« Je suis dans une mission républicaine et non gouvernementale »
Face à la polémique qui ne cesse d’enfler au sujet de la réalisation de la Lépi, dont la phase de recensement porte-à-porte vient d’être lancée, le Superviseur général de la Commission politique de supervision du Rena et de la réalisation de la Lépi a accepté de nous accorder une interview.
Ses rapports avec les différentes mouvances politiques et avec le Chef de l’Etat, les corrections apportées aux erreurs commises lors de la cartographie censitaire, la démission de ses collègues députés de l’Opposition, la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail chargé d’évaluer le processus de réalisation de la Lépi, le lancement du recensement porte-à-porte, voilà autant de sujets abordés avec l’Honorable Nassirou BAKO-ARIFARI. Dans sa fonction, à l’en croire, son leitmotiv reste dialogue et consensus.
Nouvelle Tribune :
Honorable Arifari Bako, vous êtes responsable de la commission politique de supervision pour la réalisation de la liste électorale permanente informatisée et porté à ce poste en remplacement de l’honorable Epiphane Quenum, par ceux qui vous avaient évincé dans un premier temps. Quelles sont vos nouvelles motivations qui ont favorisé ce rapprochement ?
Honorable Bako-Arifari
C’est effectif j’avais été candidat malheureux contre l’honorable Epiphane Quenum, c’était au mois de juin dernier au moment où la commission de supervision avait été installée. Vous avez suivi toutes les péripéties qu’a connues l’organe dans son fonctionnement et comment cela avait déffrayé la chronique. Il y a eu à l’époque, trois de nos collègues qui avaient signé une lettre de protestation et de suspension de leur participation aux activités de la Cps en accusant à l’époque, le superviseur général de gérer de manière solitaire, de ne pas respecter les règles, d’usurper les compétences de la Miréna. Bref, je dirai, le réquisitoire est assez fourni. Il est arrivé donc vraiment que l’organe ou les deux organes en charge de la réalisation soient paralysées sur des questions. Parfois, c’est des questions liées à des dysfonctionnements internes. Parfois c’est des questions liées à des problèmes techniques, mais qui sont exploitées d’une certaine manière. La manière de répondre du tac au tac de mon prédécesseur a fini par fragiliser un peu sa position. C’est donc ensemble, presque à l’unanimité des membres (14/15) qu’à un moment, au-delà de toutes les contradictions politiques, qu’opposition, mouvance, société civile et consorts au sein de la Cps, ont décidé de mettre fin aux fonctions du superviseur général précédent. Il y a eu d’abord un amendement au règlement intérieur en introduisant la disposition du vote de défiance qui n’existait pas au départ. Ensuite, tout le monde sauf l’Honorable Quenum était unanime pour qu’il arrête. Et je n’ai pas été le candidat d’un camp contre un autre. J’ai été candidat du consensus, j’ai été le seul candidat à la succession au moment où Quenum a été contraint de présenter sa démission. Vous comprenez donc à quel point cela constitue un défi collectif de réussir une opération. Et c’est cela donc tout mon engagement dans ce combat qui se situe dans une logique d’action collective. Et je souhaite rester dans ce cadre.
Mais la poursuite des opérations de la réalisation de la Lépi sous votre direction ne semble pas correspondre à cette posture de l’homme de consensus. Puisqu’une partie de la classe politique impliquée ou intéressée par la réalisation de la Lépi continue de protester sur un certain nombre de questions.
