Encore des batailles juridiques en perspective
Une fois la loi portant abrogation de la loi organisant le recensement électoral national approfondi (Rena) et la liste électorale permanente informatisée (Lépi) votée, c’est une nouvelle manche qui commence. Il faut dorénavant s’attendre à des batailles juridiques aux rebondissements multiples. Toute loi votée au Parlement est transmise au Président de la république en vue de sa promulgation. Et le premier incident juridique pourrait venir de là. Il est déjà arrivé au Bénin qu’une loi votée par les députés n’ait pas été transmise au Président de la république dans les délais. C’était le cas de la loi constitutionnelle modifiant le mandat des députés. Celle-ci fut cassée par la Cour constitutionnelle pour entre autres raisons le non-respect du délai de transmission au Président de la république. Au regard de l’opposition de la mouvance présidentielle à cette abrogation, le Président du Parlement qui est désormais habitué à des manœuvres dilatoires, pourrait bien sciemment créer l’incident du retard de transmission de la loi votée par les députés. A contrario, si la nouvelle loi parvenait au Chef de l’Etat, plusieurs options s’offrent à lui et se comptent au nombre des scénarios possibles au lendemain du vote de la loi qui met un coup d’arrêt à la réalisation de la Lépi.
Primo, le Président de la république peut demander une seconde lecture ; initiative qui s’avérerait peu pertinente car le seconde lecture ne saurait remettre en cause l’opportunité de la loi mais plutôt viser des corrections aux dispositions qu’elle contient. Mais cette demande aurait l’avantage pour le Chef de l’Etat de gagner du temps, et de voir le processus de réalisation de la Lépi se poursuivre encore. La deuxième possibilité offerte au Président est de demander un contrôle de constitutionnalité de la loi dans l’espoir de voir la Cour constitutionnelle la casser. Au-delà de ces possibilités, l’autre acte que peut prendre le Chef de l’Etat est la promulgation pure et simple de la loi. Ce qui ne risque pas de passer pour un réflexe. En dehors du contrôle de constitutionnalité que peut demander le Chef de l’Etat, des citoyens peuvent aussi formuler des recours contre la loi. Dans l’un ou l’autre des cas, la Cour constitutionnelle sera amenée à prendre une décision. Ou bien elle casse la loi, ou bien elle la déclare conforme à la Constitution. Et sa décision ne sera pas susceptible de recours.
Dans le premier cas, les carottes auront été cuites pour l’opposition qui recherche l’abrogation. Mais dans le second, c’est la mouvance présidentielle qui sortira perdante. Et la loi restera définitivement abrogée. Là encore des incidents juridiques resteront possibles.
Le Président de la république peut, fort d’accords internationaux qui seraient menacés, prendre une ordonnance pour relancer le processus de réalisation de la Lépi. Dans tous les cas, l’opposition gardera toujours une carte en main : elle a déposé parallèlement à la loi abrogatoire une nouvelle proposition de loi organisant toujours le Rena et la Lépi. L’avènement du vote de cette loi viendrait abroger toutes les dispositions antérieures contraires et rendraient sans effet toutes le mesures dilatoires éventuelles. C’est dire que même si la loi abrogatoire récemment votée finissait par ne pas prospérer, l’ancienne loi abrogée a très peu de chances de rester en vigueur.
Olivier ASSINOU