Le régime de Boni Yayi gère de plus en plus mal les crises et autres scandales qui secouent le Bénin depuis son avènement en 2006. Face à un nouveau problème, les mêmes erreurs et les mêmes gaffes….
Le présumé corps de Urbain Dangno, retrouvé lundi dernier dans un quartier périphérique de Cotonou, suscite de vives réactions dans le pays. Les débats se font rages sur la sincérité des opérations ayant abouti à cette découverte. De plus, certaines voix s’élèvent davantage pour contredire le gouvernement de Boni Yayi qui a affirmé lundi sur les lieux d’exhumation, que ce corps était bel et bien celui de Dangnivo. Même si le ministre de la justice, Grégoire Akoffodji qui donnait cette confirmation, laisse échapper quelques réserves, en attendant les tests nécessaires, dit-il ; le procureur de la république, se fera encore plus affirmatif à travers un communiqué de presse, au point de présenter déjà des condoléances à la famille éplorée.
La contradiction autour du présumé corps de Dangnivo est ainsi entretenue dans les arcanes du pouvoir. Cerise sur le gâteau, le Chef de l’Etat, lui-même vient remettre en cause, les déclarations de son ministre et du procureur de la république, en commettant d’urgence un expert français pour procéder à l’autopsie du corps, en vue de lui attribuer sa véritable identité. Tout le pays s’en indigne, à l’évidence. A commencer par la famille et le village de Dangnivo, qui ont vivement manifesté ce mercredi à Sè, leur localité, en bloquant la route inter-Etats pendant des heures. Côté syndical, les réactions sont encore plus bruyantes avec la gigantesque marche de protestation annoncée ce vendredi dans la ville de Cotonou.
Les méthodes à la « Yayiste »
A l’analyse, l’affaire Dangnivo démontre de manière excellente, comment le régime de Yayi gère les grands dossiers de l’Etat. Cafouillages, confusions et improvisations s’enchaînent au rythme de l’évolution des données. C’est à croire qu’il n’y a pas un fil conducteur qui guide les uns et les autres. La dispersion des énergies et des actions diverses font entorse au crédit que mérite un acte gouvernemental de haute portée. L’affaire Dangnivo est si délicate et si sensible que le gouvernement devrait éviter d’en faire une action de propagande de ses capacités à gérer le pays. La « grossière mise en scène » offerte ce lundi aux Béninois, dans le quartier Womey, d’Abomey-Calavi, où se déroulait l’exhumation du prétendu corps de Dangnivo, laisse un arrière-goût sur les méthodes à la « Yayiste ». Pourquoi a-t-on déployé tant de personnalités et tant du monde sur un terrain d’enquête qui n’a pas encore livré tous ses résultats ? La meilleure manière ne consisterait-elle pas à organiser l’opération dans la plus grande discrétion, à s’assurer de la fiabilité des éléments d’enquête avant d’en informer le peuple ? Comment comprendre que cette exhumation, ait pu être considérée comme une grande parade officielle, alors qu’il s’agit ici d’une vie humaine en décrépitude ? Des questions se posent indéfiniment.
Intrus ou mauvais président ?
« L’intrus ne connaissait par la maison » intitula, le journaliste Edouard Loko, dans un livre consacré à Boni Yayi. Dans son dernier discours à la Nation, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, le Chef de l’Etat abdiquera, confirmant qu’effectivement, « l’intrus ne connaissait pas vraiment la maison ». Certains en ont rigolé dans la foulée, non sans cacher aussi leur déception. Le désaveu est en tout cas palpable chez cet homme pourtant élu président de la république en 2006, avec un mémorable score de 75 % des voies. Plus de 4 ans, le bilan est loin de convaincre en dépit des exploits réalisés ça et là. L’homme multiplie les erreurs et les gaffes au fur et à mesure qu’il exécute son mandat. Avant l’affaire Dangnivo, la plus récente et toujours d’actualité est celle dite « Icc services et consorts ». Ici également, le régime de Yayi s’est éparpillé dans des mesures et décisions tordues et peu fiables. S’il faut reconnaître certaines prouesses réalisées (arrestations, limogeages, saisie de biens et autres), le régime de Boni Yayi ne se dédouane pas pour autant de sa propre implication dans cette affaire. Des faits, actes et autres preuves existent, témoignant de ce que Yayi et les siens étaient bien conscients du caractère illégal, illicite et suspect, de l’exercice de l’activité du placement d’argent au Bénin, ces dernières années. Le pire, ils en auraient largement bénéficié, selon l’ex-ministre de l’intérieur, qui en payera le prix à travers son limogeage du gouvernement. Avec les nombreuses déclarations à controverses qui en ont suivi, cette affaire a tôt fait de prendre l’allure d’une guéguerre politique, dans laquelle, tous les coups sont permis.
Du reste, qu’il s’agit du secteur de l’éducation, de la santé, de l’agriculture ou encore du commerce ou encore des finances, les différentes crises vécues à ce jour sous Yayi, connaissent les mêmes chemins tortueux. Les commissions d’enquêtes se créent sur diverses questions pour ne jamais aboutir. Le Palais de la république s’étouffe de conseillers de tous les acabits. De nouvelles institutions de la république mises sur pied, laissent croire également qu’elles ne représentent que les ombres d’elles-mêmes, à l’exception du qualificatif « budgétivores » qu’on leur colle.
L’imbroglio est total dans le pays, aujourd’hui plus qu’hier. Les problèmes s’amplifient pendant que le régime de Yayi s’embobine davantage dans un désordre indescriptible au sommet de l’Etat.
Christian Tchanou