Les protestations contrastent avec les faits
Le plus grand hôpital public du Bénin est encore en sursis. Les agents, toutes catégories confondues, menacent à nouveau de le paralyser pendant des jours. Pour des revendications non satisfaites. Le Cnhu d’aujourd’hui n’est plus pourtant le chaos hospitalier d’hier. Ça recommence avec les grèves au Cnhu. A la suite des praticiens hospitaliers, tous les autres corps, à savoir sages-femmes, infirmiers, aide-soignants, techniciens de laboratoires et consorts viennent d’arracher, à leur tour, la hache de guerre. Mardi dernier, ils ont tenu un grand sit-in de protestation, annonciateur de nouvelles perturbations dans le plus grand hôpital public du Bénin. Les revendications qu’ils brandissent tournent essentiellement autour des primes et autres rémunérations complémentaires à leur salaire mensuel. Et ils semblent bien intraitables sur la question.
Sans doute que l’horizon sera encore ténébreux pour le Cnhu cette année. Dans les coulisses des syndicats maison, la détermination est à son top niveau. Certaines revendications visent directement les autorités de l’hôpital. Les autres sont tournées vers le gouvernement. « Nous allons cesser tout travail dans les prochains jours. Pas même de service minimum » râle un agent, sous anonymat. La tension est visiblement forte. Mais la question à se poser est aussi grande. L’opportunité d’une nouvelle grève de grande envergure au Cnhu reste à prouver. Et pour cause.
Il s’appelait jadis, « 350 lits ». Pour ceux qui connaissaient l’hôpital ainsi dénommé, le visage qu’il affiche aujourd’hui relève presque d’un exploit. Quel Béninois n’a pas vécu des heures malheureuses, une fois admis dans ce centre, pour quelque soin ! Les témoignages existent et son effarants. Si ce n’est pas un malade, qui meurt abandonné dans un couloir des pavillons, c’est un autre qui croupit sur son lit, pour insuffisance du moindre matériel de traitement. Le Cnhu était plus qu’un calvaire pour ceux qui le fréquentaient. Tout était sens dessus, sens dessous. D’aucuns n’hésitaient même pas à le qualifier de « cour du Roi Petaud ». Et d’autres : « Le capharnaüm hospitalier ».
Les autorités administratives d’alors n’étaient pas moins complices de la gestion calamiteuse tant décriée. Le détournement des médicaments, équipements et autres ressources à des fins personnelles, était le sport favori d’un personnel peu qualifié.
Réformes et rancœur
Comment faire pour redorer le blason du Cnhu ? La question a fini par préoccuper les gouvernants au fil des ans. D’où le regard plus attentif dont a commencé par bénéficier le Cnhu. Les nouveaux directeurs avaient donc pour mission de redresser la maison. La rigueur dans la gestion exigée par le pouvoir central était telle, que des choix ont été même portés sur des militaires, professionnels de santé pour diriger cet hôpital. Ainsi, on a vu défiler, entre autres, un certain Colonel Barthélemy Kpakpassou, puis depuis plus d’un an, le Professeur Idrissou Abdoulaye, également militaire de carrière. Des personnalités civiles aussi ont été sollicitées, entre temps, pour assainir la maison. Dans l’ensemble, le travail abattu par les uns et les autres n’est pas négligeable. Le Cnhu a pu retrouver un nouveau mécanisme de gestion et de fonctionnement qui ne permet plus à n’importe qui de faire n’importe quoi. Son cadre aussi a été nettement amélioré. Et reste incomparable à celui des années 80 et 90.
Même si tout n’est pas encore rose, loin de là, aujourd’hui au Cnhu, la gestion des ressources matérielles et financières répond à des normes acceptables. La rigueur est de taille. Le vrai problème se pose encore au niveau « l’homme ». Ici, les tares demeurent nombreuses. Le Cnhu n’est pas encore à l’abri des querelles de clocher, des coups bas entre agents de diverses catégories, des actes d’intimidation de tous genres entre collègues de service. Dans cette jungle d’animaux féroces, la guerre des clans fait de plus en plus rage. L’atmosphère est si délétère que médecins et infirmiers se parlent rarement depuis quelques mois. Les premiers sont bénéficiaires des primes de risque jugées considérables par les autres qui n’en gagent pas autant. Conséquence, ces derniers se disant marginalisés, ne se sentent plus de la même famille que les premiers.
Au demeurant, les grèves qui s’annoncent et celles qui sont déjà en cours au Cnhu laissent interrogateur sur la motivation réelle des acteurs. Ceux qui d’un côté, réclament plus de modernisation au sein de l’hôpital créent le contraste chez bon nombre de Béninois, qui voient les efforts remarquables que fournit le gouvernement dans ce sens. Même sentiment face aux autres qui exigent un traitement salarial plus confortable, alors qu’ils en ont déjà assez bénéficié ces dernières années.
Christian Tchanou
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