Vous savez, lorsqu’on est à des positions de responsabilité, vous avez certaines contraintes. Et lorsque c’est des questions comme la Lépi c’est-à-dire le fichier électoral national qui va déterminer les positionnements politiques des uns et des autres pour demain, lorsque vous avez des gens qui sont engagés dans la conquête de pouvoir dans l’immédiat, et des gens qui veulent conserver ce pouvoir, il est clair que dans cette atmosphère, même les objets les moins politiques prennent une allure politique. La Lépi c’est quand même un outil beaucoup plus technique. Quand on voit par exemple la cartographie censitaire, c’est une opération beaucoup plus technique pour repérer les ménages, les différentes localités ou agglomérations afin d’organiser le recensement électoral porte-à-porte et donc la suite du processus. Vous avez vu les différents points de vue qui se sont exprimés, cela n’a pas été facile au temps de mon prédécesseur, tout comme aujourd’hui malgré la bonne volonté des partis politiques. Je précise que l’Un dans son mémorandum avait déclaré à l’époque que j’étais effectivement son candidat. L’Un dans le processus de restructuration ou de réorganisation de la Cps-Lépi m’avait apporté son soutien. Je dois vous dire donc que la position dans laquelle je suis, elle est assez délicate parce qu’il faut concilier à tous moment, des positions les plus contradictoires. Et nous avons une base outre la loi, qui est le rapport du groupe de travail que tout le monde avait adopté.
Où en sommes-nous dans la mise en œuvre des recommandations du groupe de travail ?
Les recommandations du groupe de travail sont de plusieurs ordres. Et toutes ces recommandations par exemple ne peuvent pas êtres appliquées en un laps de temps. Le rapport du groupe du travail a été adopté le 6 avril. Nous sommes aujourd’hui le 22, c’est-à-dire 15 jours après. Donc 15 jours après on demande presque un travail d’hercule à une petit organe. Et on a essayé de mettre les bouchées doubles pour répondre à un certains nombres de préoccupations. Nous avons mis l’accent sur les erreurs de la cartographie censitaire et donc leurs corrections. Il y a eu ce qu’on a identifié dans le rapport comme étant des dénombrements fantaisistes de ménage, ce qu’on a considéré comme le non dénombrement de certaines ménages ou la mauvaise cartographie ou la mauvaise énumération de certaines ménages ou agglomérations, il y a eu la mauvaise prise parfois de certaines coordonnées géographiques Gps, il y a eu des questions de fond de cartes, bref il y a eu une série de préoccupations qui sont à la fois d’ordre technique et qui pourraient avoir des effets sur la phase suivante, à savoir celle de recensement porte-à-porte. Et ensemble, les différents acteurs s’étaient entendus qu’il faut procéder aux corrections sans que les activités de correction n’empêchent pas que processus se poursuive à partir du moment où les organes en charge de l’opération pensent que le niveau de correction était suffisant pour passer donc à cette étape. Or parallèlement aux travaux du groupe de travail qui a été mandaté à nouveau pour proposer un plan stratégique, les organes en charge de la mise en œuvre de la loi 2009-10 du 13 mai 2009 ont pris des dispositions pour répondre aux différents constats et mettre en œuvre les différentes recommandations en rapport avec les phases cruciales qu’il fallait régler avant d’avancer. Et donc, on a élaboré le formulaire des ménages omis, intégré aux dispositifs de recensement porte-à-porte de sorte qu’au cours du recensement porte-à-porte, lorsque les agents recenseurs arrivent dans un ménage, et le ménage dit, nous n’avons pas été énumérés pendant la cartographie censitaire, il y a un chef d’équipe qui passe pour délivrer la carte de ménage et les agents recenseurs repassent pour recenser donc les membres de ce ménage. Il y a une disposition qui a été prise à ce niveau. Pour ce qui est aussi des villages non énumérés, c’était à niveau donné de traitement des données. Je prends l’exemple de la ville de Cotonou. Vous prenez les quartiers Kindonou, Kouhounou et Mènontin. Dans l’imaginaire du Cotonois, ce sont des quartiers de Cotonou. Mais tous ces quartiers, ça fait trois quartiers qui n’ont aucun statut administratif. Le quartier