Il n’est plus un secret pour personne que les technologies de l’information et de la communication appliquées à l’éducation (TICE) sont très bénéfiques à la formation des jeunes en leur donnant les outils pour affronter les réalités du monde moderne, en leur donnant les outils pour vivre dans le « tout numérique ». Beaucoup de pays ont compris cela et investissent des sommes faramineuses dans la mise en place de politiques visant justement à vulgariser les TICE en les intégrant dans leur programme de formation.
En France, cette politique se concrétisa par le « fameux » C2I (Certificat Informatique et Internet) pour lequel j’ai eu l’honneur et le privilège de faire partie de la première promotion. C’était en 2004. Qu’en est-il de mon pays, le Bénin ? Nous aurions pu devancer la France. Les bailleurs de fonds internationaux tels que le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et le gouvernement des Etats-Unis nous en avaient donné les moyens. Mais qu’avons nous fait des milliards investis. Certains auraient peut-être désormais la mémoire courte. Moi non. Et je me dois sur ce point de vous éclairer un peu, cher ami lecteur.
En 2001, j’ai participé en ma qualité de représentant de la Direction Départementale de l’Education de l’Atlantique et du Littoral, à un grand projet dénommé « NTIC-EDUC » dont l’objectif était de mettre en place une grande inforoute desservant toutes les écoles béninoises ainsi que tous les collèges. A travers cette grande inforoute, tous les centres de formation du pays seraient connectés aussi bien entre eux qu’à Internet. Imaginez les bénéfices incommensurables que l’on pourrait tirer de ce formidable outil. Un professeur de Za-Kpota pourrait faire cours en direct à des élèves de Kandi ; les élèves de Tanguiéta pourraient échanger en temps réel avec ceux de Djakotomè ; les professeurs du Nord et du Sud pourraient harmoniser au jour le jour leurs commentaires et leur connaissance des nouveaux programmes. Bref, que des bénéfices pour notre système éducatif.
Pourquoi alors ce projet n’a-t-il pas abouti ? Ce n’est sûrement pas la faute de mon ainé et grand ami Codjia. Dans le comité restreint que nous étions, la faisabilité du projet avait déjà été validée, il ne restait plus que quelques broutilles à régler pour que le projet fût lancé. A qui la faute ? Ne cherchons pas, car dans les arcanes du pouvoir, il y a des antichambres dont il ne faut surtout pas ouvrir les portes. Mais, chers concitoyens, nous sommes en droit de demander où sont passés les milliards même sept ans plus tard. C’est notre devoir de contrôler des politiques publiques. Et mon devoir à moi, en ma qualité d’analyste politique et social, c’est de vous informer. Voici donc l’information : Il y a eu dans notre pays en 2001, un projet dénommé NTIC-EDUC dont l’étude de faisabilité a coûté des milliards. Qu’en est-il de ce projet et où sont passés les milliards ?
Vous allez vous demander peut-être, à juste titre, pourquoi ce n’est que maintenant que j’apporte l’information à l’opinion publique ? C’est que j’espérais avant mon départ du pays en 2002 que ce projet qui me tenait à cœur aurait déjà connu sa phase de concrétisation. Grande fut ma déception quand, de retour au pays, je me rendis compte qu’il n’y a plus ni NTIC-EDUC, ni aucun autre projet qui lui a succédé.
Nos gouvernants auraient-ils perdu de vue l’opportunité formidable que représente les autoroutes de l’information ? Pour plus de clarté, il est important que je précise de quoi on parle, car tous mes lecteurs ne sont pas des férus d’informatique et de réseaux télématiques.
Les autoroutes de l’information, ou inforoutes, peuvent être définies comme un réseau de fibres optiques permettant une « circulation plus rapide et à haut débit de l’information », capable d’acheminer jusqu’à l’utilisateur un ensemble de nouveaux services interactifs tels que le télé-enseignement (ce qui nous concerne ici) et la consultation de banques de données (pour les professeurs dans la préparation des cours). Les inforoutes représentent une révolution technologique et culturelle majeure, appelée à bannir les frontières géographiques et les disparités de niveau de développement entre les différentes régions de notre pays.
