Ils appellent ça « simplicité et humilité » !

Le chef de l’Etat fait-il du jogging en pleine ville de Cotonou, en jour ouvrable, un mercredi en l’occurrence et à 9h du matin ? Ils appellent ça simplicité et envie de s’évader un peu pour échapper à l’étau protecteur des commis à sa garde qui l’étoufferait un peu trop, cet étau qui le ferait se sentir comme un prisonnier !

Une semaine plus tard, dans la même ville de Cotonou et toujours en pleine journée, se met-il à califourchon sur un zémidjan et se fait-il conduire sans casque de sa rue jusqu’au palais présidentiel ?

Ils appellent cela aussi humilité et même simplicité d’un président de la République qui veut vivre les conditions de son peuple ! Une réincarnation précoce, croyez-vous, de Thomas Sankara qui postulait que les dirigeants doivent vivre au niveau du pays réel et qui s’y employait vraiment, lui ? Vous n’y êtes pas. Mais si vous refusez de vous faire prendre au jeu qui consiste à magnifier une certaine simplicité et/ou humilité de leur champion, ils pourraient envisager de vous ouvrir la tête pour y mettre leur théorie. Et bien qu’ils aient tous vu, comme nous, les images du chef de l’Etat, Boni Yayi, de ce lundi 7 juin sur les écrans de télévision, ils n’y trouveront pas à redire. Non, tout était normal ! Même rengaine quand, devant les caméras, l’on rit de tout son rire, grands gestes à l’appui.

Oui, ils appellent ça aussi simplicité et humilité lorsque le chef de l’Etat, en visite dans les zones inondées d’Agla à Cotonou, aux côtés des autorités municipales, apparaît en tenue de sport, en fait un survêtement griffé d’une grande marque d’équipementier sportif, la fermeture du haut ouverte jusqu’au nombril, laissant apparaître nue la moitié de sa poitrine, le reste visible du buste étant couvert par un dessous (sans doute un débardeur ou la troisième pièce de l’ensemble). On nous fera observer peut-être que c’est un équipement sportif et que sa mise désinvolte peut participer de l’attrait qu’il exerce sur le public. J’oppose que Boni Yayi n’était pas en situation de sportif même s’il parachevait le tout en se coiffant d’une casquette estampillée de sa propre effigie. Et surtout, qu’il n’est pas sponsorisé par la marque. Déjà, dans nos maisons, nos mères, nos sœurs, ou nos épouses nous interdisent littéralement de nous afficher le torse exposé, tant cela frise l’attentat aux mœurs. Ici encore, ils diront que quoique la fermeture ait été ouverte jusqu’au nombril, le buste du chef de l’Etat n’était visible que sur une petite superficie. Ils diront surtout, sans une once de sincérité mais plutôt avec un agacement contenu, que c’est une nouvelle preuve de la simplicité de l’homme, qui aurait du mal à se départir de ses origines modestes.

Lesquelles ne l’empêchent pourtant pas de se vêtir d’une marque aussi prisée.

Ouais ! Vous m’entendez ça ? Ce qu’il y a de préoccupant par rapport à ces différents faits, qui relèvent de moins en moins de l’épiphénomène, c’est, à mon avis, l’image de l’Etat, sa symbolique même qui sont menacées. Mais attention, j’avoue que je comprendrais le candidat Boni Yayi aller en zémidjan, je le comprendrais même en survêtement complètement ouvert. Là-dessus, je vous vois me demander, goguenards, si je feins d’oublier que sitôt devenu président de la République, l’homme a enfilé à nouveau ses habits de candidat à la prochaine élection présidentielle. Et donc que c’est le candidat permanent et évident qui se déplace. Je vous réponds que ceci ne peut justifier cela. Autrement, à ce rythme, il ne sera pas surprenant de voir le président Boni Yayi (et j’insiste pour dire que je ne parle pas du candidat) descendre au marché Dantokpa pour y faire des emplettes. Et là encore, les pontifes du régime et autres jouisseurs de l’Etat, sourire jusqu’aux oreilles, la mine grave, célébreront la « simplicité » absolue de l’homme, son « humilité » incomparable. Oui, ils appelleront cela aussi « simplicité et humilité », s’extasieront de cela. Pendant ce temps, le monde entier, voire l’univers, se moqueront de nous.

On dit souvent qu’on ne devient pas chef, mais qu’on est chef ou encore qu’on naît chef… Mais si l’on doit devenir chef, c’est vrai qu’il faudra certainement une bonne dose de « simplicité et d’humilité ». 

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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