administratif c’est Zogbohouè, par exemple. Donc, les agents cartographes, en prenant les coordonnées géographiques écrivent Mèmontin, Kouhounou, Kindonou. Lorsque vous confrontez ces données à la base du ministère de la décentralisation, à la base de l’Insae, à la base du Sap-Cena, vous constatez qu’en faite, ces localités n’existent pas. Voilà d’où est parti cette idée de villages fictifs et il a fallu donc procéder à leur agrégation aux villages administratifs officiellement reconnus. Et donc Kindonou, Mènontion, Kouhounou ont été donc agrégés par exemple à Zogbohouè. Quand vous prenez la carte, vous ne verrez pas Kindonou, Mènontion, Kouhounou, vous allez voir Zogbohouè. Et évidemment, beaucoup de gens auront du mal à s’orienter par exemple à partir de Zogbohouè qui est parfois moins connu que le sous quartier. Vous avez des situations du genre en milieu rural où une même localité peut avoir plusieurs appellations. Un village en milieu rural, très souvent a une agglomération centrale et vous voyez des hameaux. Et particulièrement au nord, vous connaissez bien les distances entre les localités. Vous pouvez avoir un village qui peut se retrouver dans un rayon de cinq à dix kilomètres. Le village central est là, vous avez un hameau ou une ferme qui se trouve à trois kilomètres ou à cinq kilomètres. Alors, quand vous venez prendre les coordonnées géographiques vous prenez le village central mais vous faites l’énumération dans les hameaux mais quand vous venez sur le plan administratif, ces hameaux n’existent pas. Mais les agents cartographes en prenant les coordonnées mettent ces villages. Du coup, on a comme l’impression qu’on a augmenté le nombre de villages alors qu’en réalité c’est un même et unique village administratif mais éclaté sur le plan géographique. Pour les situations du genre, il fallait procéder à l’agrégation. Ce travail a été fait juste à l’échelle des arrondissements. C’est-à-dire, toutes les agglomérations concernées ont été classées dans leurs arrondissements. Il y a quelques cas qu’on n’a pas pu encore agrégés à leur village effectif mais les coordonnées existent et pendant la phase du recensement porte-à-porte, il y a la reconnaissance des zones de dénombrement électoral qui est une étape de correction ou de finalisation de la correction de ces erreurs de la cartographie censitaire.
On n’a pas eu besoin du plan stratégique demandé au groupe du travail pour faire ou démarrer des corrections. Ça ne ressemble pas à de la diversion d’avoir demandé ce plan ?
Je vais vous expliquer. Un plan stratégique c’est pour donner quelques indications sur comment on peut avancer dans un processus. Le plan stratégique n’a rien avoir avec les dimensions techniques de la mise en œuvre. Le plan stratégique ne peut être élaboré qu’avec la contribution des organes en charge du Rena et de la Lépi : la Miréna et la Cps-Lépi. La Miréna a élaboré un petit plan stratégique de mise en œuvre des corrections. Ce plan a été remis au groupe de travail qui lui permet dans l’élaboration de son plan stratégique de l’intégrer. Nous avons dit que les travaux ou les activités du groupe de travail ne sont pas suspensives des activités que les organes en charges du Rena et de la Lépi devraient faire. C’est à nous de nous mettre à l’œuvre d’une manière ou d’une autre. Lorsque nous avons atteint un certain niveau, on a fait le compte rendu au groupe de travail, c’était le 12 avril ; le 14 nous sommes allés rencontrer l’Union fait la Nation, pour lui exposer la démarche méthodologique de correction des différents erreurs qui ont été identifiées et expliquer que la dernière phase de la correction allait coïncider avec le démarrage du recensement porte-à-porte et c’est pour cela que nous n’avons pas encore fait la restitution officielle parce que cette phase permet de finaliser certaines corrections. Sinon, habituellement, les gens font les tracés avec des nœuds sur les fonds de carte à partir de l’ordinateur. Nous avons dit, pour cette opération, vu le caractère sensible du dossier, il fallait imprimer les fonds de carte, les remettre aux binômes des agents recenseurs assistés des chefs d’équipes et des superviseurs à l’échelle des arrondissements et des communes pour qu’ils aillent sur le terrain avec