Halte à l’hypocrisie
Depuis jeudi, la classe politique est secouée par les propos de Mme Rosine Vieira Soglo sur le régionalisme. Quand bien même il y a des reproches à faire à la présidente de la Renaissance du Bénin, l’avalanche d’indignations que ses propos ont suscitées indigne davantage. Le mal étant là.
« …J’entends dire qu’on va destituer Quenum et mettre à sa place quelqu’un du Nord (…) Quenum peut déconner. Mais si vous destituez Quenum et vous mettez quelqu’un du Nord, et bien, je crois que nous allons avoir la bagarre. C’est moi Rosine Vieryra Solgo qui le dit. Le Nord ne peut pas toujours commander le Sud. La minorité s’arroge tout le pouvoir et ne laisse rien à la majorité. On va retourner un jour dans l’affrontement. Alors, n’arrivons pas là et je sais de quoi je parle. J’ai des beaux frères et des petits neveux qui sont du Nord et qui peuvent, pourquoi pas, faire le jeu du Nord. Je ne suis pas raciste moi. A mon âge, c’est malheureux. C’est quoi ? Le Dahomey, le Bénin nous appartient à tous, Nord, Sud, Est, Ouest. Nous sommes tous enfants du même pays et que ça cesse. Le Nord, le Nord, le Nord, le Nord. Et le Sud alors ? On s’est tu en cinquante ans d’indépendance. Vous nous avez commandés. On a connu Maga, on a eu Kérékou, et maintenant Sopi… ».
Voilà in extenso les propos tenus jeudi dernier par l’ex-première dame Rosine Soglo à l’hémicycle.
Reconnaissons que la manière dont le problème a été posé n’est la meilleure. Mais, connaissant l’intéressée qui n’est pas à son premier coup d’essai, il y a lieu de ne pas se laisser submerger par l’émotion. Surtout que celui par rapport à qui elle pose le problème n’est pas exempt de reproches pour être évincé de son poste de superviseur. Que Mme Soglo exige que le remplaçant de Quenum soit nécessairement d’une autre région que le nord pose aussi un problème. Car, les compétences, il y en a partout. Mais cela suffit-il pour qu’on pense qu’elle fait l’apologie du régionalisme ? Absolument pas ! Puisque le problème existe et c’est d’ailleurs la problématique que pose le coup de gueule de la dame de fer du Parlement béninois. En se laissant aller à l’émotion, on perd de vue cette donnée et on estime que c’est l’éviction de Quenum qui l’a sortie de ses gonds. Aujourd’hui plus que par le passé, le régionalisme est présent. On ne saurait dire que sous les autres régimes c’était la compétence et autres critères objectifs qui guidaient les nominations. Puisqu’il est connu que l’on fait toujours plus confiance qu’à ses proches. Cependant, le phénomène n’était pas tant décrié sous Nicéphore Soglo pas plus que sous Mathieu Kérékou. Dès lors, il faut se demander pourquoi tout le monde s’en préoccupe. Ne pas faire ce petit exercice relève de l’hypocrisie et d’un manque de probité intellectuelle préjudiciable à l’avenir de notre pays. Autrement, les multiples indignations clamées et déclamées çà et là, manquent d’objectivité et de sincérité en ce sens que le problème du régionalisme n’est plus un secret pour personne. Alors pourquoi, l’une des voix autorisées du Bénin en parle et cela déclenche cette avalanche de réquisitoires perfides ? Pourquoi refuser de voir que le régionalisme est un monstre auquel il faut face au lieu de le fuir ? Pourquoi ne veut-on poser les vrais débats afin de les exorciser ?
Parmi ceux qui lèvent le ton, il faut noter trois catégories : ceux qui l’ont fait sur commande tout en sachant que le problème existe, ceux qui ont réagi par pur conformisme politique pour garder leur postes ou pour du zèle et ceux qui rient sous cape et en sont les bénéficiaires mais réagissent aussi pour pousser loin le comble du cynisme. Il faut donc que les uns et les autres arrêtent le cinéma et s’arment pour affronter le phénomène. Car, à force d’opérer des fuites en avant, on finira par être rattrapés par ce serpent de mer qu’est le régionalisme. Heureux encore que Mme n’a fait que parler. Et qu’en est-il de ceux qui posent les actes régionalistes tous les jours que le Bon Dieu fait ?
Benoît Mètonou
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