Du pétrole et de l’escroquerie

On nous a dit et martelé que le Bénin, sous peu, serait un grand producteur de l’or noir. Le ministre en charge du secteur a même invoqué les dieux, en demandant aux Béninois d’aller huiler leurs fétiches pour que la chose soit effective.

Les compagnies de forage off shore, mises sur l’affaire, n’avaient pas manifesté beaucoup de réserve sur le projet. Au contraire, pour elles, la logique de vases communicants en haute mer reste plus que probable. Elles croyaient que le Nigéria, pays dont les terres, les mers et les cieux suintent de pétrole, ne peut pas être couvert d’or noir sans que le sous-sol du Bénin, son voisin, ne puisse en receler. D’ailleurs Dieu n’aime-t-il pas notre pays d’un amour fou pour lui en fourguer?

Alors, fort de cette assurance, le ministre Barthélémy Kassa – puisque c’est de lui qu’il s’agit – s’est amusé à pousser la chansonnette : les ressources générées par le pétrole feraient bientôt des Béninois des petits riches de la sous-région et les baraquements insalubres de nos villes, les champs désertiques des régions nord, les marécages infestés de moustiques deviendraient de tristes et lointains souvenirs. D’ailleurs, pour rendre la chose plus consommable, notre ministre a indiqué janvier 2008 comme date butoir pour que les résultats des forages soient publiés. Et les plus crédules de nos concitoyens avaient commencé à y croire. Il est vrai que, pour convaincre la masse, les hommes politiques aiment les boniments gros et bien épais. Justement comme du bitume.

On se rappelle que le Bénin, en matière d’exploitation de pétrole, n’en est pas à une aventure près. Aux temps royaux du PRPB, on avait identifié un gobelet de pétrole à Semey. Des investisseurs occidentaux avaient débarqué, promettant aux Béninois un contrat mirobolant. A l’époque, les révolutionnaires étaient trop occupés à lire Karl Marx et Lénine pour flairer de l’arnaque sous les sourires d’agneaux de ces « impérialistes aux mains gantées de sang ». A moins que les deux parties se soient entendues pour piller le peu de recettes de l’exploitation de cette tasse de pétrole. Résultats de la combine : l’argent de Saga Petrolum n’a jamais effleuré les caisses du trésor public, il est plutôt « passé à gauche » comme le dirait Albert Kinhouendé, dans la poche de ceux qui prétendaient défendre le peuple. Dont, un certain Owens…Barthélémy comme par hasard.
Vingt ans après, le Bénin a renoué encore avec la saga pétrole. Cette fois-ci, l’arnaque semble être arrivée avant même la première lampée de l’or noir. Car, de l’or noir, il n’en existerait pas dans les eaux territoriales de notre cher beau pays. Pas même sous la forme d’un gobelet, encore moins d’une gouttelette insignifiante.
Alors, refusant de s’être royalement planté et voulant à tout prix montrer à son chef Yayi que ses prévisions étaient justes, Barthélémy a alerté les caméras du petit Bénin pour une démonstration off shore. Sur les installations de la société de forage, on a vu alors une cheminée d’acier cracher du feu, s’élever au ciel et se répandre dans la nature. Heureux comme un enfant, le ministre, la tête coiffée d’un casque, s’est mis alors à discourir sur le (faux) pétrole. Le lendemain, il conduisait les responsables de la compagnie devant le chef de l’Etat. Les nombreux sourires larges et les hochements de tête de celui-ci ont montré son adhésion totale et complète à l’escroquerie.

Car, il existe des rapports qui contredisent totalement les faits. Des rapports sans concession produits par les cadres du ministère de tutelle qui montent parfaitement l’aridité des sous-sols marins béninois. Certes, on y a trouvé quelques couches de bitume, mais leur qualité est tellement médiocre qu’elles sont inexploitables. C’est d’ailleurs grâce à ce bitume que le spectacle de la cheminée en feu s’est produit.

Depuis lors, le faux pétroleur s’est calmé. Son discours mirobolant s’est dilué dans les vapeurs et les couches tectoniques de son ministère. Et les compagnies de forage, malheureuses d’avoir perdu des sommes considérables – c’était prévisible – ont remballé affaires et off shore et s’en sont allées.
Après l’histoire du richissime malaisien qui s’est offert du tourisme avec limousine et motards en échange du foin, après Barthélémy qui nous a mené en bateau, on attend la énième filouterie à faire consommer au peuple. Et à son président bien aimé, le vénérable docteur !

Florent Couao-Zotti

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