les questionnaires de ménages, parcourir les différentes localités ou agglomérations qui relèvent des zones de dénombrement électoral identifiées et sur leur parcours, ils feront les schémas. C’est beaucoup plus pratique, c’est beaucoup plus proche de la réalité et cela fait révéler immédiatement les zones non cartographiées, les zones non prises en compte, etc. Et les chefs d’équipe, les délégués pour les recensements d’arrondissement, les superviseurs communaux de recensement se trouvent, font une synthèse et réaffectent dans les zones non cartographiées identifiées des zones de dénombrement et rendent compte aux coordonnateurs. Et c’est pour ça qu’on a augmenté le nombre de coordonnateurs sur l’ensemble du territoire national. Initialement, c’était prévu 12 coordonnateurs, un par département. Nous avons fait augmenter le nombre de 12 à 18 et on a découpé l’ensemble du territoire en fonction des superficies en 4 ou 5 communes qu’un coordonnateur suit. En plus de ces coordonnateurs directs, vous avez les délégués ou aides opérationnels de la Miréna qui sont également sur le terrain, vous avez aussi les membres de la coordination nationale de recensement qui se sont répartis également les départements pour un suivi beaucoup plus rapproché. Voilà comment on a procédé pour qu’au finish, nous ayons des données de recensement porte-à-porte qui intègrent en même temps les zones qui avaient été éventuellement oubliées. Quand je prends les grandes agglomérations, nous avons fait produire les cartes d’ensemble par exemple des arrondissements et sur les fonds de carte vous pouvez apercevoir parfois des blancs c’est-à-dire des zones pour lesquelles il n’y a pas de coordonnées géographiques ou bien ces zones n’ont pas été cartographiées et énumérées, ou bien il y a eu énumération des ménages mais les coordonnées géographiques n’ont pas été prises. Dans ces conditions, le fond de carte permet de s’orienter. On a fait également des cartes de zones de dénombrement pour ces grandes agglomérations : Cotonou, Porto-Novo, Parakou et ça permet par exemple aux agents recenseurs de se retrouver dans les hameaux et les blocs pour pouvoir faire le recensement au plus près. Vous savez, dans certains pays, le recensement se faire par un agent unique qui a sa zone de recensement électoral. Au Bénin, on a dit qu’il faut des binômes donc pour chaque zone de recensement électoral, vous avez deux agents recenseurs. C’est pour cela qu’on a ce grand nombre de 20.000 agents recenseurs déployés sur le terrain alors qu’au niveau de la cartographie censitaire, on avait à peine 1600 agents cartographes. Donc en termes de couverture aujourd’hui, je pense que nous avons beaucoup plus de ressources humaines.
Vous avez pu présenter à l’Union fait la Nation, la démarche prévue pour corriger les dysfonctionnements, les erreurs précédentes. Est-ce vous leur avez produit les preuves que les corrections sont faites et que d’autres se feront puisque l’Un proteste toujours ?*
Effectivement, à la rencontre du 14 avril, les membres du bureau de l’Union fait la Nation ont souhaité que toutes les corrections soient achevées, les résultats présentés totalement avant de passer à la phase suivante. C’était une position de principe. Nous leur avons dit, le démarrage du recensement porte-à-porte dans sa première phase, coïncide avec la fin des opérations de correction de terrain. C’est pour cela nous avons lancé cette phase et nous avons informé que nous allons lancer. Mais dans une déclaration, ils persistent et signent, qu’il faut achever totalement les corrections. Ça c’est une position politique de principe. Mais techniquement, cette position ne pouvait pas être opérationnelle. Nous avons fait ce qui est techniquement faisable, techniquement conseillée, méthodologiquement approuvé. Nous allons organiser une séance de restitution des résultats.
Le recensement porte-à-porte a commencé depuis mercredi. Et ce que nous avons constaté, c’est qu’il y a de petit flottements sur le sur le terrain. On a constaté dans certaines régions l’opposition des autorités locales, il y a eu des problèmes de matériels à droite et à gauche, il y aussi le problème d’absence de personnes à recenser. Est-ce que vous avez prévu tous ces problèmes avant de lancer ?
