Armand Zinzindohoué : pourquoi et après ?

Elle n’a pas fini de faire des vagues. L’affaire ICC- Services, du nom de cette société de placement d’argent actuellement en difficulté, vient d’emporter un des grands responsables de L’Etat. Armand Zinzindohoué, ministre de l’Intérieur, est relevé de ses fonctions par le Chef de l’Etat. Tout s’est passé comme si la brutalité de sa révocation devait édifier chacun et tous sur la gravité des faits qui lui sont reprochés.

La personnalité du mis en cause, dans une affaire de fric, réunissant des ingrédients qui, par leur nature, par leur usage et par leur destination restent suspects et sujets à caution, oblige à sortir vite de la nouvelle sensationnelle pour s’orienter vers une analyse axée sur les conséquences de cette affaire dans diverses sphères de l’appareil d’Etat et pour divers acteurs à différents niveaux de responsabilité.

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La décision de décharger le ministre de ses éminentes fonctions et responsabilités, vient du Chef de l’Etat. Cela donne, a priori, le sentiment que le dossier ICC Services bénéficie d’un  traitement spécial au sommet de l’Etat. Le poids du chef pèse dans la balance. Le glaive de la sanction ne  s’acharne pas que sur le menu fretin. La chasse n’épargne pas le gros gibier. Cela suppose que personne n’est à l’abri. A moins que Armand Zinzindohoué ne soit qu’un gros fusible qui aide à mettre tout le système à l’abri de gros ennuis.

On notera que Armand Zinzindohoué était ministre de l’Intérieur. Comme tel, il était à un poste stratégique qui lui donnait accès à l’information sensible. Il avait la haute main sur les  renseignements généraux. Il avait les moyens de la République pour savoir de quoi il retournait à ICC Services, la nature des transactions qui s’y menait, le dévoiement du système de placement d’argent avec des taux d’intérêt au-delà des limites licites et tolérables. Il pouvait aider  à tirer la sonnette d’alarme pendant qu’il en était encore temps, éloignant ainsi  le gouvernement de ce calice de douleur dont il n’avait que faire.

On rappellera tout de même que Armand Zinzindohoué est un proche du chef de l’Etat. On ne mentira pas en le désignant comme l’un des piliers du régime du changement dont il s’est fait l’un des chantres inspirés. Il est au gouvernement sans désemparer depuis quatre ans. Il a dirigé deux ministères clés, à caractère hautement stratégique : les Travaux publics et l’Intérieur. Cela suffit à donner une idée du tsunami qui vient de secouer le régime avec son départ du gouvernement.

Il reste à établir le lien entre ICC Services, une structure affairiste et un ministre de la République, dans une position éminemment politique. Que l’un perde sa place au gouvernement concomitamment avec la faillite de l’autre,  voilà qui laisse supposer un rapprochement peu catholique entre politique et affaires, entre politiciens et affairistes. Avec cette confusion dans les rôles, ce mélange des genres, on est autorisé à parler de collusion d’intérêt.

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Dans une République, une telle collusion d’intérêt ne peut se faire qu’au préjudice et qu’au détriment du peuple. Voilà pourquoi il paraît juste et sain, comme ce fut le cas avec le dossier de la Cen-Sad, que l’Inspection Générale d’Etat (IGE) entre, à un moment ou à un autre, dans la danse. Histoire de circonscrire l’étendue des dégâts. Histoire de déterminer les responsabilités impliquées. Avec l’espoir qu’aucune raison d’Etat ne viendrait gêner l’IGE aux entournures et l’empêcher d’aller au bout de sa mission.

On ne peut s‘empêcher d’établir un parallèle entre ce qui fut le cas d’un autre ministre, François Noudogbessi, ministre de l’Urbanisme, alors mis en cause dans l’affaire Cen-Sad et le  cas Armand Zinzindohoué. Le premier nommé fut renvoyé sur le banc de touche, ayant bénéficié pleinement de la présomption d’innocence avant qu’une commission ne l’innocente et ne le réhabilite. Il retrouva son fauteuil ministériel. Il ne l’a pas quitté depuis.

Armand Zinzindohoué n’a pas bénéficié de ce régime de faveur. Il est renvoyé directement dans les vestiaires et suspendu de matches exactement comme cela se passe sur un stade de football, quand un joueur écope d’un carton rouge. C’est vrai que les modalités de départ du gouvernement d’un ministre sont à la discrétion du Chef de l’Etat, Chef de gouvernement de surcroît. Mais, nous sommes en démocratie. Et savoir apporter des réponses aux interrogations des populations est loin d’être un tort.

Au total, Armand Zinzidohoué quitte-t-il le gouvernement par souci de moralisation de la vie publique pour que triomphe le bon droit républicain ou par souci d’émondage, opération consistant à couper quelques branches d’un arbre  dans l’intérêt et pour le plus grand bien de celui-ci ? Les Béninois s’interrogent.

Jérôme Carlos

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