C’est au moment où on s’y attend le moins – à quelques mois de la fin du mandat de son potentiel mentor politique Boni Yayi – que Pascal Irénée Koupaki, ministre d’Etat chargé de la coordination de l’action gouvernementale, décide de forcer la porte de son destin politique. Le week-end dernier donc, il est coopté à la tête de l’Udbn (Union pour le développement d’un Bénin nouveau) créée il y a six mois par sa collègue de l’artisanat et du tourisme, Claudine Prudencio.
L’homme qui, jusque là a pris de la hauteur par rapport à la politicaillerie ambiante, s’est enfin résolu à faire la politique. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit-on. Et le voilà donc en politique, comme une pluie de contre saison. Sans trop tarder, il doit se jeter à l’eau. Selon des sources très crédibles, Koupaki sera le candidat de ce parti pour l’élection présidentielle de 2011. Pour ceux qui côtoient l’homme, cela ne lui ressemble pas trop. Surtout que ce parti né il y a juste six mois ne lui garantit pas certainement une victoire en 2011. Alors, a-t-il été contraint ? Si l’on ne peut jurer de rien, on constate au moins que l’Udbn est composée de très proches collaborateurs du Chef de l’Etat. La Directrice de cabinet civil Madame Véronique Brun Hachemè, et Claudine Prudencio, ministre au Gouvernement de la république entre autres. On peut donc comprendre que Koupaki a été envoyé en mission par son mentor Boni Yayi qui l’a fait numéro deux du gouvernement depuis qu’il est au pouvoir le 06 Avril 2006. Comment en est-on arrivé là ? Selon une source proche du ministre Koupaki, celui-ci s’est toujours gardé de se mêler à la politique. Mais entre temps, les données ont changé. La menace de l’Union fait la nation (Un) a commencé à donner de l’insomnie à Yayi qui, désemparé, a consulté très tôt son prédécesseur le président Kérékou. Ce dernier, selon nos sources, l’aurait conseillé de tout faire pour dynamiter cette union ou le fragiliser tout au moins s’il veut se donner un peu de chance pour 2011. Il faut utiliser les cartes à sa disposition pour fragiliser cette coalition qui a une forte assise dans la zone méridionale du pays. C’est alors que Yayi décide de sortir son joker : Pascal Irénée Koupaki, l’homme qui gère les « dossiers chauds » du gouvernement, le technocrate bon teint très adulé par les syndicalistes et maints Béninois qui lui vouent admiration. C’est le bon profil, selon les conseillers de Yayi, qui puissent permettre de rallier les indécis, les partisans de l’Un qui n’aiment pas le candidat unique Houngbédji et les membres de la mouvance présidentielle déçus par les erreurs répétitives du président Yayi. La candidature de Koupaki pourra permettre de capter ces voix qui se reporteraient à son mentor au second tour. Yayi aurait donc poussé Koupaki à embrasser une carrière politique. Il l’a présenté comme son dauphin qui devra prendre sa place s’il n’est pas là et qui doit s’engager politiquement dès maintenant. Ainsi dopé psychologiquement, il lui montre le chemin de l’espoir. Aller aux élections et rester dans le peloton de tête afin de peser lourd au second tour.
Les soutiens et la machine Udbn
Pour l’aider, le président Boni Yayi donne des instructions pour qu’on le case politiquement. Le ministre Koupaki a surfé sur ses relations, ses origines. Et c’est ainsi que l’Udbn s’est imposée à lui. En effet, ce parti n’est que le bras politique du richissime homme d’affaires bénino-gabonais Samuel Dossou, compagnon et ami personnel du président Boni Yayi à qui va être concédé l’Ocbn et qui a en charge la construction du port sec de Parakou et d’autres projets du gouvernement en relation avec la Chine et l’Inde. Il dispose aussi d’un réseau très puissant en France, en Suisse et au Gabon où il a ses entrées chez Ali Bongo Ondimba dont la fille s’est mariée tout récemment avec le fils de Samuel Dossou. L’Udbn peut aussi compter sur Patrice Talon et sur le président Zinsou, le parrain politique de Claudine Prudencio, la vice-présidente de ce parti. Si elle arrivait à être confirmée pour l’élection présidentielle, la candidature de Koupaki pourra fait effet boule de neige et convaincre des milliers d’indécis, de gens toujours à la recherche de nouvelle tête. C’est cela l’électorat virtuel de Koupaki. Reste que les erreurs de Boni Yayi lui seront vraiment préjudiciables pour avoir été son collaborateur direct.
Le piège qui guette Yayi, Houngbédji et bio Tchané
Mais la candidature de Koupaki pourrait s’avérer comme une menace pour celui même qui l’a lancée. En effet, selon des informations recueillies de plusieurs sources et souvent concordantes, Koupaki nourrissait l’ambition de briguer la magistrature suprême bien avant que son patron ne le lui recommande. Des proches à lui l’auraient demandé et depuis 2008 lui-même n’a pas manqué d’envisager cette nouvelle carrière. Et même s’il ne l’a pas manifesté officiellement, il y a réfléchi personnellement. Selon les mêmes sources, deux raisons majeures étaient à la base de cette motivation. Il a été vraiment éprouvé et profondément marqué par la conspiration ourdie contre lui par certains de ses collègues ministres qui voulaient le voir partir du gouvernement à la suite de la privatisation de l’outil industriel de la Sonapra. Mais depuis, il aurait aussi émis le vœu de prendre ses distances avec Yayi au regard des erreurs de celui-ci et se serait plaint plusieurs fois à un ancien président de la république. Dans ces conditions alors, l’on se demande si Yayi n’est-il pas en train d’offrir à Koupaki l’arme qu’il va utiliser après pour le finir ? Car, aujourd’hui, personne n’est sûr du choix qui peut être le sien au second tour en 2011. Il n’est pas moins une menace pour Houngbédji dont il peut prétendre à l’électorat du Sud ; de même pour Bio Tchané avec qui il a le même profil presque, ce qui pourrait faire douter certains admirateurs du président de la Boad. (à suivre)
Marcel Zoumènou