Nous avons fait une certaine planification. Nous a fait un plan de suivi des opérations de terrain. La Mirena nous a présenté l’ensemble des documents pour démarrer. Il y a eu une opération de déploiement de matériels sur le terrain depuis bientôt 15 jours, il y a eu la mise ne place des équipes et nous avons reçu une correspondance de la Mirena qui nous demandait de déclencher les opérations à compter donc du lundi 19 avril. Mais nous avons en tant qu’organe de supervision de la mise en place de la Lépi, convoqué immédiatement une réunion, une plénière élargie entre la Cps, la Mirena et les coordinations techniques concernées, et nous avons fait le point des préparatifs à la date du vendredi 16 et nous avons estimé qu’il restait un certain nombre de réglages à faire et nous étions un peu sceptiques quant au règlement de ces problèmes avant le lundi. Il fallait aussi au moins un ou deux jours ouvrables de la semaine pour que certains détails soient réglés. C’est sûr, une opération de cette ampleur, on ne peut pas la déclencher et avoir dès le premier jour un succès total et retentissant. On prévoyait des flottements parce qu’il y a eu des cas où du matériel d’une commune s’est retrouvé dans une autre commune, par exemple au moment des chargements, certains arrondissements dans des communes n’ont pas reçu par exemple leur questionnaire de ménages, donc ils ne peuvent pas démarrer immédiatement le recensement, donc vous avez quelques frottements de genre qu’il fallait régler. Donc vous avez aussi constaté à notre grande surprise que dans certaines localités, certains élus locaux n’avaient pas été saisis par leur ministère de tutelle, notamment à Cotonou. Nous avons discuté avec Léhady Soglo sur un certain nombre de flottements qu’on a remarqués au niveau des chefs d’arrondissement, des chefs de villages, et là il nous a déclaré qu’il n’a reçu aucun message du préfet lui notifiant les dispositions à prendre. Ce qu’ils ont reçu comme information, c’est les correspondances que nous avons envoyées. Mais ils attendaient de leur autorité de tutelle un message pour conduite à tenir. Ces choses sont en train d’être réglées par endroit. Maintenant, il y a certains qui ont appelé au boycott. C’était le dimanche passé que certain avant même que nous ne lancions le recensement. Le mardi, nous avons eu à la demande de Fors-Lépi une séance de travail à la présidence de la république, nous avons présenté une partie des résultats des corrections. Je pense, ces informations changent aujourd‘hui un peu la donne. Nous continuons toujours le dialogue avec les différents acteurs politiques. Nous allons nous retrouver incessamment autour du président de la république comme nous l’avions fait auparavant. Peut-être que le groupe de travail aura fini de décliner ses propositions en axes opérationnels, en plan stratégique pour que nous approuvions les choses et que nous continuons véritablement dans ce processus. Je précise que personne n’est opposé par principe à la Lépi. Même au niveau de l’Un, les inquiétudes, c’est le temps. Est-ce qu’on avoir la Lépi pour 2011 avec tout ce que nous avons comme difficultés autour du processus ? Est-ce qu’il ne serait pas plus sage de faire une liste électorale informatisée (Léi) type ghanéen par exemple. C’est des modalités. L’Assemblée Nationale qui est l’institution législative en décidera le moment venu.
Si la cour ne lui déniait pas le droit de légiférer !
Ça c’est vous qui le dites. Je pense que personne ne peut spolier une institution de son droit constitutionnel. Il faut que nous nous entendions sur cela ; les lois en vigueur ou du moins la loi portant règles générales sur les élections en république du Bénin a prévu en son article 150 que les élections se font au Bénin sur la basse d’une liste électorale permanente informatisée. Lorsqu’elle n’aura pas été réalisée à une échéance donnée, nous allons utiliser la manière que nous avons l’habitude d’utiliser. Par conséquent, si la Lépi n’est pas terminée pour être utilisée en 2011, on va certainement utiliser les listes manuelles.
Pensez-vous personnellement que la Lépi sera disponible pour 2011 ?
