Libérez FM Solidarité d’Ekpè !
Philippe Hounsou. Ce nom vous dit-il quelque chose ? Connaissez-vous l’affable et humble jeune homme qui le porte ? Peut-être que oui, peut-être que non. C’est un Béninois et cela est important. Un génie à l’état pur. Il n’a pas fait de hautes études académiques.
Non, pas même le Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Il ne sera donc pas connu des annales de nos grandes écoles et universités. Mais pensez-vous que ce soit là l’essentiel dans la vie ? L’essentiel, à mon avis, c’est de découvrir sa voie, de faire son chemin, de se réaliser. En un mot, d’être. En cela, Philippe Hounsou a certainement beaucoup plus de diplômes que la plupart d’entre nous et, de ce fait, il est un grand parmi nous. Il mérite notre admiration et notre respect. C’est lui qui, il y a une dizaine d’années et pour la première fois chez nous, a monté la première station de radio typiquement et authentiquement béninoise. A base de matériaux locaux, notamment des calebasses, des objets de récupération et autres petits trucs qui paraîtraient inutiles aux yeux de beaucoup. L’expérience enchante les populations d’Ekpè. Radio Solidarité FM d’Ekpè est née.
Sous d’autres cieux, Philippe Hounsou aurait eu droit à tous les honneurs. Sur les campus universitaires, il aurait été sollicité pour parler de son expérience aux étudiants. Sous ces cieux-là, l’on est pragmatique. La preuve, aujourd’hui, c’est la Belgique qui l’aide de temps à autre. La preuve aussi, c’est qu’en avril 1999, il a été médaillé d’or en tant que jeune inventeur, par l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle. Ici, une audience lui a été accordée par le président Mathieu Kérékou le 11 octobre 1999. Deux jours après, soit le 13 octobre, le même président l’invita en Conseil des ministres pour faire des démonstrations. Promesses, de voyage d’études notamment, jamais réalisées. Il a plutôt eu droit à des tracasseries. Bien que son initiative relève de son génie propre, il fut sommé à un moment donné, de se conformer au cahier des charges qui régit les stations de radio qui signent une Convention d’exploitation de fréquence avec la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Je n’ai rien contre le fait de demander à tous les acteurs du secteur de se conformer à la loi. Je pense cependant que, s’inspirant de son exemple, le législateur aurait pu prévoir des dispositions particulières pour régir le genre de radio qui est le sien et, ainsi, favoriser l’éclosion d’autres initiatives pour, à terme, dynamiser le génie béninois en la matière.
Pourtant, respectueux de l’Etat, Philippe Hounsou s’était conformé aux exigences de la HAAC en observant le silence radio. Il constitua son dossier et le soumit dès que la procédure d’attribution de fréquence fut ouverte. Et comme son état de service plaidait largement en sa faveur, la HAAC reçut positivement sa demande et l’autorisa à faire des essais en attendant la signature de la Convention d’exploitation. Sur la base de la lettre de la HAAC, FM Solidarité d’Ekpè redonna de la voix. Le ministère de la Communication, entré en conflit avec la HAAC au sujet de l’attribution des fréquences dont l’étude technique lui revient conformément à la loi actuelle, mais sans une décision de justice, décide d’employer la méthode forte. Une mission est envoyée à Ekpè, accompagnée d’une légion de soldats, pour apposer des scellés sur les installations de la radio. On était le 31 mars 2008. Depuis lors, deux bonnes années sont passées et le promoteur n’a pas eu accès à ses installations techniques ainsi privées de maintenance. Et dire que Philippe Hounsou n’est pas resté bras croisés. Il a fait le parcours Ekpè-Cotonou-Ekpè un nombre incalculable de fois. Rien n’y fit ! Je le sais parce que j’ai eu à le suivre personnellement à un moment donné dans ses courses. Que de lettres écrites !
Le comble, c’est que l’année dernière son initiative a été sélectionnée parmi les dix finalistes du concours Harubutu qui récompense chaque année les trois meilleures initiatives conduites par des Africains restés chez eux, et qui participent au développement du continent. Parce que le jury final devait visiter in situ les initiatives sélectionnées, il fallait obtenir l’ablation des scellés, ne serait-ce que pour une journée, le temps pour le jury d’apprécier l’originalité des installations.
Que croyez-vous qu’il se passa ? En dehors de quelques cadres du ministère de la Communication qui nous reçurent et promirent de faire le nécessaire, rien, absolument rien ! La délégation venue au Bénin n’a pu avoir accès aux installations. Le résultat, vous vous en doutez, le projet de Philippe Hounsou a échoué pour n’avoir pu être évalué. C’est le Bénin du changement ! 31 mars 2008-31 mars 2010, deux ans que dure le calvaire de Philippe Hounsou et des populations d’Ekpè, privés d’un formidable outil de développement. Deux ans que le génie béninois est en train d’être tué sous le régime dit du changement. C’en est assez et il est temps de libérer FM Solidarité d’Ekpè.
Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source : commentvalebenin.over-blog.com)