Chers amis lecteurs, vous conviendrez avec moi qu’après cette brève description, on comprend mieux pourquoi le projet NTIC-EDUC me tenait tellement à cœur, moi qui ai justement soutenu mon premier mémoire à l’Ecole Nationale d’Administration du Bénin en diplomatie sur le thème, tenez vous bien, « Multimédia et inforoutes, nouveaux enjeux de la coopération internationale ». C’est pour cela que j’ai été très enthousiaste lorsque ma direction me chargea de la représenter dans le comité chargé d’implémenter le projet NTIC-EDUC.
En somme, le projet NTIC-EDUC n’a jamais été concrétisé pour des raisons que nous ignorons et que seul le Ministère en charge de la communication et des nouvelles technologies pourra nous donner, vous et moi. L’objectif de ma démarche en écrivant cette réflexion est justement de tirer l’attention des gouvernants sur ce projet qu’il serait peut-être temps de sortir des placards et de réfléchir à nouveau sur sa faisabilité.
Il n’y pas de doute que nos jeunes élèves manquent de réactivité et de maîtrise en matière de technologies de l’information. On les voit souvent agglutinés dans les nombreux « cybers » de la ville. Mais, à part envoyer et recevoir des courriels, que savent-ils vraiment faire d’autre : peuvent-ils réaliser efficacement une recherche documentaire avec des mots-clés pertinents en peu de temps ; savent-ils utiliser l’Internet pour rechercher des opportunités d’affaires internationales ; savent-ils exploiter l’outil Internet pour télécharger des compléments de cours étudiés en classe. Non ! Ceux qui peuvent le faire se comptent au bout des doigts. Je le sais car je les forme. Les autres ne font que « naviguer », au propre comme au figuré. En outre, ceux qui peuvent le faire ne peuvent pas le prouver car il n’y a aucun diplôme pour les TIC au Bénin. Je ne parle pas d’un diplôme d’analyste-programmeur, je parle d’un certificat national validant les compétences informatiques et Internet des élèves et étudiants. Pour alimenter la réflexion, je soumets à l’opinion publique et aux gouvernants, le référentiel suivant qui est une adaptation du référentiel français :
1) Tenir compte du caractère évolutif des TIC
a. Travailler dans un esprit d’ouverture et d’adaptabilité (adaptabilité aux différents environnements de travail, échanges)
b. Tenir compte des problèmes de compatibilité, de format de fichier, de normes et procédures de compression et d’échange
2) Tenir compte de la dimension éthique et le respect de la déontologie
3) S’approprier son environnement de travail
a. Etre capable d’organiser et personnaliser son bureau (numérique)
b. Etre capable constamment de retrouver ses données
c. Structurer et gérer une arborescence de fichiers
4) Rechercher l’information
a. Distinguer les différents types d’outils de recherche
b. Formaliser les recherches et choisir des mots-clés pertinents
5) Sauvegarder, sécuriser et archiver ses données en local et en réseau
6) Réaliser des documents destinés à l’impression (CV, lettres…)
7) Réaliser la présentation de ses travaux en présentiel et en ligne
8) Echanger et communiquer en ligne (courriel, chat, forums…)
Si nous arrivons à intégrer ce référentiel dans une attestation ou certificat national ouvert à tous les élèves et étudiants à partir de la seconde, alors nous aurons beaucoup avancé dans notre quête de maîtrise des TICE.
Il est important pour notre pays de mettre sur pieds un vrai programme de déploiement des TIC dans l’éducation. Il est impérieux d’élaborer un référentiel unique, comme le C2I en France, qui permette de dire si tel ou tel élève maîtrise ou non l’outil informatique en général, l’Internet en particulier.
Monsieur le ministre, ressuscitons le projet NTIC-EDUC, ce grand projet qui n’a connu qu’une petite fin, et réfléchissons ensemble à sa réactualisation pour qu’enfin l’Internet dans nos écoles et collèges devienne une réalité pour le grand bien de la formation de nos cadres de demain.
Un C2I béninois et la résurrection du projet NTIC-EUDC, c’est-à-dire une inforoute de l’éducation au Bénin, ce sont là deux clés majeures qui permettront, j’en suis certain, le développement des technologies de l’information et de la communication appliquées à l’éducation (TICE) au Bénin.
Rock Maxime YEYE
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