bout de souffle, le régime Kérékou. Beaucoup de Béninois le reconnaissent encore à ce jour, avec une pensée pieuse envers certains leaders syndicaux décédés  sur le front de bataille.

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 Entre autres acquis issus des  assises de 1990, le pluralisme syndical  a été le terreau qui fera germer une panoplie de syndicats  dans le pays. 20 ans après, le constat se fait, hélas,  désagréable.  Le monde syndical béninois est devenu un fourre-tout, similaire à un marché de vente,  où chacun vient faire ses « affaires ».  Les motivations ne sont plus les mêmes. L’argent y a fait son immersion, laissant croire que le syndicalisme peut aussi amener à la richesse,  comme on l’entrevoit pour l’activité politique ici au Bénin. Il existe aujourd’hui des syndicats qui regroupent à peine une vingtaine de militants, mais qui s’alignent aux côtés d’autres grosses cylindrées et partagent les mêmes avantages.

Le leadership

La lutte pour le leadership gagne aussi du terrain. « Le syndicalisme qui, jadis était basé sur l’esprit de solidarité est devenu un combat de gladiateurs » remarque avec amertume Emmanuel Zounon, Secrétaire général de l’Unstb. Ce combat s’illustre  beaucoup plus lors des élections professionnelles, au cours desquelles, les  responsables de centrales syndicales  se livrent une «guerre sans merci». Avec à la clé, des injures, des manœuvres,  et accusations de malversations de tous genres. Ils sont également nombreux,  les syndicats qui pactisent avec  les gouvernants et obtiennent des  financements occultes pour leurs diverses activités. D’autres responsables syndicaux  recevraient  également de fortes sommes d’argent  pour suspendre précocement des mouvements de grèves qu’ils déclenchent à peine. En évoquant une affaire de 30 millions Fcfa  qui auraient été  distribués  à des syndicats du Cnhu, pour arrêter une récente grève, la presse remet sans doute sur le tapis,  le débat sur  la corruption  grandissante dans le monde syndical.

Christian Tchanou

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