Je pense que lorsque vous avez accepté une responsabilité, que vous avez un cahier de charges, votre rôle c’est de vous battre pour remplir ce cahier de charges. A l’impossible, nul n’est tenu, mais sur la base de l’effort qui aura été consenti, les uns et les autres apprécieront ; si nous n’y arrivons pas, à un moment donné, nous constaterons tous et prendrons une décision. Ce qu’il y a de très important et que nous devons maintenir au sein de la classe politique chez nous, c’est que nous nous parlons, quelles que soient nos positions. Cette ambiance de famille qui règne et qui traverse la scène politique d’un bord à l’autre constitue une grande ressource qui permet de produire la tolérance, la compréhension le consensus chaque fois que c’est nécessaire.
Comment va se passer le recensement des Béninois n’ayant pas de pièces ?
Le législateur béninois a prévu ces différentes situations. Une des grandes faiblesses de notre système administratif, c’est la mauvaise qualité de notre état civil. Il y a eu une tentative de correction pour prendre le plus grand nombre de citoyens à travers le Ravec. Il y a eu des avancées, mais aussi des problèmes de financement et d’ordre administratif. Et au moment de faire la loi sur la Lépi, le législateur s’est dit qu’il faut intégrer la redynamisation de l’état civil. Et on a alors prévu que le simple témoignage du chef de ménage ou de son représentant permet d’établir un récépissé pour celui qui n’a pas de pièces. Il en est de même pour celui qui est absent. Au moment de la prise des données biométriques, donc de l’enregistrement ce récépissé sera requis. Les vérifications seront alors possibles. Même si le recensement porte-à-porte vous ignore, le rattrapage est possible au moment de l’enregistrement. Tout comme on va corriger les erreurs de cartographie censitaire lors du recensement, on pourra corriger d’éventuelles erreurs de recensement lors de l’enregistrement. L’objectif du législateur c’est que personne ne soit laissé pour compte dans ce processus.
La CPS que vous dirigez est amputée de cinq membres dont quatre démissionnaires de l’opposition et un de la société civile dont la cour constitutionnelle a invalidé le siège. Et vous semblez ne pas reconnaître ces démissions. Mais cette situation ne porte-t-elle pas atteinte à la crédibilité de votre travail ?
C’est une situation de fait et un peu malaisée que nous gérons là. En tant que responsable de l’organe, nous avons le devoir de discuter avec les différents acteurs en vue de les faire revenir. La CPS est un organe autonome et ne dépend d’aucune institution de la république. C’est ce qui est prévu par la loi. Et lorsqu’on démissionne d’un organe, on adresse sa lettre de démission au responsable de cet organe. Ce qui n’est le cas. Administrativement, juridiquement, je suis alors mal fondé de dire que tel ou tel a démissionné. Je pense que c’est une opération politique d’expression d’une certaine désapprobation. Et d’ailleurs l’ampliation de la lettre envoyée au président de l’Assemblée nationale que j’ai reçue, évoque des raisons qui sont antérieures à mon élection. Ces raisons concernent la gestion de mon prédécesseur essentiellement. Mais j’observe que le groupe de travail mis en place pour évaluer le processus avait déposé son rapport au chef de l’Etat qui a retenu la date du mardi 6 avril pour l’examen dudit rapport avec l’ensemble de la classe politique. Le 5 avril, donc à la veille, on décide de démissionner. La coïncidence n’est pas innocente. A mon avis il fallait aller discuter de la qualité de ce rapport que nous avons commandité nous-mêmes. Si le rapport prend en compte nos desideratas, alors c’est tant mieux. Mais ceux qui disent avoir démissionné la veille étaient encore à la séance du 6 avril. Et le rapport a été adopté à l’unanimité. Je ne peux donc pas parler en termes de démission dans ces conditions-là.
Mais est-ce qu’ils siègent encore à la CPS?
