Plus d’un an déjà que les examens sont bloqués au niveau des huissiers. A l’origine, la volonté du ministre de la justice d’alors de faire participer contrairement aux dispositions légales en la matière, un candidat qui ne remplit pas les conditions. Au-delà de tout ce qui a pu être fait pour rendre cela possible, le ministre a adressé une lettre à la présidente de la chambre des huissiers en lui enjoignant de modifier l’article 35 du règlement intérieur qui rendait impossible la participation au concours de son protégé. Une injonction à laquelle la chambre des huissiers s’est opposée. (Voici cette fameuse lettre qui est à l’origine du blocage).
République du Bénin Cotonou, le 11 Mars 2009
Ministère de la justice de la législation et des droits de l’homme
Cabinet du ministre
Secrétariat général du ministre
Direction des affaires civiles et pénales
Service des professions juridiques et judicaires
Le garde des sceaux, ministre de la justice, de la législation des droits, porte parole du gouvernement.
A
Madame le Président de la Chambre nationale des huissiers de justice
Cotonou
N° 818 Mjdlh/Cab/Sgm/Dacp/Spjj
Objet : Modification de l’article 35 alinéa 1 du règlement intérieur de la chambre nationale des huissiers de justice
Madame le Président,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance ce qui suit :
L’article 35 du règlement intérieur de la chambre nationale des huissiers de justice approuvé le 17 décembre 2007 dispose :
« « La durée de stage est de 03 ans non discontinus dans une étude d’huissier de justice sur le territoire national. A la fin de la première année, le stagiaire prête serment et acquiert la qualité de clerc assermenté.
Deux années après, il acquiert la qualité de premier clerc après attestation délivrée par le bureau de la chambre nationale des huissiers de justice sur proposition de stage.
La fin du stage est sanctionné par un certificat délivré au stagiaire par le président de la chambre nationale des huissiers après décision du bureau ».
Or, l’article 11 alinéas 3 et 4 de la loi n° 2001-30 du 08 septembre 2005 portant statut des huissiers de justice dispose :
« a qualité de clerc assermenté, tout employé d’un cabinet d’huissier de justice qui, après trois (03) ans de cléricature non discontinue, prête le serment professionnel prévu à l’article 9 de la présente loi.
A qualité de premier clerc, tout stagiaire aux fonctions d’huissier de justice remplissant les conditions définies aux articles 24 et 25 de la présente loi et ayant accompli deux (02) ans de collaboration non discontinue. »
L’article 35 du règlement intérieur ainsi qu’il est libellé semble restrictif en ce qu’il pourrait écarter de la compétition à l’examen professionnel d’huissier de justice des candidats qui auraient reçu leur formation à l’extérieur du territoire national.
Les conditions générales d’aptitude prévues par la loi notamment en son article 24 ont trait aux garanties professionnelles qui tiennent à la profession d’un diplôme universitaire, à l’accomplissement d’un stage professionnel d’un délai de trois (03) ans sanctionné par une attestation de la qualité de premier clerc et à la réussite à l’examen professionnel d’huissier de justice.
L’examen professionnel d’huissier de justice est alors ouvert à tous les nationaux présentant ces garanties professionnelles dont l’accomplissement au stage professionnel. Peu importe que la formation professionnelle ait été reçue ailleurs ou sur le territoire national. Il n’y a pas lieu d’opérer de distinction là où la loi ne distingue pas.
Par ailleurs, aux termes d’une part, de l’article 98, 6ème tiret de la Constitution, sont du domaine de la loi les règles concernent le statut des officiers ministériels et des auxiliaires de justice et d’autre part, de l’article 100 alinéa 1 de la même Constitution, les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère règlementaire.
Il en découle que le règlement intérieur est donc un acte règlementaire. A ce titre, il ne saurait s’affranchir de cette délimitation des compétences en cantonnant le lieu du stage professionnel au territoire national et ce, dans un domaine réservé au législateur ; autrement, le règlement intérieur aurait la même force juridique que la loi à laquelle il doit se conformer sans la contredire ou la restreindre.
En sus, l’article 35 alinéa 1er du règlement intérieur viole le principe d’égalité devant la loi qui assure le même traitement à tous ceux qui remplissent les mêmes conditions légales, lequel principe est prévu par les articles 26 alinéa 1 de la Constitution et 3 point 1 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui disposent respectivement :
Article 26 alinéa 1 de la Constitution : « L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale ».
Article 3 point 1 de la Charte Africaine des Droits de l’homme et des Peuples : « Toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi ».
En effet, ce principe d’égalité régit l’accès au service public et domine le régime du concours, l’huissier de justice étant considéré comme « un délégataire du service public ».
C’est à la lumière des observations ci-dessus faites que je vous saurais gré des dispositions diligentes que vous voudriez bien prendre pour faire modifier le règlement intérieur de la chambre nationale des huissiers de justice en son article 35 alinéa 1er par la suppression du groupe de mots « sur le territoire national ».
Je vous prie de croire, Madame le Président, à ma considération distinguée.
Victor Prudent Topanou
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