(Quelle liste électorale pour 2011 ?)
Les échéances électorales de 2011 s’annoncent de plus en plus imminentes et mobilisent chaque jour davantage les forces politiques. Il ne se passe plus aucun week-end qui ne voit ces dernières aller à l’assaut des populations dans l’objectif de les conditionner pour le jour-J.
Pendant ce temps, par négligence ou par un fait exprès, les voix autorisées observent un mutisme inquiétant au sujet d’une question fondamentale qui ne saurait être convenablement réglée que si elle est véritablement abordée dès à présent. Cette question est la suivante : avec quelle liste électorale irons-nous aux élections de 2011 ?
Car, aussi curieux que cela puisse paraître, la LEPI a beau défrayer la chronique depuis plusieurs mois, on n’a toujours aucune réponse claire des responsables en charge de sa réalisation quant à sa disponibilité ou non en 2011 et, le cas échéant sur la nature et les modalités de mise en œuvre d’une solution alternative. Ce qui paraît peu responsable au regard des enjeux et des jours qui s’égrènent lentement, mais nous rapprochent inexorablement de 2011.
N’est-il pas temps d’arrêter la fuite en avant, de reconnaître les limites du processus en cours et de s’asseoir autour d’une table pour envisager les meilleures options possibles pour le pays ?
Si tous les experts en planification et en gestion de projet s’entendent sur les vertus cardinales de l’évaluation à mi-parcours, pourquoi refuse-t-on d’appliquer cette règle au processus de réalisation de la LEPI ?
Tenons-le nous pour dit, tant que les acteurs de la réalisation de la LEPI – CPS et MIRENA en tête – ne reconnaîtront pas formellement les écueils qui les empêchent d’être prêts pour le rendez-vous de 2011, nous continuerons de marquer le pas et de tourner en rond pour finir par être négativement surpris par l’échéance fatidique.
Or, poser les vrais problèmes dès à présent permettrait, à notre avis, de comprendre et d’accepter deux vérités essentielles :
1- à l’étape et dans les conditions actuelles, au vu des opérations qui restent à mener et des délais qu’elles nécessitent pour être conduites dans le respect des prescriptions légales et des normes techniques, la LEPI ne peut plus être disponible pour 2011.
2- Il est urgent d’envisager une alternative pour les élections de 2011 et de retenir les modalités et conditions de sa mise en œuvre réussie.
3- l’alternative à retenir doit constituer une avancée pour notre démocratie et contribuer effectivement à l’organisation d’élections fiables et transparentes.
A cet effet, je rappelle, au risque de paraître rébarbatif et répétitif – car j’en ai déjà fait cas dans une précédente réflexion – les principaux points de vue des acteurs consultés lors de l’étude sur la faisabilité de la LEPI au Bénin. Il s’agit de:
– la nécessité de conduire les élections de 2011 sur la base d’une liste électorale sécurisée et consensuelle ;
– la nécessité de conduire l’exercice de mise sur pied de la LEPI dans une période de calme électoral. En pratique, le souhait semble général de finaliser la LEPI au plus tard au premier trimestre de 2010 ;
– l’utilisation de la biométrie comme élément de sécurisation de la liste ;
– le caractère inclusif et transparent des opérations.
S’il est évident que le deuxième point ne peut plus être respecté, il est par contre encore possible de tenir compte des autres pour régler la question de la liste électorale de 2011.
Si donc, les trois vérités énoncées plus haut sont acceptées des uns et des autres et que les trois points ci-dessus sont considérés comme les principaux objectifs à intégrer, on se retrouvera, de mon point de vue, en face de deux hypothèses :
1ère hypothèse
C’est l’hypothèse la plus optimiste. Elle suppose qu’à l’issue des discussions menées lors de la pause, les acteurs s’entendent sur le minimum qui consiste à apporter dans les conditions de transparence et de participation requises les corrections nécessaires à la cartographie censitaire et au recensement porte à porte avant de lancer la phase de l’enregistrement.
Dans cette hypothèse, la saisie des données déjà recueillies lors du recensement porte à porte se déroule concomitamment avec les discussions et corrections de sorte qu’un temps précieux soit gagné. De sorte que les corrections à apporter aux phases réalisées, la saisie des données et la validation des résultats de la cartographie et du recensement soient achevées avant le 1er Septembre 2010.
C’est dans cette hypothèse donc qu’il est possible de capitaliser pour 2011 les acquis des étapes déjà menées et d’espérer aboutir à un résultat satisfaisant en utilisant les kits biométriques et l’approche méthodologique préconisée pour l’enregistrement dans les délais requis. Avec le bémol qu’une approche différente devra être envisagée pour les Béninois de l’extérieur.
2ème hypothèse
Ici, nous nous retrouvons dans le cas où le débat inclusif n’a pas lieu ou se déroule tardivement ou encore le débat a lieu mais le consensus n’est pas réalisé.
Dans cette hypothèse, il apparaît difficile voire impossible de capitaliser les acquis des étapes déjà réalisées. Il faudra alors envisager un autre processus totalement indépendant de celui de la LEPI en cours pour affronter les élections de 2011. Il sera donc question de changer totalement l’approche méthodologique et technologique pour adopter celle des fiches OMR qui permet de conduire en un temps record sur le territoire national et à l’extérieur une opération couplée recensement-enregistrement intégrant la biométrie.
Si cette option a l’avantage de disjoindre les deux processus et donc de calmer du coup toutes les tensions et suspicions qui tendent à jeter le discrédit sur le processus de réalisation de la LEPI en cours, elle a par contre un inconvénient de taille, celui d’induire des coûts de réalisation distincts des fonds engagés pour l’opération en cours.
En tous les cas, que l’on soit dans l’hypothèse n°1 ou dans l’hypothèse n°2, pour tenir compte des délais ; une modification majeure doit intervenir par rapport au projet LEPI en cours, relativement à la cible. En effet, on ne pourra plus raisonnablement envisager pour 2011 que l’enregistrement de la population électorale, c’est-à-dire des Béninois ayant 18 ans ou plus à la date prévue pour le scrutin.
Nonobstant tout ceci, il urge dans tous les cas de modifier assez rapidement les lois électorales pour y introduire les dispositions permettant de réaliser l’alternative de 2011 et de mettre en place dans les délais raisonnables (le 1er Septembre 2010 au plus tard) la CENA et ses démembrements chargés de l’organisation des élections.
On pourra plus tard, après les élections, modifier comme il se doit la loi 2009-10 pour conduire convenablement à son terme le processus de la LEPI. Croire encore à la possibilité de réaliser la LEPI pour 2011 est un formidable leurre qui distraira tout le monde et nous détournera de l’objectif le plus important à court terme, c’est-à-dire l’organisation d’élections crédibles et transparentes en 2011 sur la base de listes électorales sécurisées.
Clotaire OLIHIDE
Spécialiste des questions électorales
Auteur de l’ouvrage « Elections Communales et Locales 2008 au Bénin : Autopsie d’un cafouillage organisé »
Tél : 95 85 69 13 / 97 54 24 86
Email : oliclot77@yahoo.fr
Laisser un commentaire