La méthode PICS de conservation du niébé sans insecticides chimiques

« La technologie la mieux adaptée aux conditions de nos paysans»
La saison du niébé est en cours et les paysans, pour certains, selon les régions agro-ecolologiques, rentrent actuellement leurs récoltes. D’autres vont bientôt s’y mettre. Tous autant qu’ils sont manifestent déjà leurs inquiétudes, surtout ceux qui n’avaient pas pris part aux opérations de vulgarisation de la technologie de conservation de niébé, celle dite du triple ensachage.

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Commencée l’année dernière, au Bénin et au Togo, la campagne de sensibilisation à l’adoption de la trouvaille par les communautés productrices de la légumineuse est en cours, pour une dernière saison. Pour marquer le lancement de la campagne media qui est dédiée à la technologie, Dr Dieudonné Baributsa de l’Université Purdue aux Etats-Unis, en sa qualité de coordonateur international du projet PICS a accordé une interview à votre quotidien. Il y expose de façon globale les tenants et aboutissants de l’ambition de la recherche scientifique de voler au secours des paysans-producteurs de niébé en lui apportant l’un des meilleurs outils du moment en matière de conservation de cette denrée alimentaire très prisée encore appelée «viande du pauvre».

LNT: Votre inspiration de développer la technologie vient de quoi?

Dr Dieudonné Baributsa:

Le grand problème dans la filière niébé c’est celui de la conservation. Les paysans se sont toujours plaints de leur mécanisme de conservation en disant que c’est ça qui les empêche de cultiver la légumineuse en grandes quantités. A partit de cet instant, l’Université Purdue, en collaboration avec les institutions de recherche en Afrique de l’Ouest et centrale particulièrement l’Institut de Recherche agricole pour le Développement (IRAD) à Maroua au Cameroun  ont commencé à travailler sur la technologie du tripe ensachage. Cette technologie s’est appuyée sur les méthodes traditionnelles, par exemple, l’utilisation de la cendre pour conserver le niébé grâce au système de fermeture hermétique. C’est sur cette base que nous avions commencé déjà à développer notre technologie. Celle-ci a évolué a travers l’utilisation des fûts métalliques, des bidons et nous en sommes arrivés à la technologie la plus raffinée et la plus simple du moment, celle qui facilite la conservation du niébé.

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En votre qualité d’économiste, comment évaluez-vous la rentabilité de l’utilisation de ladite technologie?
Nous avons même envisagé au-delà de la rentabilité économique. Nous y voyons différents bénéfices. Il y a un bénéfice lié à la santé. Vous les connaissez tous, nos braves paysans. Ils utilisent beaucoup de produits  chimiques qui ne sont pas appropriés pour les cultures alimentaires encore moins bons pour la santé avec des conséquences néfastes sur leur vie. Il y a un bénéfice économique: au lieu de brader sa récolte quand les prix sont à leur bas niveau, le producteur a la possibilité et la flexibilité de pouvoir attendre cinq à six mois, juste avant les semis de la saison suivante, pour doubler ses gains. La technologie en elle-même est moins chère et est un ensemble de trois sacs appelés Pics, d’un cout un peu supérieur à 2 dollars américains ou 1100F Cfa.

Quelle garantie ont les paysans que c’est vraiment la meilleure technologie du moment?
Nous avons concentré nos efforts en Afrique de l’ouest et centrale pour certaines raisons.  Première raison, c’est que la grande production du niébé revient à l’Afrique de l’ouest et à l’Afrique centrale. Par exemple, le Nigeria est le plus grand producteur de niébé au monde, avec  a lui tout seul plus de 60% de la production africaine de cette denrée. A partir de cet instant, nous nous sommes dit que nous pouvions mettre nos efforts là où il y a la plus forte production afin d’aider à stimuler les marchés. Car l’objectif du projet en réalité est d’aider les acteurs de la filière à pouvoir donner de la valeur à leurs récoltes; les aider à pouvoir se servir des sacs PICS afin que, si les prix sur le marché sont élevés, ils puissent vendre leur niébé pour augmenter leurs revenus.
La technologie en elle même est l’une des meilleures; nous n’oserons pas dire qu’elle est la meilleure. Mais dans les conditions de moyens de nos petits producteurs, elle est la meilleure du moment, tous critères confondus: elle permet de stocker 100, 200, 300, 500kgs sans faire dépenser beaucoup d’argent. Et comme on n’utilise pas de produits chimiques avec les sacs à triple fond, le niébé peut être stocké à domicile et a l’intérieur des maisons. Mais si vous utilisez une autre technologie, par exemple, les produits chimiques, vous serez condamnés à éloigner vos stocks de la maison. La performance de la technologie vise à priver les insectes de l’air par la fermeture des sacs. A la fermeture du sac, il y a une manière de minimiser la quantité de l’air y contenu, de sorte que les insectes ne sont pas capables de respirer ni de s’y reproduire. Ils ne peuvent donc pas détruire le niébé du producteur qui a pris ses dispositions en utilisant la technologie PICS.

