« En réalité, l’intrus ne connaissait pas la maison » !

C’est une confession. C’est un aveu d’échec. Mieux, un aveu d’incapacité lorsque Boni Yayi, très solennellement, affirme qu’ « En réalité, l’intrus ne connaissait pas la maison ». Cette phrase ne peut être considérée comme un simple démenti ou un bémol apporté au postulat de mon confrère Edouard Loko aujourd’hui vice-président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication qui, publiant le premier livre décryptant l’épopée de Boni Yayi en 2006, quand il réussissait à rafler la mise au nez et à la barbe des vieux briscards de la politique, l’avait fort opportunément intitulé « Boni Yayi : l’″intrus″ qui connaissait la maison ».

Contrairement aux réactions que cette déclaration du chef de l’Etat a soulevées, à savoir des rires et des clameurs joyeuses, je pense qu’elle devait laisser perplexe, songeur. Elle devait inquiéter et même faire pleurer. Car, voilà un président de la République qui, après plus de quatre ans passés sur cinq éventuellement, vient révéler qu’il ne comprenait pas de quoi il s’agissait. Qu’il n’avait pas pris la mesure de ce dans quoi il s’engageait en suscitant autant d’espoirs en 2006.

Il ne faut, en effet, pas se méprendre sur la portée des propos de Boni Yayi en ce 31 juillet 2010. Ils vont bien au-delà de la simple boutade. Ils sont d’une gravité saisissante, déconcertante. Avouer comme il l’a fait, et dans une circonstance aussi marquée qu’il ne « connaissait pas la maison » revient, pour Boni Yayi, à reconnaître qu’il est effectivement un « intrus » avec ce que cela comporte de conséquences. Là-dessus, mon éminent confrère Herbert Houngnibo a signé une fabuleuse chronique dans laquelle je me retrouve pour l’essentiel. Mais en fait, en ne désapprouvant pas le titre du livre d’Edouard Loko, Boni Yayi avait déjà implicitement admis être un « intrus », sauf que nous prenions tous le mot sans esprit péjoratif. Cela dit, revenons à la déclaration yayienne du 31 juillet dernier et ses implications. Lorsque Boni Yayi déclare avec emphase qu’ « En réalité, l’intrus ne connaissait pas la maison », j’ai le sentiment qu’il veut justifier tous ses errements par sa prétendue méconnaissance de la maison. Ses échecs, ses approximations, l’amateurisme qui a si souvent caractérisé nombre d’actions au sommet de l’Etat sous son égide.

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J’ai le sentiment qu’il veut, par cette phrase supposée magique, effacer de nos mémoires, tout ce qu’il nous a été donné de vivre ces dernières années sous sa houlette, les passer en pertes et profits pour essayer de se redonner une virginité politique et, ainsi, se présenter sous le couvert de l’intrus qui a pris le temps d’apprendre à connaître la maison et qui est donc devenu un initié. Mais là, c’est encore Edouard Loko qui lui apporte un démenti en déclarant que « L’intrus connaissait bien la maison mais pas ses habitants ». De fait, dans un cas comme dans l’autre, Boni Yayi ne devrait s’attendre à bénéficier de quelque absolution que ce soit. J’ai dit aveu d’échec et aveu d’incapacité. Les errements et les approximations qui en ont découlé et qui en découlent encore ne s’effacent pas d’un coup de gomme. Non, cela laisse des traces indélébiles.

Il faut le savoir et l’intégrer à nos réflexions. C’est peut-être cela qu’il a lui-même déjà compris quand il finissait son adresse au peuple par : « Puisse le Père créateur de tous êtres, Dieu éternel et miséricordieux, vous bénir abondamment, en ce moment exceptionnel de l’histoire nationale. Et que dans vos cœurs renaissent chaque jour l’espérance et l’amour ». Remarquez qu’après avoir tout le temps employé le « nous », il parle maintenant à la deuxième personne du pluriel comme pour nous signifier qu’il n’est plus concerné par la suite… Le reste appartient sans doute aux habitants de la maison.

Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source :http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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