Les nouveaux locaux flambant neuf et très modernes du Palais de la Marina sont désormais opérationnels. Le Chef de l’Etat y a déménagé depuis peu avec toute sa cargaison de conseillers et de personnel. L’évènement n’est pas mineur. Mais à côté, il y a d’autres tristes réalités qui contrastent avec cette luxueuse bâtisse qui arrache actuellement de larges sourires à Yayi et à son entourage.
Belle bâtisse. Grande fierté nationale. Près de 20 milliards de Fcfa engloutis. Le retard est enfin rattrapé. Le Chef de l’Etat du Bénin peut travailler désormais dans des conditions optimales. Il n’y avait pas mieux à souhaiter pour lui. Avec ses sièges dorés, ses meubles impeccables, ses couloirs somptueux, son système de communication de haute définition, etc, le Palais de la Marina a maintenant une dignité longtemps rêvée par les Béninois. Après un aéroport international remis à la pointe des mondanités du monde actuel, après les belles artères de Cotonou construites sous le régime du changement, les villas Cen-Sad et autres attractions, Yayi Boni vient de frapper encore un grand coup. Même si le chantier a démarré sous son successeur, le général Kérékou, sa finition aura sans doute nécessité l’implication personnelle du Chef de l’Etat actuel. Coup de chapeau à lui donc et à tous ceux qui ont œuvré pour l’aboutissement de ce vaste projet. Kérékou a d’ailleurs béni les lieux, mardi dernier lorsqu’il est allé les visiter. Chose rare dans les pratiques de cet homme d’Etat qui se méfie souvent des rituels du genre. Le vieux Général était visiblement heureux aux côtés de Yayi quant ils arpentaient les couloirs de ce château présidentiel, absorbés tous les deux, par son luxe insolent.
En face, un Cnhu toujours malheureux
Ce nouvel et charmant édifice qui trône désormais en toute beauté au cœur à la présidence de la république contraste avec une série de réalités. Certes, un Chef de l’Etat ne doit pas habiter dans un taudis parce que son pays est l’un des plus pauvres de la planète. La majestueuse personnalité qu’il incarne ne l’autorise guère. Reste que les deux doivent aller de pair. En ces moments de dure galère aggravée par une crise économique internationale qui n’en finit plus, cette bâtisse laisse interrogateur à plusieurs égards. Le plus immédiat des contrastes, est celui qui se déroule en face du palais de la Marina. A savoir le Centre national hospitalier universitaire (Cnhu) qui peine à sortir de sa précarité, malgré les lourds investissements qu’on y consentit. Le malheur de cet hôpital dit de référence s’est accru en cette période pluvieuse. Il était quasiment impossible de circuler à l’intérieur du Cnhu sans traîner ses pas ou ses roues dans une immense eau. Plusieurs voies et espaces de cet hôpital ont été ainsi affectées par les inondations qui n’ont été vaincues que grâce aux durs labeurs des sapeurs pompiers. La situation est telle que les hommes du feu ont dû y élire domicile avec tout le dispositif nécessaire. Presque un lac artificiel. L’image offerte en peu de temps par le Cnhu à ses usagers, empêchait de fait, tout regard enthousiaste vers l’autre côté de la chaussée. Le splendide bâtiment de la présidence n’avait donc point d’admirateurs dans leur rang en ce moment où son voisin d’en face avait les pieds dans l’eau.
L’indifférence générale des béninois
Si la mise en service de ce joli bâtiment a rendu fous de joie, le Chef de l’Etat et toute son équipe de travail, les béninois dans leur grande majorité sont restés indifférents. Quand bien même les télévisions locales en ont fait large écho, l’engouement populaire qu’il devrait susciter a fait défaut. En réalité, ce joyau tant exhibé depuis peu ne semble plus dire grand-chose aux béninois, car il tient de l’évidence. Chose normale, qu’un chef d’Etat puisse abriter dans des locaux à son image. S’éclater de joie, pourrait paraître d’ailleurs comme un comportement de passéiste lorsqu’on sait que beaucoup de pays de la sous-région ont franchi cette étape depuis des lustres. Pas question donc de s’enorgueillir. De plus, ce projet a pris d’énormes retards pour aboutir au point où il ne suscitait plus d’attention dans le pays. La bâtisse a été achevée depuis fort longtemps, bien même avant l’arrivée au pouvoir de Boni Yayi, actuellement en fin de mandat. Il ne restait donc que l’ameublement et les décorations internes qui ont tardé. Ce n’est donc rien de nouveau en fait. Il était là depuis.
Des interrogations se multipliaient quant à son intégration par le Chef de l’Etat et ses conseillers, à telle enseigne, que certains ont commencé à craindre un nouvel éléphant blanc. S’il est heureux aujourd’hui qu’il ne connaîtra plus ce sort, il y a des raisons de douter de l’efficacité de son entretien. L’habitude étant qu’au Bénin, les grands édifices publics sont généralement exposés aux intempéries et à toutes sortes de dégradations. Le plus grave, est aussi la gestion calamiteuse qui se fait souvent de ses composantes quant les occupants de l’heure partent pour une raison ou une autre. Certains n’hésitent pas à vider tout le contenu de leur bureau au profit de leur nouvelle destination. Encore que cette belle bâtisse contient en son sein des objets précieux, il y des risques qu’ils subissent le même sort quand les conditions s’y prêteront.
Christian Tchanou
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