Le Bénin, Ali Baba et les quarante voleurs

L’information n’est pas banale. Elle n’est pas à banaliser non plus (Citation) « Alors que le Bénin est en pleine crise causée par ICC Services et consorts, des Béninois lancent le placement d’argent en Centrafrique ». (Fin de citation). Voilà le titre qui barre la « Une » de notre confrère « Fraternité » dans son édition du mercredi 18 août 2010.

Avec, en illustration, la fiche publicitaire de la société de placement d’argent qui se proposerait ainsi d’écumer la Centrafrique, faisant miroiter des gains faramineux à ses éventuels clients.

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Cette information, si elle était vraie, devrait provoquer chez une majorité de nos compatriotes un mouvement de dégoût. Elle devrait résonner dans leur esprit comme une alerte forte, indice d’un danger imminent. Car il ne s’agirait de rien d’autre que d’une vaste escroquerie à l’actif et à la signature de Béninois dans un pays africain frère. Comme si des Béninois, après avoir escroqué, sur place au Bénin, d’autres Béninois, avec l’affaire ICC Services, se décidaient à exporter leur capacité de nuisance. Une sorte d’internationalisation du mal qui risque de faire du Béninois un escroc patenté et de son pays « La caverne d’Ali Baba ».

L’escroquerie, qui consiste à s’approprier  le bien d’autrui en usant de moyens frauduleux, n’est ni tolérable ni à tolérer sous l’une quelconque des latitudes de la terre. Cependant, tant que ce sont des Béninois qui escroquent d’autres Béninois au Bénin, comme c’est le cas avec l’affaire ICC Services, c’est gérable. Nous accusons durement le coup. Mais nous saurons laver le linge sale en famille. Non pour absoudre ceux qui auront été reconnus coupables. Non pour abandonner les victimes à leur sort. Non pour rester sourd aux enseignements de cette malodorante affaire.

De savoir que l’arbre de la mort a poussé dans notre jardin ou dans l’arrière cour de notre maison, cela nous situe mieux pour déterminer les responsabilités engagées, pour évaluer les désagréments causés et pour prendre les mesures de sauvegarde appropriées. Au sujet de l’affaire ICC Services par exemple, les victimes, en plus d’être des compatriotes, des concitoyens, sont, dans leur immense majorité, des parents, des alliés, des amis à divers degrés. Si la responsabilité individuelle de chaque victime doit être formellement établie, il reste que nous assumons collectivement ce drame qui aura brisé les rêves de certains, ruiné plus d’un, conduit d’autres à commettre l’irréparable.

Ainsi, dans cette affaire, en critiquant la cupidité et l’inclination à l’argent facile de certains de nos compatriotes, nous nous critiquons nous-mêmes. Quand, par exemple, quelqu’un s’indigne en disant qu’il a honte pour son pays, c’est moins par rapport à une faute qu’il aurait commise que par le fait des autres. Il est ainsi des héritages dont personne ne peut s’exclure. Chacun, d’une manière ou d’une autre, de gré ou de force, prend sa part à cet héritage.

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Mais tout se complique quand le mal passe nos frontières nationales et se laisse exporter sous d’autres cieux comme le produit, le fruit de notre génie créateur. La marchandise ainsi exportée à une origine, le Bénin. On ne s’empêchera pas, le moment venu, de le rappeler haut et fort. On ne se privera pas  de le crier sur tous les toits. Les ingénieurs fabricants de cette marchandise made in Bénin ont un visage qui sera à jamais confondu avec celui de tous les Béninois. Et comme chez tous les peuples de la terre, selon le mot de Jean-Paul Sartre, « l’enfer, c’est les Autres », les prochaines victimes de cette escroquerie qui se dessine, se dédouaneront sur tout Béninois quel qu’il soit. Est donc tout trouvé le mouton du sacrifice. C’est lui qui rachètera les péchés des vrais coupables.

Voilà comment une poignée de Béninois s’activent à fabriquer à chaque Béninois pris individuellement et à tous les Béninois collectivement une sale réputation d’escrocs. Cela ne peut être que dommageable pour l’image de notre pays, l’image de chaque Béninois ici et partout dans le monde. Et voilà que tout Béninois, partout où il se trouve, se verra montrer du doigt.

Il va falloir vite sortir de notre léthargie, pendre l’exacte mesure du mal qui menace, faire face et agir, sans délai, pour restaurer l’honneur de tout un pays et de ses citoyens, pour défendre une dignité que nous n’avons pas usurpée, parce que nous la tenons d’une longue histoire, à travers des traditions sans âges. Contre l’argent que brûlent d’envie de gagner certains des nôtres à tout prix et à n’importe quel prix, nous opposons l’honneur et la dignité. Et c’est parce que l’un et l’autre n’ont pas de prix qu’ils ne sont présents sur aucun étalage au marché international de Dantokpa à Cotonou. Non et non, nous ne pouvons pas avoir été, hier, « Le quartier latin de l’Afrique » pour n’être plus, aujourd’hui, que « La caverne d’Ali Baba ». Dans la proximité et la complicité maffieuse de ses quarante voleurs.

Jérôme Carlos

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