– Les indices d’une mise en scène
– Une commission d’enquête internationale s’impose
Lundi dernier, la justice a fait exhumer un corps humain à Womey comme étant celui d’Urbain Pierre Dangnivo, disparu depuis le 17 août dernier. Alors même que cela devrait mettre fin à la polémique, la conduite du dossier révèle un certain nombre d’incohérences qui intriguent davantage.
Sous la conduite du ministre de la Justice Grégoire Akoffodji et du procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou, Mme Michèle Carrena Adossou, les agents de la voirie de Cotonou assistés des forces de l’ordre ont exhumé un corps comme étant celui d’Urbain Pierre Dangnivo, disparu depuis 41 jours alors. Normalement, une telle trouvaille devrait constituer le point final de la polémique, des questionnements et des angoisses. Mais c’est le contraire qui est constaté. Au-delà du doute persistant, plusieurs incohérences sont notées.
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Enquêtes ouvertes au public
Partant du fait que les enquêtes sont encore en cours comme l’a bien souligné le ministre de la justice, l’on se demande pourquoi on a fait de l’opération d’exhumation un événement public. Puisqu’il est admis qu’avant le terme d’une enquête ou d’une affaire qui est du ressort de la Justice, on ne saurait en débattre publiquement. Pourquoi avoir donc invité la presse, les syndicalistes, les parents du disparu à assister à ladite opération ? Quel effet comptaient avoir ceux qui ont la conduite du dossier ? Quand on se rappelle par ailleurs de la réponse que le directeur de cabinet du ministère de l’intérieur, l’Inspecteur général Abassi Alley a donnée aux manifestants réclamant des informations sur le disparu, on est davantage fondé pour poser la question. Abassi Alley disait en effet : « Que savez-vous d’une enquête ? Voulez-vous qu’on vous mette derrière pour le rechercher ? » A partir de là, on s’interroge toujours sur le résultat qu’attendaient les autorités.
L’autre incohérence qui saute à l’esprit est qu’en invitant les parents de Urbain Pierre Dangnivo ainsi que la presse, l’objet annoncé était bel et bien l’exhumation du corps de ce dernier. La question ici est de savoir ce qui fondait la certitude du ministre de la justice et des autres à penser qu’il y avait effectivement un corps à l’endroit indiqué et qu’il était encore identifiable. Mieux, que ce serait à coup sûr celui d’Urbain Pierre Dangnivo ? Puisque de source proche de la famille du disparu et d’après les informations reçues par la presse, l’invitation reçue indiquait que le corps de Urbain Dangnivo était retrouvé et qu’il fallait aller l’exhumer. La certitude avec laquelle les autorités en charge du dossier ont invité les et les autres à venir assister à l’exhumation est bien étrange. Mais en laissant également le bruit courir dans la presse, il semble bien que c’est à une préparation psychologique de l’opinion que l’on procédait.
Aussi, la presse a-t-elle été empêchée d’aller sur les lieux-mêmes où le disparu aurait été inhumé. Dans ces conditions, qui peut aujourd’hui certifier que la terre n’a pas été récemment remuée à cet endroit afin de prouver que c’est bien depuis longtemps que Dangnivo y a été enterré ? Surtout que cela faisait 41 jours qu’il était porté disparu.
Quid de la voiture et des vêtements
Le point encombrant qui interpelle la conscience des uns et des autres est qu’aucun des parents de Dangnivo, encore moins les syndicalistes qui ont vu le corps n’ont pu le reconnaître. La seule certitude partagée par tous est que c’est un corps humain en putréfaction avancée. Dès lors une question : avait-il encore sur lui les habits qu’il portait au moment de sa disparition ? Si oui, cela aurait constitué une précieuse pièce à conviction. Or il n’en a pas été question. Et l’on peut se demander ce que le tueur en a fait ? Ce qui engendre la question sur le véhicule d’Urbain Pierre Dangnivo. Où se trouve aujourd’hui le véhicule ? Qu’en a-t-on fait ?
Toujours est-il qu’à l’étape actuelle, seule une autopsie et des tests ADN peuvent confirmer ou infirmer si c’est le corps du disparu du 17 août passé. C’est d’ailleurs ce qu’a laissé croire le ministre de la justice. Mais patatras ! Moins de deux heures après, le Procureur de la République informe la population que le corps exhumé est celui de Dangnivo. On se demande bien sur la base de quelle preuve ? A-t-on déjà fait l’autopsie et les tests d’ADN ? La réponse est assurément non. Puisque le Chef de l’Etat a reçu dans la même soirée l’Ambassadeur de France à qui il a demandé la mise à disposition d’un médecin légiste pour élucider l’affaire. A ce niveau aussi, il faut noter l’intrigante présentation de condoléances d’Hervé Besancenot à la famille d’Urbain Dangnivo. Autrement, c’est qu’il est aussi sûr que le corps exhumé est celui de ce dernier. S’il en est ainsi à quoi vont servir encore des tests d’ADN et peut-être le médecin légiste qu’il veut faire venir ?
Le profil idéal du supposé meurtrier
A en croire le ministre Akoffodji, c’est le meurtrier d’Urbain Dangnivo serait son charlatan de 25 ans et deux fois repris de justice. Plusieurs questions s’imposent alors. A quand remonte le dernier séjour en prison du sordide individu ? Quels sont les motifs qui l’ont conduit en prison ? Purge-t-il totalement ses peines avant de sortie ? Quel est son état mental ? Qui l’a mis en contact avec Dangnivo ? Avait-il besoin d’attenter physiquement à la vie de son supposé client alors même qu’il pouvait lui administrer des potions mortellement lentes ? Comment comprendre que ce présumé meurtrier n’ait pas pris la fuite vu l’ampleur de l’affaire alors même qu’il est un repris de justice? Autrement un homme averti. Qu’est-ce qui lui adonné l’assurance d’attendre ? Le silence de la Justice quant à la somme perçue par le macabre personnage intrique également. Combien a-t-il déjà pris ? Sinon un homme aussi expérimenté dans le domaine des crimes puisque récidiviste selon le ministre de la justice, pouvait-il juste sur la base d’une simple promesse accomplir une tâche aussi basse et compromettante ? De même, silence radio sur les complices et les présumés commanditaires. D’où la question de savoir si le show médiatique de lundi et la représentation plein d’hier n’a pas permis aux complices de s’enfuir ? Autant donc de questions qui demeurent sans réponse.
Nécessité d’une expertise indépendante
Face à tout ceci, si la famille Dangnivo désire connaître la vérité et donner une sépulture à Urbain Pierre, la solution passerait par une commission d’experts internationaux. Car, la manière dont le dossier est conduit depuis lundi, donne l’impression que comme les parents, la presse et les syndicalistes réclament un corps, il faut leur en donner un pour avoir la paix. Surtout que les syndicalistes ont promis marcher à travers tout le pays. Il est possible que le corps exhumé lundi soit celui d’Urbain Pierre Dangnivo. Mais alors la procédure est bancale et ne cessera d’enfler la polémique.
Une autre question aux mystiques, selon tout calcul fait, le supposé corps de Urbain Pierre Dangnivo est exhumé le 41ème jour après sa disparition. La question est de savoir la signification mystique que cela cache.
Benoît Mètonou