Peut-on aussi se servir des sacs Pics pour conserver d’autres cultures
notamment les céréales comme le maïs, le mil… ?
Jusque là, nous n’avons développé la technologie que pour le niébé. Parce que c’est à ce niveau qu’il y avait urgence. C’est parce le niébé se retrouve beaucoup plus fréquemment dans le commerce que cela valait la peine de s’y intéresser; c’est aussi parce qu’il y a un important revenu que les acteurs impliqués dans la filière niébé peuvent avoir en investissant peu dans la technologie. Par rapport aux autres cultures, nous sommes très formel:, nous n’avons pas encore fait de recherches liées  à l’utilisation des sacs PICS actuellement disponibles que pour le niébé. Mais certains producteurs pilotes ont essayé la chose sur le voandzou et ça a marché, ont-ils dit. Donc pour les légumineuses, nous pensons que la technologie peut marcher. Mais jusque là, nous n’avons pas encore de données scientifiques pour valider les observations des producteurs quant à l’utilisation de la technologie PICS sur d’autres cultures.

Nous venons juste d’initier la recherche quant a l’utilisation des sacs PICS pour la conservation
d’autres cultures comme le maïs, le sorgho et le blé. Nous continuons donc à explorer pour voir si les mêmes sacs peuvent servir à conserver plusieurs cultures. Et si nous arrivons, un jour, à trouver que les
sacs peuvent être utilisés pour la conservation d’autres cultures, ça serait un avantage de plus pour les producteurs.

Un an après la mise en route du projet, quelle évaluation pouvez-vous en faire?
L’évaluation pourrait être qualifiée de très positive. Parce que quand nous avions eu à interagir avec les agents impliqués dans la vulgarisation de la technologie, comme l’IITA et les CeRPA au Benin et l’ITRA au Togo, nous nous sommes aperçus de l’engouement qu’il y a eu au tour de la technologie. Les producteurs ont vu comment la technologie marche. Nous leur avons laissé cinq sacs, par village, pour qu’ils essayent eux-mêmes la technologie. Cela s’est déroulé dans à peu près 950 villages au Bénin, et dans toute cette expérimentation, il n’y a eu aucun problème. La technologie a marché comme elle se
devait. Donc les perspectifs sont vraiment positives et les paysans sont très contents de la performance des sacs PICS. Et moi je dirai que les choses marchent comme nous les avions pensées.

Et quelles sont vos autres perspectives à cette étape de la vulgarisation?
Les perspectives sont encore grandes. Ce que nous envisageons est d’informer chaque producteur de niébé, toute personne impliquée dans la filière niébé tels que les grands commerçants du niébé doivent être informés de la technologie PICS. En cela, nous faisons confiance aux médias pour nous aider à diffuser nos messages. Nous avons planifié, a cet effet, pour cette année des activités de démonstration au niveau des grands marchés où se vend le niébé. Il y a des villages où nos agents doivent aller continuer le renforcement notre campagne de sensibilisation et de démonstration afin que d’autres producteurs puissent tester la technologie et voir comment ça marche.

Votre objectif inavoué ne serait-il pas de faire disparaitre à terme l’utilisation des produits chimiques? Si oui, êtes-vous optimistes d’y arriver un jour?
Notre objectif n’est nullement de chercher à éliminer les produits chimiques. Nous savons que les produits chimiques ont leurs rôles dans la conservation des cultures, si ces produits sont bien utilisés. Mais le problème est que chez nous ici au Bénin, les producteurs ne savent pas bien utiliser ces produits chimiques dont vous parlez. Récemment, par exemple, nous avons tous appris qu’il y a eu des cas de décès dans le nord, à Tchaourou et à Malanville, suite à la consommation de céréales parce que les gens n’avaient pas bien utilisé les produits chimiques. Donc, si on peut leur apporter un outil de conservation comme le sac à triple fond avec l’utilisation duquel ils n’ont plus besoin de produits chimiques, un outil sans risque, sans danger,  je pense que c’est plutôt une bonne chose.

Pourquoi n’irez-vous pas au bout de votre démarche et assumer de vouloir éradiquer l’utilisation des produits chimiques?
Ce que je peux dire à ce propos, c’est que le projet PICS-IITA a ses limites. Par exemple, si quelqu’un veut conserver 50 tonnes de niébé, quelquefois c’est difficile. Car, s’il faut refermer des sacs de 100 kg jusqu’à obtenir 50 tonnes, c’est quelquefois pénible. Il y a d’autres méthodes de stockage à grande échelle. Et pour ces quantités là, des fois on a besoin d’utiliser les produits chimiques et dans la
plupart des cas, il s’agit de gens qui ont la connaissance et la maîtrise de l’utilisation de ces produits pour savoir minimiser les risques de danger pour la santé humaine. C’est pourquoi nous disons qu’au niveau des petits paysans qui  produisent 100, 200, 300 kg, voire 2 à 3 tonnes, c’est vraiment conseillé  d’éviter les produits chimiques parce que la plupart ne savent pas comment  les utiliser. Nous
pensons qu’il y a encore de la place pour les produits chimiques, surtout, par rapport aux grands stocks où les gens ont des difficultés à mettre le niébé dans des sacs de 100 kg.

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