Non, ils ont effectivement suspendu leur participation aux activités depuis qu’ils ont envoyé leur lettre de démission au président de l’Assemblée nationale. Je dois toutefois préciser que jusqu’au 5 avril, jour où ils ont dit avoir démissionné, certains étaient sur le terrain pour sensibiliser les populations sur le recensement porte-à-porte. Mon collègue Ahossi par exemple était chargé de l’Atlantique et il a fait tout le travail de sensibilisation. C’est de même pour mon collègue Gbèdiga qui s’est occupé des départements de l’Atacora et de la Donga. Ça c’était jusqu’au 4 avril où nous avons tenu une réunion. Deux autres étaient en mission parlementaire en Thaïlande. Ils sont rentrés le 4 avril, on ne s’est pas vus et le 5 avril, ils signent une lettre de démission. Je crois que tous sont attachés à la réalisation de la Lépi et donc nous trouverons une porte de sortie à cette situation. De ma position, je ne peux donc me permettre de parle de démission.
De toutes les façons Honorable, ce que retient l’opinion publique aujourd’hui, c’est qu’il se réalise une Lépi contestée par une frange de la classe politique. Pensez-vous pouvoir livrer une liste crédible aux yeux de l’électorat béninois ?
Après tout ce que nous avons fait ensemble, après tout ce qui a été entrepris comme démarches de corrections, je ne pense pas qu’il y ait des raisons que quelqu’un dans ce pays se mette en dehors du processus. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est d’aller au-delà des querelles politiques. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous sommes à l’avant-veille d’une échéance électorale importante et ce qui se passe est de bonnes guerres.
Mais si le plus grand nombre de Béninois reste réceptif au message de l’opposition et ne coopère pas au recensement, n’auriez vous pas échoué en voulant forcer les choses ?
Je souhaiterais que le plus grand nombre coopère. Je souhaiterais que les différents acteurs de la classe politique se retrouvent. Je souhaiterais que ce que nous avons essayé de faire réponde aux attentes des uns et des autres pour que la Lépi serve pour longtemps. Je précise que ce qui est le plus mis en exergue dans la réalisation de la Lépi, c’est la liste électorale. Et la fixation sur l’output de la Lépi est liée à l’échéance de 2011. Vous verrez que quand on parlera de la Lépi sans forcément que ce soit pour 2011, toute la tension tombera.
Il se fait que les forces politiques de la mouvance présidentielle, le Chef de l’Etat lui-même donne l’impression que c’est coûte que coûte pour 2011 qu’il faut l’avoir, au point qu’on oublie que l’outil est prévu pour 1à ans et pour plusieurs élections.
Le projet a été conçu avec un chronogramme précis. Conception, étude de faisabilité et chronogramme avaient été réalisés avant le vote de la loi. Il y a eu un réajustement du chronogramme après le vote de la loi. Et tous mles acteurs étaient convaincus qu’on pouvait réaliser la Lépi pour 2011. Avec les retards observés, et à un moment du processus, les acteurs politiques se retrouveront. Et là CPS, nous jouerons notre rôle : lorsqu’à une étape donnée nous nous rendrons compte qu’il faut s’arrêter pour envisager des mesures spéciales pour la suite, ensemble, nous le ferons. Et l’Assemblée nationale avisera certainement. Encore que la loi portant règles générales des élections au Bénin a déjà prévu l’attitude à adopter si la Lépi n’est pas disponible.
Quel est désormais le chronogramme de réalisation de la Lépi et à quoi doivent s’attendre les Béninois à partir de cet instant ?
En ce moment déjà, nous sommes à la phase du recensement porte-à-porte qui doit prendre fin le 5 mai. Mais si à cette date, le travail n’est pas achevé, nous allons voir dans quelle mesure proroger pour qu’il s’achève. Après cette phase, il y aura la phase de saisie de l’ensemble des données de recensement, pour ça nous avons prévu de recruter 1500 opérateurs de saisie. Les acteurs politiques pourront suivre cette phase, et lorsqu’elle sera terminée, la base pourra être consultée ; ils pourront aussi décider s’il faut commencer l’enregistrement à partir d’un âge donné en fonction du temps dont nous disposerons avant les élections. Ces discussions se feront le moment venu. Dans ce boulot, il faut s’armer de patience, discuter, dialoguer, échanger. C’est épuisant, mais c’est la seule voie qui permet d’impliquer le plus grand nombre et de prendre en compte les observations des uns et des autres. Voilà ma logique à moi. Et si tout se passe normalement, en fin novembre début décembre, une liste électorale informatisée provisoire pourrait être disponible. Les acteurs politiques aviseront également.
