Yayi ne veut pas d’une Lépi consensuelle
Alors que les députés étaient à l’Hémicycle hier pour statuer sur la loi d’abrogation de la Lépi, c’est plutôt à la lecture d’une correspondance du chef de l’Etat qui demandait au président de l’Assemblée nationale de déclarer irrecevable ladite proposition qu’ils ont eu droit. Une demande qui révèle la vraie position du chef de l’Etat sur la question selon certains observateurs. La session extraordinaire devant connaître de la proposition de loi abrogeant celle qui autorise la réalisation de la lite électorale permanente informatisée (Lépi) est reportée sine die. Parce que le président de la République, Boni Yayi a demandé que cette proposition de loi soit déclarée irrecevable. Le professeur Mathurin Nago, président de l’Assemblée nationale à défaut de se conformer à cette injonction, a reporté la séance. Car, à l’étape actuelle, le président de l’Assemblée nationale ne peut plus faire volte-face pour déclarer l’irrecevabilité de ladite proposition de loi. Ceci d’autant plus qu’avant d’annoncer cette question en plénière et la programmer, il fallait vérifier si elle répondait aux prescriptions légales. Ce qui apparemment est le cas puisque la question était à l’ordre du jour hier. Plus que ce report, c’est la demande d’irrecevabilité du chef de l’Etat qui prête à polémique.
En effet, la lettre du président de la République se fonde sur une convention signée en 1993 entre les pays membres de la Cedeao en matière de bonne gouvernance et de démocratie. Pour Boni Yayi donc, l’abrogation de la loi 2009-10 portant réalisation de la Lépi violerait cet accord. Or, il ne faudrait pas ne pas la respecter. Aussi, soutient-il cet argument en brandissant l’implication des bailleurs de fonds dans le processus. Là, la bonne foi du chef de l’Etat ne souffre d’aucun doute. Il est bel bien le premier qui veuille de la Lépi. Cependant, plusieurs questions et observations poussent à se demander si son engagement pour la réalisation de cet outil électoral est réellement total. D’abord, la convention brandie par le Chef de l’Etat date de 1993. Bien qu’il soit au pouvoir depuis 2006, il n’avait jamais sorti cette dernière pour réclamer la réalisation de la Lépi pour servir lors des deux élections qui ont déjà eu lieu sous son mandat. Ce qui intrigue plus, c’est sa volonté plusieurs fois proclamée de réaliser une Lépi consensuelle. Mieux, il a rassuré l’opposition de ce que l’évaluation du processus qu’ils réclament sera faite. Mais, plusieurs semaines sont passées et aucun écho de cette évaluation. C’est d’ailleurs cette réticence qui a poussé l’opposition à introduire une proposition de loi d’abrogation. Pourquoi ne pas avoir renoué le dialogue avec ses adversaires alors qu’il parle de consensus ? Pourquoi malgré sa promesse ferme, l’évaluation n’est toujours pas une réalité ? Cette lettre du chef de l’Etat semble être la première phase d’une stratégie, assurent certains observateurs de la vie politique béninoise. Les adeptes de cette thèse indiquent que si le président de la République obtenait l’irrecevabilité de la proposition de loi, le processus va continuer sans prendre en compte les interpellations de l’opposition. On s’attend également à une réaction de la part des forces de l’opposition : celle de retirer leurs militants présent au sein de la Commission politique de supervision de la Lépi (Cps-Lépi). Du coup, cette commission se trouverait paralysée. Il sera donc facile de mettre sur le dos de l’opposition l’échec de la réalisation d’une Lépi consensuelle.
Au-delà de cette stratégie, il faut faire remarquer que dans cet imbroglio juridico-politique, seule la Cour constitutionnelle a le pouvoir de fixer les uns et les autres sur la conduite à tenir. Car, la loi prévoit qu’en de pareilles circonstances, le président de l’Assemblée saisit la haute juridiction qui dispose de huit jours pour rendre sa décision. Déjà, les spéculations vont bon train. Dans le lot, d’aucuns pensent que la Cour de Robert Dossou saura décider en toute impartialité et en ne se fondant que sur la loi. Seuls les jours à venir pourront nous édifier.
Georges Akpo