La baraka de KEREKOU (suite)

Connaissant notre poujadisme incurable, je ne suis pas surpris que l’actuel Président de la République soit traduit devant la Haute Cour de Justice par 50 députés sur les 83 que compte notre Assemblée Nationale. Ce qui me surprend plutôt, c’est que le Général Mathieu KEREKOU dont le régime en dix ans n’a guère fait mieux, tant s’en faut, que son prédécesseur Nicéphore SOGLO et son successeur Boni YAYI, ait joui de tant d’indulgence de la part de mes compatriotes qui sont même parvenus à en faire l’icône de la paix sociale et le symbole de l’unité nationale.

Or, sa gouvernance est loin d’être la plus inclusive. On peut certes reprocher au Président SOGLO son « pouvoir clanique et familial », rengaine qui a la vie dure, et au Président Boni YAYI ce populisme qui l’a conduit à ne pas se méfier de moult marchands d’illusions, des loups habillés en agneaux ; mais reconnaissons avec toute l’honnêteté intellectuelle requise que c’est sa gouvernance qui est la plus inclusive. Avec le record Guinness de près de 75 ministres nommés en quatre ans de gouvernement, il a démystifié la fonction ministérielle dans la mesure où être ministre est désormais à la portée de tout citoyen béninois, pourvu qu’il se montre un tantinet actif en créant un mouvement ou un parti politique et en s’investissant dans la conquête d’un fief qui apparemment n’a jamais dépassé les limites d’une commune. Quel est le secret de l’ancien «Grand camarade de lutte» ? D’où tire-t-il son charisme et cette séduction soporifique qu’il a exercée sur ces concitoyens pendant près d’un quart de siècle ?  Au bout de cinq ans, on avait tellement marre de Nicéphore SOGLO qu’on était parti tirer de sa tanière Mathieu KEREKOU qui pourtant n’aspirait alors qu’à une retraite politique méritée après dix-sept ans d’une révolution agitée qui nous a conduits dans le décor. Même au bout de cinq ans de kérékouisme, on n’était pas fatigué de l’homme-caméléon. Pour ne pas risquer de laisser la voie libre à NDS pour se hisser de nouveau à la magistrature suprême, on a mobilisé des milliers de femmes qui à travers des marches hebdomadaires sans fin, l’ont convaincu de rempiler ! Quelle baraka ! Celle que n’ont manifestement pas eue ni le Président SOGLO, ni le Président YAYI. Pourtant, les deux hommes d’Etat étaient de par leur ancienne fonction de banquier et leur qualité d’intellectuels de haut niveau (inspecteur général des finances d’un côté et docteur en économie de l’autre) les plus aptes à gérer correctement nos finances publiques. Nous allons tenter de donner une explication à ce paradoxe. Voyons donc ! La source principale des ennuis de nos deux banquiers de présidents réside dans leur négligence ou carrément leur mépris de la « vieille classe politique », celle qui est née à la faveur du Renouveau démocratique et que le candidat des candidats avait su même dès 1990  se la concilier, alors que l’Aboméen SOGLO était semble-t-il l’otage du Clan des Aboméens, pour finir après Goho en juillet en 1994, par devenir celui du milieu familial (Charles ADINSI, 2001). De même Boni YAYI était parti indûment et trop tôt en guerre contre le « cadavre livide de la vieille classe politique », donnant au contraire carte blanche à une multitude d’entrepreneurs en Forces ou Convergences cauris qui comme les jeunes partis composant l’ancienne UTR sous SOGLO, n’étaient pas rompus aux arcanes de l’arène politique où combattent de vrais gladiateurs,  vieux briscars et maîtres en roueries politiques de tous genres que demeurent les Kolawolé IDJI, Lazare SEHOUETO, Eric HOUNDETE, Bruno AMOUSSOU, Adrien HOUNGBEDJI, et last but not least l’ancien président Nicéphore SGLO devenu par la force des choses et malgré  la concurrence familiale, un homme politique avisé !  J’ai eu le privilège d’avoir amené Maître Robert DOSSOU désormais peu bavard à cause des exigences de réserve dues à sa charge, à reconnaître avec moi la nécessité de réinventer la politique. C’est une entreprise humaine comme une autre où il y a des gens doués et des crétins rédhibitoires.

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Il nous faut une vraie classe politique dont les acteurs ont quelque chose dans le ventre et dans la tête que ces brailleurs qui l’espace d’un week-end, flagornent à souhait pour se faire remarquer  du chef et…manger ministre !  Evidemment, nous passerons quelques moments d’angoisse, dans l’attente anxieuse ou l’expectative béate si prisée par certains Béninois, pour savoir si 6 députés de la mouvance FCBE fidèle vont délaisser leur famille politique et contribuer à voter la mise en accusation du Chef de l’Etat. Le cas échéant, ce sera un tsunami politique du genre de celui que nous avions connu en 1963, presque cinquante ans en arrière. L’histoire se répétera-t-elle ?             

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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