Etes-vous en accord avec votre famille politique qu’est le G13 dans cette mission qui est la vôtre aujourd’hui ?
Je suis toujours membre du G13, je suis toujours Coordonnateur national du G13 en titre ; pour certaines raisons et à cause de ma fonction actuelle, la plénière a souhaité que mon adjoint assure l’intérim. Mais je n’en dirai pas plus concernant le G13 dans le cadre de cette interview.
Que répondez-vous à ceux qui pensent ou disent que vous roulez désormais pour le Chef de l’Etat ?
C’est dommage que l’on ne puisse pas distinguer mission républicaine de mission gouvernementale. La critique est facile, mais en ce qui nous concerne, nous faisons notre travail dans le respect de la légalité et en essayant de nous mettre au-dessus de la mêlée. Certains disent que nous sommes souvent avec le Chef de l’Etat depuis que nous sommes devenus superviseur général. Quand vous êtes responsable de cet organe, que les ressources nécessaires pour réaliser votre mission proviennent du Gouvernement, avec qui devez-vous discuter régulièrement pour avoir les ressources ? D’autre part, l’ensemble des acteurs de la classe politique a souhaité l’implication personnelle du Chef de l’Etat afin qu’il y ait consensus. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Pour peu qu’il y ait des points de vue divergents, on essaie de liquider politiquement l’autre en disant qu’il change de bord. C’est trop facile. Nous savons ce que nous faisons, nous avons nos convictions, et nous avons toujours agi avec conviction. Oui nous faisons de la politique, mais dans sa vie il faut avoir une boussole, des repères moraux et éthiques qui balisent ce que vous faites. C’est fondamental ; il ne faut pas voguer au gré du vent. Non, il faut être constant.
Quel appel voudriez-vous lancer aux Béninois ?
A l’endroit de la population béninoise, mon appel est que chaque citoyen considère cette opération comme la sienne. Consacrer quelques minutes à répondre à un agent recenseur, c’est préparer la garantie de ses droits civiques pour les dix ans à venir. Qu’ils n’aient pas d’inquiétude ; présents ou absents, l’essentiel est que l’on trouve quelqu’un dans le ménage qui puisse parler aux agents recenseurs. C’est sur quinze jours, chacun peut prendre des dispositions même avec un voisin pour assurer son recensement. A tous ceux qui sont en voyage, il n’y a pas de souci à se faire, ils seront recensé pour peu qu’un formulaire de témoignage est signé pour eux. Pour les Béninois de l’extérieur, il y a une opération spéciale qui est prévue et qui va bientôt démarrer.
A l’endroit de la classe politique, je dis que nous avons déjà réalisé le parcours à 90%, et je peux affirmé qu’il y un consensus sur ce que nous sommes en train de faire. Les reste du chemin à faire sera aplani pour que tout le monde y soit l’aise.
Je voudrais remercier les médias pour leur engagement et leur accompagnement, mais surtout, les exhorter à donner de l’information positive sur ce processus. A force de vouloir mettre en exergue rien que ce qui est négatif, ils ne contribuent pas informer le citoyen pour qu’il se fasse une bonne opinion.
A l’endroit de tout le monde, je voudrais dire que cette mission est une mission citoyenne, nationale, patriotique ; la Lépi est un outil de modernisation de notre système politique, de notre démocratie, et surtout de l’état civil de notre pays, car à partir de 2011, nous entrerons dans l’ère des passeports biométriques, des cartes d’identité biométriques et l’opportunité de la Lépi nous permet d’entrer de plain-pied dans la modernité. Engageons-nous tous pour sa réussite !
Propos recueillis par Olivier ASSINOU et Marcel ZOUMENOU
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