La grosse erreur de Mr Koussé ou une nouvelle intimidation du gouvernement ?

(Les victimes d’Icc services accusées de complicité par L’Ige )
Le 05 Août 2010, l’Inspection Générale de l’Etat a tenu une conférence de presse au cours de laquelle, son président, assisté du conseiller juridique du chef de l’Etat, a évoqué les affaires qui défraient la chronique en ce moment dans notre pays.

A cet effet, en abordant, le dossier ICC services, les conférenciers ont essayé de situer les responsabilités. Ainsi, sans aucun élément juridique, ils ont évoqué la complicité des épargnants ayant déposé des fonds dans les structures de placement d’argent.
Cette accusation grossière et dénuée de toute preuve nous a interpelés. Aussi, nous souhaitons apporter quelques éléments d’appréciations sur la notion de complicité afin que nos conférenciers et les nombreuses autres personnes qui accusent les épargnants comprennent qu’en droit, l’on se repose avant toute incrimination sur les textes de lois qui existent.

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De la notion de complicité

Est considéré complice celui qui a participé à un acte incriminé sans prendre part aux éléments constitutifs de l’infraction. En rédigeant l’art 60 du code pénal, le législateur entendait renforcer l’élément matériel constitutif de la complicité. Il incrimine ainsi, toute aide ou assistance à l’auteur lors de la préparation ou de la commission de l’infraction, mais aussi tout comportement incitant l’auteur de l’infraction à la commettre.

Ensuite, il faudrait que le complice ait agi de manière intentionnelle. il doit savoir que l’acte auquel se destine l’auteur est pénalement réprimé et s’engage volontairement à aider celui-ci de manière plus ou moins directe (élément moral). Enfin, il faut que le fait principal soit une infraction (élément légal).

La loi : Code Pénal

Art 60 : seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit, ceux qui par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action, ou donné des instructions pour la commettre ;
Ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui aura servi à l’action, sachant qu’ils devraient y servir ;
Ceux qui auront avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action, dans les faits qui l’auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l’auront consommée ; sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le présent Code contre les auteurs de complots ou de provocations attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, même dans le cas où le crime qui était l’objet des conspirateurs ou des provocateurs, n’aurait pas été commis.

Commentaires :

Selon l’art 60 du code pénal, le complice doit provoquer l’action incriminée ou donner des instructions pour la commettre.
Dans le cas d’ICC Services, les victimes étaient parties à un contrat et n’avaient à aucun moment exprimé le désir direct ou indirect de participer à une activité d’escroquerie. La bonne foi de milliers de clients sera appréciée par le juge.

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Selon l’art 60 du code pénal, le complice doit avoir connaissance de l’action incriminée.
En l’espèce, les clients d’ICC services n’avaient pas connaissance de l’escroquerie organisée par les dirigeants de cette structure de placements d’argent. En effet, tous les artifices mis en place par les dirigeants d’ICC services, notamment leur proximité avérée avec les pouvoirs publics étaient de nature à crédibiliser leurs activités et à inspirer la totale confiance des épargnants.
Pour prouver l’élément moral de la complicité, il faut donc établir, que compte tenu des circonstances, les victimes d’ICC services n’avaient aucun doute ou ne pouvait avoir aucun doute sur les activités d’escroquerie de la structure. En effet, le code pénal impose une connaissance de la nature et de la qualification de l’infraction d’origine.

Par ailleurs, la complicité sera totalement exclue si nous évoquons « l’erreur de droit » mise en évidence par la jurisprudence.
En effet, « Nemo censetur ignorare legem », « Nul n’est censé ignorer la loi ». Ce caractère obligatoire du droit, suppose que pour le bon fonctionnement d’un système juridique, aucun individu ne peut se prévaloir de son ignorance du droit pour échapper à son application.
Cependant, face à l’impossibilité des citoyens de connaître les contours exacts du droit pénal, la jurisprudence a atténué la connaissance du droit, par l’introduction de l’erreur de droit comme une cause d’irresponsabilité.

Dans le cas d’ICC services, il ne s’agit pas de prouver l’ignorance des clients de la loi pénale (en ce qui concerne l’illégalité des activités d’ICC services), mais de faire valoir leur croyance dans la légalité de l’acte accompli, c’est-à-dire l’activité de collectes d’épargne.
C’est ainsi, que de nombreux clients ont fortement cru qu’ICC services exerçait en toute légalité car,  comme évoqué ci-dessus, les dirigeants d’ICC affichaient leur proximité avec les pouvoirs publics et bénéficiaient notamment d’une protection policière.
Comment dans ces conditions, la femme d’Adjarra ou de Pèrèrè, pouvait imaginer un seul instant que la structure ne disposait pas d’agrément pour exercer son activité ? Outre l’escroquerie, nous sommes donc dans un cas d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse des épargnants, car la tromperie repose essentiellement sur un abus de leur crédulité.

Aussi, nous nous interrogeons sur les éléments juridiques sur lesquels repose l’accusation de complicité des victimes évoquée par Mr Kousse et l’IGE. Ceci ressemble plus à une intimidation des épargnants pour les empêcher de poursuivre l’Etat dont la responsabilité pour dysfonctionnement des systèmes de contrôle est  clairement engagée.

En conclusion, il est assez évident, que les clients d’ICC services ne sont absolument pas complices de l’escroquerie établie, mais victimes d’un dysfonctionnement du système de contrôle de l’Etat (caractérisé probablement par des complicités à un certain niveau de l’appareil).Nous les appelons donc à la sérénité quant à une quelconque inculpation pour complicité et leur recommandons :

  1. de se constituer en association de victimes si ce n’est pas encore le cas.
  2. De demander l’assistance d’un avocat
  3. De porter plainte contre ICC services et consorts pour escroquerie et éventuellement pour abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse
  4. De porter plainte contre l’Etat pour dysfonctionnement de l’appareil de contrôle.

Dans un Etat de droit, on ne porte pas des accusations de manière fantaisiste, comme c’est le cas depuis le début de cette crise qui faut-il le rappeler est la grosse escroquerie jamais organisée dans un pays du sud du Sahara. Il revient à chacun d’assumer ses responsabilités dans cette affaire qui touche l’épargne des nos concitoyens (devenus victimes expiatoires puisqu’au nom d’une certaine morale, on  condamne leur recherche du gain facile), dont la seule faute est d’avoir cru que l’Etat les protégeait.

Oyétundé AYENI
Juriste Socio-économiste
Consultant en microassurance
oyetundeayeni@gmail.com

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