France- Mali: Accord sur l’immigration

Le Mali a t-il raison de rejeter, une sixième fois, les accords de la Françafrique repensée par Sarkozy?

Le nouvel échec des discussions en vue de parvenir à un "accord sur l'immigration", entre la France et le Mali, sonne, à nouveau, comme un vrai camouflet venant (…)

…d'un peuple toujours debout, toujours digne, qui ne voudrait plus se laisser abuser par les vieilles ritournelles de nos maîtres à penser.

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Le nouvel échec des discussions en vue de parvenir à un "accord sur l'immigration", entre la France et le Mali, sonne, à nouveau, comme un vrai camouflet venant d'un peuple toujours debout, toujours digne, qui ne voudrait plus se laisser abuser par les vieilles ritournelles de nos maîtres à penser.

En tout cas le gouvernement malien l'aura si bien compris qu'il ne court plus après la carotte; il préfère la dignité que la honte des millions promis qui ne tombent forcément pas, là où certains chefs d'Etat se sont dépêchés de se compromettre pour des avantages qui, une fois encore, ne sont qu'un véritable marché de dupe.

Neuf accords ratifiés au cours des deux dernières années, échéance des décaissements 2008 à 2010, (concernant par ordre chronologique: le Sénégal, le Gabon, la République du Congo, le Bénin, la Tunisie, le Cap Vert, la République de l'Ile Maurice, le Burkina Faso, le Cameroun), mais toujours aucun résultat tangible; rien dans leurs escarcelles, si ce ne sont les mêmes combines de la françafrique où l'on fait tout pour que, au mieux, l'argent de la France retourne à la France.

Pauvre mais toujours digne, dans le même élan de solidarité, avec, derrière lui, une société civile forte, le peuple du Mali s'est toujours mobilisé, mieux que partout ailleurs en Afrique, pour un "NON" retentissant au gouvernement de Nicolas Sarkozy et à sa politique de "gestion trop concentrique des flux migratoires"; le seul peuple dans cette Afrique moribonde décidé à ne pas laisser vendre son âme.

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La communauté malienne de France, (ancienne puissance coloniale), est estimée à 120.000 personnes, dont 45.000 en situation régulière, généralement dans des emplois peu qualifiés et éprouvants.

Aurait-on voulu faire croire aux responsables africains qu'on pourrait établir un nouveau flux régulier de migrants professionnels vers la France pendant qu'on refuse de régulariser ceux qui y sont et qui y travaillent déjà?

Selon M. Hortefeux, Paris devrait délivrer 500 cartes professionnelles par an pour permettre à des Burkinabè de se rendre en France « dans la légalité et la transparence » pour bénéficier de « qualification et d'expérience sur le territoire français »..

Il avait même promis dans un document séparé, la régularisation des Burkinabè vivant en situation irrégulière en France, mais possédant un contrat de travail légal.

Un autre accord prévoyait la généralisation des visas de circulation qui ouvrirait 77 métiers à l'immigration professionnelle, en provenance de Tunisie, tout en renforçant la lutte contre l'immigration clandestine.

Depuis 2009, qu'ont vu venir les Tunisiens, quant à la promesse de la délivrance des 3 500 visas professionnels au cours de la même année, pour les métiers listés par les deux pays : mécanique, bâtiment, électronique et informatique, pour lesquels le ministre Brice Hortefeux s'était engagé?

C'est face à ce tissu d'incohérences que, en mars 2009, le président malien Amadou Toumani Touré qui s'entretenait à Bamako avec le ministre français de l'immigration, Eric Besson, lui réaffirmait, en des termes très responsables, la demande de son peuple: il lui avait dit en substance: "Pendant que nous parlons de régularisation de nos compatriotes (immigrés sur le territoire français), la préoccupation de la France reste le retour au pays".

A l'issue de ces discussions il n'aurait quand même pas échappé au ministre français que le Mali réitérait une vieille demande qui ne semble plus négociable aujourd'hui et qui voudrait que, chaque année, cinq mille (5.000) de ses ressortissants en situation irrégulière en France obtiennent des papiers, tandis que Paris se dit seulement disposé à en régulariser que 1.500.

