Le Rwanda d’aujourd’hui

Si vous croyez que tout État africain est voué à la médiocrité, la saleté, la corruption, la mauvaise gouvernance, l’insécurité et à tous les fléaux d’incompétence et de nullité qui caractérisent l’Afrique, il faut visiter le Rwanda de Kagamé. Je viens de participer à une réunion internationale à Kigali et tous les délégués africains n’en croient pas leurs yeux. Tous s’émerveillent devant une ville africaine propre (littéralement à la suisse), sans trottoirs défoncés, ni détritus jonchant la chaussée. Une cité africaine desservie par de belles routes et larges avenues sans cratères béants, une voirie embellie de fleurs et de verdure ?

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Je retire tout le mal que je me plaisais à opposer aux superlatifs burundais et africains encensant le Rwanda. Je mettais toute cette extase sur le compte de la propagande. Une jeune Congolaise venant de Kigali en transit à Nairobi me disait qu’elle n’en revenait pas et qu’elle regrettait que les troupes rwandaises aient quitté le Congo sans leur apprendre la discipline, la bonne gestion et la propreté. Bah ! Les jeunes filles sont impressionnables, me disais-je.

 

Une femme d’affaires kenyane, rencontrée en avion hoche de la tête de retour de Kigali. Elle est totalement impressionnée. Ses compatriotes ont bien compris. Deux mille professionnels kenyans exercent désormais leurs compétences dans tous les secteurs notamment l’hôtellerie. Le pays engage les hauts cadres par appel d’offres international car ils ne lésinent pas sur les moyens pour attirer les talents. Les grosses entreprises kenyanes y investissent. La chaîne kenyane de supermarchés Nakumatt y est installée. Un kenyan gère le superbe hôtel 5 étoiles Kigali Serena. Ses compatriotes dirigent les nombreux hôtels de Kigali avec tout le lot de cadres et techniciens spécialisés qui vont avec.

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Le Burundi, doté par la providence d’une ville des plus belles au monde, avec une véritable mer intérieure qu’est le lac Tanganyika, une vue imprenable sur les montagnes bleues du Congo, ne reçoit aucun touriste pendant que des milliers visitent notre frère jumeau. Cette capitale Bujumbura, si elle n’était pas aux mains de Burundais, serait un bijou que le monde entier visiterait. Je ne connais aucune ville qui a autant d’atouts en termes de beauté. C’est la seule ville qui a l’air de respirer car ouverte sur un panorama saisissant. Les autres villes sont plates et l’on ne voit rien. La simple vue du lac et des majestueuses montagnes qui l’entourent et cela de tous les horizons de la cité vous saisit d’admiration. Le coucher et le lever du soleil sur Bujumbura sont des fêtes de la création divine.

Des avions atterrissent au Rwanda pleins. Lorsque votre vol transite par Kigali les aéronefs se vident d’un coup et les 3 ou 5 Burundais qui restent se demandent ce qui leur arrive. Il n’y a aucune industrie au monde qui rapporte autant que le tourisme en termes de revenus, de création d’emplois et d’effets induits sur tous les secteurs d’activité : agriculture, élevage, services, TIC, transport, métiers, artisanat etc. Le Rwanda a compris et exploite le créneau avec brio. Pendant ce temps, le Burundi regarde passer le temps en buvant de la bière. La principale activité nationale. Une bière produite par la seule et unique industrie dont il dispose. Peut-on développer un pays sans industries ni le commerce moderne des services comme le tourisme ?

Le Rwanda est premier en technologie de l’information et de la communication en Afrique subsaharienne. Tout le pays est déjà câblé par fibre optique et Internet sera bientôt à haut débit comme dans les pays développés. Il ne reste que la mise en service. Les enfants de l’école primaire disposent des fameux ordinateurs des pauvres à quelques dollars et ont accès à Internet dans tout le pays. Encore de la propagande avais-je coutume de dire. Je sors de l’aéroport à mon arrivée. Un groupe de 5 enfants sont recroquevillés sur leurs petits laptops (ordinateurs portables) tout absorbés à la manière des nôtres jouant aux billes dans la rue poussiéreuse. Je demande ce qu’ils font. Ils viennent chercher la connexion Internet sans fil. Vous trouvez en ville des centaines de gens penchés sur leur laptop à naviguer sur le web sans fil.

C’est maintenant que je comprends tout le prestige mondial dont jouit Kagamé. Pour une fois en Afrique, les leaders occidentaux ont en face un homme qui sort de la médiocrité africaine habituelle. Son prestige est tel que le brillantissime Tony Blair, ancien premier ministre britannique s’est porté volontaire pour servir de conseiller de Kagamé à l’investissement. Et les investisseurs viennent par centaines. Plusieurs grands hôtels sont en construction. Un Hilton est prévu pour bientôt. Un investisseur américain est en train d’ériger un immense centre de conférences ultramoderne. Les investisseurs chinois et indiens s’y bousculent.

J’ai tenu à envoyer la rétraction de mes propos peu avenants à un ami rwandais de Lusaka à qui je disais souvent lorsque je voyais des commentaires dithyrambiques sur le Rwanda et Kagamé : « C’est de la propagande. You are a police state ». Et lui rigolait et rétorquait : « Vous au Burundi, you are a « no state ». Je préfère, me disait-il, un « police state » comme le Rwanda à un « no state » comme le Burundi ». Après avoir visité le Rwanda, je pars avec des sentiments mitigés. Le choix n’est pas facile entre « a police state » qui apporte le développement, l’excellence et la modernisation de la société et un « no state » démocratique, où la liberté d’expression est totale mais qui vit dans une saleté repoussante, le culte de la médiocrité, sans imagination et sans aucun avenir de progrès pour ses millions de jeunes avides d’éducation, de métier et d’emplois ?

