« On ne reçois pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner ».
Ainsi que l’a si bien pensé Marcel Proust, le Président Boni YAYI et la célèbre et respectable figure de l’histoire de notre pays qu’est le Roi GHEZO sont deux personnages de deux époques différentes ayant chacun capitalisé sur les réalités de son temps. Alors, cela devrait paraître tout à fait normal et même naturel que chacun des deux personnages, en fonction des expériences qui sont les siennes, dégage son symbole ou sa sagesse.
C’est pourquoi nous avons du mal à comprendre qu’au lieu d’observer un recul pour juger le contenu de la pensée, l’option choisie a été de se jeter dans des analyses visant à opposer les pensées et les options d’un célèbre personnage qui a forgé sa philosophie sur les expériences et le contexte de son temps à celles d’un autre personnage qui vit ses propres expériences contemporaines plus de deux siècles après, et qui fort de celles-ci, a choisi aussi de plein droit, de bâtir sa philosophie.
En effet, nous n’avons pas été contemporain au célèbre Roi GHEZO mais nous pensons que si en son temps, il a retenu la jarre troué comme le symbole d’appel à l’Unité Nationale, c’est bien parce qu’il a bien apprécié la mentalité de l’époque pour en tirer la conclusion que la probabilité est très forte que tous ceux qui viendraient à l’appel fassent de tout leur mieux pour ne point laisser couler la moindre goûte d’eau. Nous pensons que nous ne nous trompons pas d’hypothèses car le pari de l’Unité Nationale qu’il a pu réaliser autour de la révolution verte en est une des illustrations parmi certainement tant d’autres que nous ne connaissons pas parce que n’étant pas historien de profession mais Economiste Financier.
Parallèlement, Boni YAYI vit une autre époque et à sa manière, il a dû apprécier la mentalité des gens, à commencer certainement par ses plus proches et il pense que si le même appel devrait continuer à exister, une probabilité très forte existe que des gens répondent à l’appel mais laissent intentionnellement couler l’eau soit pour faire mal ou soit pour se donner les moyens de la laper. Il pense que le Bénin de son époque a une sociologie particulière qui n’est certainement pas la même que celle du respectable Roi GHEZO. Au regard de tout ceci, Boni YAYI pense certainement qu’il est plus sûr de lancer un appel où chacun vient avec un bout d’argile pour construire une nouvelle jarre plutôt que d’inviter les gens à venir simplement avec leurs doigts que certains pourraient retirer à dessein une fois que l’eau sera versée dans la jarre. Si cette hypothèse n’était pas valable au temps du Roi GHEZO, le sens de l’objectivité devrait nous amener à reconnaître qu’elle l’est aujourd’hui et beaucoup de faits contemporains l’attestent. Il suffit juste de faire une petite appréciation de notre façon d’être à commencer par nous-mêmes.
Nous ne sommes pas certainement le mieux placé pour parler au nom de Boni YAYI. Mais le recul que nous prenons (comme tout scientifique aurait pu le faire) pour procéder à une analyse critique de sa pensée nous amène à en déduire que c’est tout sauf la remise en cause de la philosophie du Roi GHEZO. Il s’est agit plutôt d’une nouvelle philosophie venant d’un personnage qui ose réfléchir pour soulever les grandes questions de son époque. Malheureusement, la vérité qui normalement est universelle tend à ne plus l’être désormais et l’on a tendance a prendre pour mauvais tout ce qui vient des autres au point d’en faire les utilisations même des plus machiavéliques possibles (même si nous reconnaissons que Machiavel dans ses pensées n’a pas été mauvais sur tout les plans).
Il est alors question d’apprécier la pertinence de l’idée et de voir si réellement, cela colle plus à la réalité telle que vécue à notre époque. Si c’est le cas, c’est que cela devient la marque de Boni YAYI comme la jarre trouée reste et restera celle du Roi GHEZO. Cette démarche nous paraît plus responsable dans un Etat où la liberté de pensée existe et où toute opinion quel que soit son auteur mérite respect. Une telle démarche nous paraît aussi plus scientifique dans la mesure où avant le Roi GHEZO, il y a eu des Rois qui avaient opéré des choix philosophiques à travers des symboles de leur conviction mais la préférence du Roi GHEZO par la suite, pour la jarre trouée n’a pas été interprétée comme une remise en cause et un désaveu de celle de ses prédécesseurs car il a fondé sa philosophie sur ses expériences telles qu’il les a vécues. Mais c’est ce que l’on se refuse malheureusement de concéder à Boni YAYI.
La pérennisation de la philosophie de l’appel à l’Unité Nationale prônée par le Roi GHEZO passe aussi par la disponibilité de tous à respecter l’opinion des autres sans s’empêcher de les apprécier (une démarche d’appréciation critique étant différente d’une démarche visant à créer un conflit intergénérationnel par l’opposition de courants de pensées séparés par des siècles d’existence) et à faire des débats non passionnés. Ceux qui passionnent le débat sur ce sujet doivent alors avoir l’humilité de reconnaître qu’ils sont sans le savoir les principaux auteurs de la remise en cause de la philosophie du Roi GHEZO car les manipulations et récupérations tous azimuts observées sur cette question sont à l’antipode des principes cardinaux de l’Unité Nationale pourtant souci majeur de ce dernier. Quant à Boni YAYI, il a, à notre avis, le plein droit de penser aussi sa philosophie sur la base de ses expériences telles qu’il les vit dans le Bénin d’aujourd’hui, hier royaume de Danhomè. C’est à nous de juger de sa pertinence pour nous en servir au besoin, des années après comme symbole.
Nous savons déjà que cette réflexion indépendante fera l’objet de plusieurs interprétations. Mais nous restons cependant convaincus que des personnes éclairées trouveront sa pertinence même si nous n’ignorons pas qu’elle a des limites certaines que des analyses de personnes responsables indépendantes et non passionnées pourraient rehausser enfin le niveau du débat. Boni YAYI ayant eu le mérite d’ouvrir cette réflexion qui devrait plutôt susciter des questionnements profonds sans parti pris en nous au lieu d’en faire une polémique, c’est sa façon de lancer un nouvel appel (pour ne pas dire un appel actualisé) à l’Unité Nationale et à la construction de notre cher pays.
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