Lorsqu'on voit toutes les hypocrisies des autorités françaises, à tous les niveaux, et les abus dont sont victimes les travailleurs issus des migrations, de la part des plus grosses entreprises de ce pays, on se demande pourquoi faire ressurgir ce dossier sur lequel la position française n'aurait véritablement pas évoluée?

Un membre du comité franco-malien chargé du dossier a même déclaré, face à l'attitude pressante de la France: "Mon impression, c'est que la France est décidée à aller vite, quitte à utiliser le bâton et la carotte".

Accords déséquilibrés

….conclus essentiellement à l’avantage de la France pour servir ses objectifs de renforcement des contrôles migratoires; ils portent en eux des risques importants de violation des droits des migrants, que le MALI n'a pas intérêt à accepter pour les mêmes raisons qui l'avaient amené à soutenir ses migrants qui sont des êtres humains dignes de considération et de respect.

Quant au concept de « développement solidaire » dont on entoure ce discours, il est tout simplement inacceptable de subordonner l’aide au développement à la « maîtrise des flux migratoires » au prétexte d’un lien de cause à effet, jamais démontré, entre développement et baisse des migrations.

Le 12 mai 2009, la veille de la ratification de ces accords en France, le GISTI, groupe d'information et de Soutien des immigrés, soutenu par plusieurs organisations, demandait aux députés de rejeter de tels accords pour "une gestion « concertée » de flux migratoires au détriment des droits des migrants".

Dans sa critique, le GISTI parle des possibilités de « migration légale » extrêmement limitées et déjà prévues par les dispositifs de droit commun, de la lutte contre l’immigration irrégulière, avec des clauses par lesquelles les Etats s’engagent à réadmettre leurs propres ressortissants en situation irrégulière voire, pour certains (Gabon, Congo, Bénin), les ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire, d'une politique présentée comme "ambitieuse" en matière de « développement solidaire », mais entièrement subordonnée à la collaboration des pays concernés à la lutte contre l’immigration « illégale ».

Les autres aspects des accords qu'on aurait pu qualifier de positifs, preuve d'un vrai regain de générosité envers les africains, sont purement passés sous silence; c'est ce qui ressort nettement d'un rapport récent du Sénat français relatif au projet de loi de finance 2010 sur le volet "développement solidaire et migrations" de l'aide publique au développement.

Le deux rapporteurs, Michel CHARASSE et EDMOND HERVE, réaffirment la vocation des crédits inscrits au titre du programme, à financer "les projets portés par des migrants en faveur du développement de leurs pays d'origine, quelles que soient les modalités de leur contribution". à contribuer à la réduction des écarts de richesses, cause majeure de migrations, et à faciliter la reconnaissance des migrants comme nouveaux acteurs du développement..

Selon eux, le programme devrait s'inscrire dans une logique de promotion des migrations dites « circulaires » en cherchant à éviter l'effet de cliquet du non-retour des candidats à l'immigration en France.

Mais à quoi assistons nous aujourd'hui?

Il les ont signés et ratifiés à la pelle, et dès le 25 mai 2009 pour la partie française. Le Gabon, le Sénégal, le Bénin, le Congo, le Burkina faso, la Tunisie, le Cameroun, le Cap Vert, l'Ile Maurice. Aujourd'hui, aucun des ces pays ne sait exactement ce qu'il a signé parce que c'était le but de la manoeuvre.

C'était une excellente chose de prétendre faire profiter les pays africains des initiatives et des ressources de leurs diasporas, l'un des objectifs majeurs affichés des accords. Ce qui est condamnable, c'est dire à la face du monde que le BENIN bénéficiera de cinq (5) millions d'euros sur trois ans, la Tunisie, un investissement d'environ 40 millions d'euros sur quatre ans, de 2008-2011, dans des programmes de formation dans ce pays et ne pas vouloir faire une évaluation publique pour convaincre les indécis.

BRAVO à nos frères les maliens, si naturels dans leurs apparences, si conscients de leurs intérêts, qui nous offrent régulièrement l'occasion d'admirer un peuple qui incarne une immigration des valeurs et qui ne se préoccupe que de son destin collectif, même lorsqu'on leur fait miroiter la lune par les mécanismes bien rodés de l'aide publique au développement qui nous font plier rapidement l'échine et douter de notre bon droit.
Disons que les accords sont tout simplement morts.

Désiré Christian HOUSSOU

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