L’avion présidentiel : Affaire classée ?

Le récent voyage présidentiel de Boni Yayi à Abuja pour y prendre part au Sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, a remis au goût du jour, de façon crue, le problème de la possession, par le Bénin, d’un avion présidentiel.

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En effet, dans ce qui a transporté la délégation béninoise d’Abuja à Cotonou et qui tenait lieu d’avion, les places étaient extrêmement limitées, de sorte que certains ont dû rentrer au pays autrement et après les autres. S’il est définitivement établi que le président Kérékou avait très peu d’égard pour le luxe insultant et pour l’ostentatoire, son successeur Boni Yayi semble se situer à des années lumières de lui en la matière. Il suffit simplement de voir le standing de son cortège présidentiel. Il suffit aussi et seulement de voir qu’il peut quitter Cotonou pour le carrefour Godomey, sur le chantier de l’échangeur, don de la Chine au Bénin, en hélicoptère ! Une dizaine de kilomètres à peine ! Une démarche qui suffit à traduire la conception que l’on se fait du pouvoir. Instrument de gloire personnelle? De vengeance sur la vie? Pour se servir? Ou instrument pour servir le peuple ?

Pour autant, l’on déplorait le fait que des pays comme le Togo, voire le Niger, puissent disposer en propre d’un avion présidentiel et pas le nôtre, pourtant mieux classé qu’eux selon les indices de développement du PNUD. L’on s’offusquait carrément de voir notre président, Mathieu Kérékou, squatter l’avion de son homologue feu Gnassingbé Eyadema. Ce que nous appelions avion-stop. Aussi, quelle ne fut pas notre heureuse surprise lorsque le projet d’acquisition d’un avion présidentiel par le Bénin, à un moment où l’on croyait encore en d’hypothétiques vertus de bonne gouvernance version Boni Yayi, fut ressuscité. Enfin, notre Bénin allait acquérir un peu de respectabilité, croyions-nous !

Le gouvernement se bombe le torse… L’affaire fut rondement menée. Très rondement même, puisqu’en lieu et place d’une acquisition, c’est à la réparation d’une carcasse que l’on eut droit. Et, parce que l’on n’a plus honte dans ce pays, c’est avec un élan jubilatoire et jouissif qu’on nous annonça l’arrivée de l’avion présidentiel béninois. On lui assignait de régler le sempiternel problème de manque de places à bord des appareils jusque-là affrétés pour transporter Boni Yayi et sa délégaton dans les déplacements sur l’étranger. Tous ceux qui seraient utiles en pareille occasion pourraient désormais voyager, du moins l’espérer puisque, plus il y a de disponibilité, plus aussi il y a d’affairisme et que des gens dont l’utilité sur ces voyages-là est loin d’être avérée, sont embarqués. Applaudissements et cris de joie avaient tout de même accueilli la nouvelle. Mais tout ceci ne fut que de courte durée. L’on découvrit très tôt qu’il ne s’agissait pas d’un avion sérieux mais d’un réceptacle rechemisé alors qu’il était probablement promis à une désagrégation certaine pour servir à autre chose. Rechemisé pour la rondelette somme d’environ 5 milliards de nos francs. Je ne suis pas un expert en la matière mais je me demande sérieusement si 5 milliards de FCFA ne peuvent pas permettre d’acquérir un avion neuf ou, à tout le moins, en bon état de fonctionnement. Le montant de la réparation, on doit à un certain Martin Rodriguez de le connaître. Lui, homme d’affaires qui était associé à l’affaire sous le président Kérékou. On dit même qu’il est le donateur de l’appareil. Depuis qu’il a parlé, pas le moindre démenti, la moindre rectification. Dans la foulée, ce à quoi l’on a assisté quand les dénonciations fusaient sur l’état de l’appareil, c’est à une grotesque mise en scène. Des journalistes, dont aucun n’est spécialisé en aéronautique ni en aviation civile, ont été embarqués à bord pour un petit vol au-dessus de nos têtes, aux fins de leur faire dire que tout était normal, que l’avion était en parfait état de marche.

Et pourtant, quelques jours seulement après, il devait disparaître du tarmac de l’aéroport international Bernardin Cardinal Gantin de Cadjèhoun pour, dira-t-on, contrôle de routine. Contrôle de routine pour un avion qui, depuis qu’il était livré à Cotonou, n’avait même pas effectué trois vols ! Contrôle de routine qui dure et qui dure encore depuis de nombreux mois !

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Le requiem de l’avion présidentiel a-t-il été dit ? N’était-ce encore là que l’une des manifestations de la prestidigitation ? Un véritable ″aviongate″ ? L’épisode d’Abuja remet au goût du jour, ai-je dit, ce problème. Qu’on nous dise, au nom de l’obligation de reddition de compte, au nom de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, ce qu’il advient de notre soucoupe volante présidentielle. Qu’on nous dise si on a gaspillé nos 5 milliards pour rien. Qu’on nous dise qui en sont les responsables et quelles sanctions l’on a prises à leur encontre. Au nom de tous ces principes de bonne gouvernance dont on nous abreuvait, nous voulons savoir. A vous de jouer !

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