La coopération sud-sud est-elle une alternative au système international?

La crise économique actuelle a révélé l’incapacité de la communauté internationale à trouver un accord favorable à la régulation du système économique international. Ceci n’est pas une surprise certes, et nous pouvons nous demander si les pays à l’origine du système actuel sont prêts à élargir la place des pays membres de la communauté internationale à la table des négociations pour former un consensus sur ce même système économique.

Même si la résultante du G8 à Ottawa semble être un secret de polichinelle, c’est à dire, une consolidation du système défaillant actuel dominé par les intérêts des puissances, on pourrait espérer un geste de la part de pays du nord inspiré par le président français Nicolas Sarkozy avec sa réforme de système bancaire qui à pour objectif de fixer une taxe bancaire internationale. Cependant, il nous faut préciser que l’Europe connaît un marasme économique majeur, dont certains économistes prédisent la fin de l’Euro. Les allocutions de Nicolas Sarkozy s’expliquent par la nécessité de trouver des partenaires économiques et par l’adoption d’une rhétorique d’accommodation vis-à-vis de l’Afrique. Ainsi, il serait proprement naïf de croire que ces changements sont motivés par une conception coopérative et onusienne des relations internationales, et nous pourrions penser qu’ils expriment une nécessité stratégique, au sens le plus néoréaliste du terme. Aujourd’hui, force est de constater que les négociations internationales sont devenues un processus qui ne dépend que des choix des acteurs du Nord. D'ailleurs, la réforme du président Sarkozy semble déjà être entravée par les administrations canadienne et américaine. En effet cette réforme irait à l'encontre de l’idéologie et des intérêts de ces deux États, tout en étant à l’avantage d’une Europe en difficulté. Cette divergence d’intérêt constitue une première, en clivant le bloc occidental. Les institutions internationales ont réussi à empêcher les grandes guerres entre blocs et la chute du mur de Berlin suivie de l’effondrement de l’Empire soviétique a ôté au bloc occidental sa raison d’être, grâce à des négociations jugées rationnelles. Cependant, elles ont également réussi à imposer au reste du monde un système que nous qualifions d’impérialisme idéologique, soit un empire dans lequel seule une partie des acteurs impliqués dans les négociations sortent vainqueurs. Étant donné que la référence à l’idéologie dominante est permanente chez les communautés épistémiques, et que la morphologie de la diplomatie actuelle est sous-tendue par ce même cadre de références idéologiques, alors nous pouvons avancer l’idée que le carriérisme et l’absence de remise en cause du système font perdurer l’inertie nécessaire au maintien des postes de ceux qui sont supposés faire évoluer les relations internationales. La logique des acteurs nuit donc à la logique de la coopération, comme les sociologues des organisations l’ont démontré. D’un coté les acteurs des pays du Nord protègent le système et de l’autre coté les élites des pays du Sud excepté ceux de l’Asie, suivent consciemment ou inconsciemment les lois naturelles imposées par ces derniers. À ce titre, l’existence même d’une loi de l’Histoire était chez Hannah Arendt l’un des fondements du totalitarisme. Les fonctionnaires de l’ONU seraient-ils en train de promouvoir une « banalité du mal »? La crise alimentaire de 2008, qui est la première des crises de l’idéologie dominante que nous avons vécue, nous avait permis d’observer l’échec des négociations de Doha, dont l’objectif était de contraindre les pays riches à ne plus subventionner leurs producteurs agricoles. Les résultats ne sont rien d’autre que protectionnisme d’un côté et dépendance de l’autre pour les pays en développement, dans un système profondément asymétrique. Le système-monde du post-marxisme économique, tiré du concept d'économie monde inventé par Fernand Braudel, affirme que le sous-développement des pays du Sud est dû à leur place dans la structure de l'ordre économique international actuel. Il estime ainsi que tous les pays étant globalisés, l'économie mondiale se caractérise par le centre, la semi-périphérie et la périphérie. Les grandes puissances de l'OCDE (les États-Unis en première place) constituent le centre de l'économie-monde, et les pays en développement se situent dans la périphérie. Peut-on affirmer que nous sommes enfin à un moment favorable à l’innovation des coopérations Sud-Sud? L’importance apportée à ce concept d’intégration régionale reste encore mitigée. Dans son travail intitulé coopération Sud-Sud : partenariats pour l’innovation, Lynn Kreiger Mytelka explique, dans une perspective globale les expériences des pays en voie de développement en matière d’intégration économique suivent deux modèles. L’un fondé sur les échanges, et l’autre fondé sur la spécialisation. Ces modèles ont échoué parce qu’ils représentent un caractère de jeux à somme nulle. Cependant, les contextes ne sont plus les mêmes pour deux raisons fondamentales. L’une liée à la contraction des économies des pays riches et à leur manque de constance dans la rhétorique, qui n’est que rarement suivie d’une décision ou d’un acte réel, et l’autre est sans nul doute le basculement du centre du monde grâce à la place de la Chine dans l’économie mondiale. Le centre du monde bascule de plus en plus vers les pays de développement, car malgré la crise financière leur économie semble avoir le vent en poupe, parce que peu intégrée dans le système international actuel. Là est le paradoxe. Les économies africaines jusqu'alors lésées par le système financier international y trouvent un avantage comparatif. Preuve qu’une coopération Sud-Sud devrait être envisagée par les pays en voie de développement dans cette fenêtre d’opportunité que représente cette crise systémique du modèle capitaliste néolibéral. L’explosion des technologies de l’information et la capacité des États, comme des citoyens, à avoir accès aux informations, multiplie le choix des acteurs jusque-là considérés comme partenaire miroirs et passifs, et rend caduque la présence d’une communauté d’interprètes politiques. Ce qui implique une nécessité de réforme qui inclue tous les pays membres de la communauté internationale. Il est néanmoins vrai qu’il est difficile de défaire où de modifier les normes et valeurs que nous nous sommes imposées, à cause des sentiers de dépendance. Une prise de position des pays en développement s’impose donc, car malgré la disponibilité de ressources premières abondantes, ils ne pèsent en rien dans les négociations dépourvues de leur rôle qui devrait être de favoriser l’émergence d’une vision alternative de la coopération internationale tant au niveau économique que politique. Les pays en développement se doivent de chercher d’autres sources alternatives pour soutenir le taux de croissance dans les années à venir à cause d’une augmentation des demandes, de l’augmentation d’une classe moyenne importante et enfin une démographie en forte croissance. Malgré la forte présence de ces variables, les pays en développement restent sous représentés dans les négociations liées aux enjeux des crises actuelles.

Un bon exemple serait de rappeler que c’est à Londres qu’est évalué le cours des marchandises qui n’y sont même pas produites. Toutefois, une note d’espoir se profile au crépuscule d’un Nouveau Monde qui se construit. Des initiatives ici et là émergent et prônent une coopération plus juste, équitable et humaine. À titre d’exemple, le mur vert une initiative des pays limitrophes du Sahara qui se sont joint afin de combattre la désertification de leurs pays. Le protectionnisme régional et la coopération Sud-Sud sont donc l’alternatives en réponse au protectionnisme du Nord.

[discussion proposée par Kakpovi Julien]

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