(L’Opposition ne propose rien)
Le débat sur la LEPI n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Pour les uns (l’opposition), il faut que le processus de réalisation de cet instrument se déroule dans la transparence et dans un esprit de consensus, peu importe le temps que cela doit prendre. Pour les autres (la mouvance présidentielle), il faut aller très vite pour que la LEPI soit disponible avant les élections de 2011.
Et puisque, au lancement de ce processus et donc lors de la mise en place des organes en charge de sa réalisation la mouvance présidentielle était majoritaire au Parlement, celle-ci a réussi à imposer son point de vue et son rythme, souvent au mépris de la loi et des réserves pertinentes émises par l’opposition et par une frange de la société civile.
De fait, les deux premières phases du processus, c’est-à-dire la cartographie censitaire et le recensement porte à porte, ont été menées tambour battant quand bien même les opposants, devenus entre temps majoritaires à l’Assemblée Nationale ont tenté de stopper la machine. Même le retrait des représentants de ce bloc politique de la CPS/LEPI et l’introduction puis le vote d’une loi modificative de la loi 2009-10 n’ont pas freiné l’élan de la mouvance.
A tous les appels à la retenue, ils ont opposé leur leitmotiv, la seule raison qui pour eux pouvait tout justifier : il faut absolument que la LEPI soit prête pour 2011, c’est la seule condition pour avoir des élections transparentes.
Au regard de tout ceci, n’est-il pas curieux de constater que certains députés de cette mouvance présidentielle viennent d’opérer un revirement inattendu et spectaculaire par rapport à l’utilisation de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) pour les scrutins de 2011 ?
La nouvelle trouvaille de la majorité présidentielle
En effet, à la lecture de la proposition de loi déposée par l’Honorable CHABI SIKA et certains de ses collègues de la mouvance et visant à modifier la loi 2007-25 du 23 Novembre 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, on se rend compte que la liste préconisée pour les élections de 2011 s’appelle désormais Liste Electorale Informatisée Transitoire (LEIT).
Ladite LEIT ne serait que le résultat d’opérations de vérification de la Liste Electorale Informatisée Provisoire (LEIP), elle-même obtenue à partir de la base de données issue du traitement des données collectées lors de l’enregistrement des électeurs selon les procédures prévues par la loi 2009-10 du 13 Mai 2009 portant organisation du RENA et réalisation de la LEPI.
Autrement dit, il est proposé de prendre les résultats du recensement porte à porte contesté et non validé dont la saisie a été lancée le 19 Juillet dernier alors que la CPS/LEPI est toujours amputée du tiers de ses membres, de faire vérifier ces données par des agents vérificateurs et de se servir du produit ainsi obtenu comme liste électorale pour les élections de 2011.
Lorsqu’on sait qu’il y a encore quelques jours seulement, les auteurs de cette proposition – qui n’a quand même pas été conçue et finalisée en une semaine – soutenaient urbi et orbi que la LEPI sera bel et bien disponible pour 2011, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les véritables motivations de la course contre la montre sur fond de passage en force qui caractérise depuis plusieurs mois le processus de réalisation de la LEPI au Bénin.
Car, si tant est que l’on savait depuis au moins deux semaines que le projet d’utiliser la LEPI pour 2011 devait être abandonné, pourquoi a-t-on lancé contre vents et marées la saisie des données issues du recensement porte à porte le 19 Juillet 2010 au lieu de s’arrêter d’abord pour essayer de mettre tout le monde d’accord par rapport à un plan B pour 2011 ? Pourquoi s’être encore engagé dans une nouvelle aventure, alors qu’on est conscient que plus rien ne presse et que jusque-là, on ne peut même pas encore jurer que ce qui est déjà fait est définitivement acquis ? Comment recrutera-t-on les agents vérificateurs et quelle crédibilité accordera-t-on à leur travail si le camp d’en face refuse toujours de s’y associer ? A quelle logique répond tout ceci quand on sait que le camp d’en face est aujourd’hui majoritaire à l’Assemblée Nationale et donc que les chances sont minces voire inexistantes qu’il laisse passer une proposition de loi qui tend à valider tout ce qu’il a combattu jusqu’ici ?
Voilà autant de questions que l’on se pose au vu de la tournure que prennent les événements à quelques huit mois des prochaines élections.
Surtout que, en face, l’alternative préconisée à la LEPI pour 2011 n’est pas forcément plus rassurante.
La proposition de l’Union fait la Nation
Si l’Union fait la Nation a le mérite d’avoir tiré à plusieurs reprises sur la sonnette d’alarme face à l’impasse dans laquelle risque de nous conduire la manière dont le processus de la LEPI est mené, force est de constater que l’opposition n’a pas pris les dispositions idoines pour essayer de doter le pays d’une liste électorale informatisée fiable pour les élections de 2011.
De fait, toutes les initiatives prises ont été, soit dans le sens d’arrêter le processus, soit dans celui de rééquilibrer les forces au sein de la CPS/LEPI en vue d’assurer le consensus et la transparence nécessaires à l’aboutissement heureux de l’opération.
Malheureusement, ce faisant, tout le monde a occulté la nécessité de parer au plus pressé, c’est-à-dire de statuer sur le cas de 2011.
Du coup, l’UN se rabat aujourd’hui sur un pis-aller qui en réalité n’avancera pas outre mesure le système électoral, en tout cas en ce qui concerne la confection de la liste électorale.
Car, ce que propose ce bloc politique n’est rien moins qu’une Liste Electorale Spéciale (LES) qui résultera de la saisie de listes obtenues à partir d’un recensement manuel conduit suivant la méthode traditionnellement utilisée depuis 1991.
Au total, après avoir tourné en rond pendant plusieurs mois et entretenu un dialogue de sourds, la classe politique nous ramène à la case départ, tout au moins pour les élections de 2011.
Qu’on se le dise sans tourner autour du pot, aucune des deux propositions de loi ci-dessus présentées ne garantit la fiabilité de la liste électorale pour 2011. On aurait peut-être mieux fait de nous éviter toute la débauche d’énergie et tous les milliards supplémentaires engloutis du fait de la nécessité d’accélérer le processus. A moins que, comme certaines (mauvaises ?) langues le prédisaient depuis le début, tout ce montage n’ait eu pour but que de se constituer un solide butin pour les prochaines campagnes électorales ?
En tous les cas, il apparaît évident aujourd’hui que, dans tous les calculs de nos politiciens, l’intérêt du pays et donc du peuple n’a aucun droit de cité. Sinon, il est inconcevable que, de toute la classe politique, personne n’ait compris qu’il fallait envisager assez tôt une alternative claire et crédible à la LEPI pour affronter les élections de 2011 dont la mauvaise gestion est plus que jamais susceptible d’entraîner le pays dans l’inconnu.
Il ne nous reste plus à présent qu’à croiser les doigts et à prier pour que les membres de la prochaine CENA fassent preuve de suffisamment de patriotisme et de doigté pour conduire le processus électoral à bon port.
Clotaire OLIHIDE
Auteur de l’ouvrage « Elections Communales et Locales 2008 au Bénin : Autopsie
d’un cafouillage organisé » Email : oliclot77@yahoo.fr