Tout est bien qui finit bien. Quatre jours de dialogue et de négociation entre le Gouvernement et les enseignants en grève, ont suffi pour mettre fin à plusieurs semaines d’un affrontement aussi vain qu’inutile. Le gouvernement et les enseignants ont terminé leur bras de fer par où il aurait dû le commencer, à savoir autour de la table de négociation.
Conséquence d’une inconséquence regrettable : trop de temps perdu ; trop d’initiatives mal préparées et mal ajustées qui, au lieu d’éteindre l’incendie, n’ont eu pour effet que d’étendre le sinistre ; trop de coups de poignards dans le dos ; trop de coups d’épée dans l’eau.
Mais nous appartenons à l’école de la pensée positive. Cette école nous enseigne de voir en toute épreuve une opportunité à saisir et de faire de tout échec une pause réflexive sur le chemin de l’action. Ne refermons pas derrière nous la parenthèse d’une crise avant que nous n’en tirions des enseignements qui nous prémunissent contre d’autres crises ou qui nous aident à en avoir une gestion sereine et éclairée.
Qu’est-ce qui a prévalu et qui mérite d’être célébré au terme de plusieurs semaines de bras de fer entre le gouvernement et les enseignants grévistes ? Ne cherchons ni trop longtemps ni trop loin, c’est le dialogue. Si l’on ne peut ni demander à un corps de métier de renoncer à son droit constitutionnel de faire grève, ni à un gouvernement de rester indifférent face à certaines revendications socioprofessionnelles, il ne reste à l’une et à l’autre parties que la voie étroite, mais prometteuse du dialogue. On peut s’asseoir à la même table. On peut se parler. On peut échanger. On peut lever les équivoques et les malentendus. On peut évoluer vers des compromis dynamiques. Le dialogue s’impose ainsi comme le premier réflexe qui sauve chaque fois que surgit un problème impliquant plusieurs partis. L’affrontement est une voie d’impasse. Il y a plus de chance qu’il fixe et fige les différents partis en des positions antagonistes et tranchées.
La colère du Chef, appuyée par des propos qui ont surpris plus d’un, aura été un des temps négativement forts de cette crise. Des propos qui, un moment, ont semblé fermer toutes les voies d’accès au dialogue et renvoyer aux calendes fon, nagot ou batonu toute idée de « gouvernance concertée ». Un concept pourtant en vogue et qui trouve une place de choix dans le discours officiel.
Ainsi sont et ainsi vont les exigences de l’éminente charge de Président de la République. Ces exigences donnent à voir derrière l’homme, derrière le mortel que le Président est, l’institution qu’il doit rester contre vents et marées. De ce point de vue, passe que le chef se fâche. Mais il ne peut ni passer les limites ni dépasser les formes requises sans brouiller l’image du leader qu’il est et qu’il doit s’attacher à rester, en tout temps et en tout lieu, envers et contre tout.
L’idée, plutôt saugrenue, de remplacer, au pied levé, les enseignants grévistes par des diplômés sans emploi, est à assimiler à un gros pavé maladroitement balancé dans le marigot des enseignants. Si le gouvernement avait pris soin de constituer un comité de crise chargé de concevoir et de proposer des actions coordonnées, planifiées et opérationnelles dans la gestion de cette grève, il y a gros à parier qu’on aurait évité une initiative non mûrie et dont l’effet boumerang a été immédiat. Car s’il est parfaitement concevable d’éteindre un incendie avec n’importe quelle eau, il n’est point acceptable de qualifier la ressource humaine à partir d’un quelconque et problématique encadrement.
L’enseignement est un métier. Il est trop sérieux pour être laissé en des mains sacrilèges. La banalisation que le gouvernement a voulu introduire dans cette vérité renseigne sur le niveau de son appréhension des problèmes de l’école en général, sur l’idée, en particulier, qu’il se fait du sort des générations futures. Ceci, sous l’angle de la qualité de la formation de celles-ci, sous l’angle de la qualité de leur contribution au développement de leur pays. Qui voudrait rééditer, chez nous, le gâchis monumental qui a consisté à faire accréditer l’idée selon laquelle « Tout cadre est enseignant » ?
Enfin, envoyer les ministres en mission, à l’intérieur du pays pour aller plus ou moins casser de l’enseignant ne participe pas d’une décision bien inspirée. A la vérité, il a tout faux, aux yeux des populations, celui qui s’avise de présenter l’enseignant comme l’empêcheur de tourner en rond dans un Bénin où tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y a une solidarité silencieuse de tous ceux qui souffrent. Et à vouloir les diviser pour régner, on se condamne à se diviser sans régner. Comme on le voit, avec la dernière grève des enseignants, il y a, sous l’angle des enseignements, du grain à moudre par tous et pour tous. L’école de nos rêves, que nous appelons de nos vœux, est à ce prix.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 30 mars 201
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