Pendant que le Rwanda vise la croissance par les services, la valeur ajoutée et les technologies de l’information et de la communication, avec comme modèle de développement l’ultra brillante Singapour, notre unique politique à nous, est de planter des avocatiers. Non à la suite d’un plan mûrement préparé de production industrielle à exporter, avec création de milliers d’emplois et de valeur ajoutée, mais juste pour le plaisir de dépenser toute l’énergie à planter des avocatiers chaque jour que fait le Seigneur. Mon souffre-douleur rwandais me disait que l’on connaissait les républiques bananières, le monde découvre désormais une république « avocatière ».

Le modèle de propreté à la rwandaise devrait être imité dans toute l’Afrique en général et au Burundi en particulier. Est-ce impossible d’imposer à la population de Bujumbura la propreté totale comme on le voit à Kigali. Pourquoi ne pas interdire de jeter des immondices sur la voie publique sous peine d’une lourde amende ? Pourquoi ne pas imposer la propreté et l’entretien impeccable des trottoirs aux propriétaires des immeubles et maisons ? Il faut une éducation tous azimuts à l’hygiène et à la propreté. Contrairement à l’opinion répandue, les Burundais ne sont pas des ploucs réfractaires à l’excellence. Nous pouvons aussi adopter les habitudes d’une société moderne qui répugne à la saleté et au désordre.

Le Rwanda exige désormais aux populations le port de chaussures et la propreté des habits pendant que nous le peuple sommes habillés de haillons et couvert de crasse sans que cela ne gêne personne. Dans mon quartier de Mutanga Nord, l’axe central en face de l’hôpital militaire est jonché d’un immense tas d’immondices qui ne gêne ni les passants, ni les voisins, ni les excellences qui montent au mont Sion se confier aux bonnes grâces divines et mariales. Les bureaux publics se trouvent dans une crasse indescriptible et personne n’y voit rien à redire.

Tout procède du leadership comme le montre Kagamé et son Rwanda. Lors d’un sommet à Kigali, les délégués ont vu Kagamé descendre ramasser quelques malheureux papiers qui traînaient dans la salle, et l’assistance en a été édifiée. Dans cette East African Community, il faut espérer que les frères modernes et organisés comme le Rwanda et le Kenya vont nous tirer par le haut pour cesser de continuer à nous vautrer dans la saleté, la médiocrité et le sous-développement.

Puisque nous n’avons pas encore la fibre de progrès, de l’amour du travail et des affaires, laissez ceux qui ont le sens des affaires et de la modernité venir investir chez nous et développer le pays malgré nous. Il suffirait de créer un climat des affaires favorable et vous verrez les Kenyans, les Rwandais, les Ougandais, les Indiens et les Chinois, déferler avec des investissements.

A Kigali, la sécurité me dit-on est totale à toute heure de la journée et de la nuit. La police et l’armée patrouillent toute la nuit et les gens circulent en toute sûreté jusqu’au matin. Chez nous, la police elle-même constitue le danger de mort et de vol. Les gens et les taxi- motos circulent sans peur à toute heure de la nuit. Les touristes aiment cette ville au climat si doux, cette sécurité, la propreté de la ville, l’accès à Internet sans fil sur tout le territoire. Sans oublier des filles belles à damner même un saint homme comme moi. Ce qui ne manque pas d’attirer les touristes.

Kagamé pourra partir après le prochain septennat (si le virus Museveni de perpétuation au pouvoir ne l’infecte pas) mais il aura imprimé la voie à suivre pour tout État africain qui voudrait se moderniser. Il restera dans l’histoire comme Houphouët-Boigny qui a construit de rien, un État moderne et prospère avant que ses successeurs ne viennent détruire son œuvre de toute une vie. Là où Kagamé diffère de Houphouët, c’est qu’il n’a aucun complexe vis-à-vis des blancs comme le reste des Africains. Ce qui nous maintient dans l’éternelle dépendance néocoloniale. Le général qui a battu les Français sur le champ de bataille n’a aucun complexe envers les blancs.

Kagamé a de redoutables ennemis mais comme disait mon taxi, même ses détracteurs ne reviennent pas des progrès enregistrés en dix ans seulement. La haine imprègne toujours les tenants du nazisme tropical dont un me disait au Malawi que le prochain génocide sera pire que le précédent. Comme si l’apocalypse de 1994 ne leur a rien appris. La haine est plus forte que le bon sens. Les nostalgiques politico -missionnaires belges et français du nègre genre « Il-y-a-bon-banania » ou Tintin au Congo le détestent cordialement car le général Kagamé crève tous les mythes sur le nègre sale, paresseux et sans imagination.

Au lendemain de la victoire de l’armée de Kagamé sur les forces génocidaires, le commandant des forces de l’ONU, le général Dallaire eut des mots prémonitoires : « si le FPR dirige le pays comme il a fait la guerre, le Rwanda va décoller économiquement ». 15 ans après, le Rwanda est un modèle africain de propreté, de genre (plus de parlementaires femmes que hommes), d’innovation économique, de technologie de l’information.

À la victoire du FPR en 1994, les généraux de l’OTAN eux se sont étonnés du génie de Kagamé au point que le commandant de l’OTAN d’alors dira que la stratégie victorieuse de Kagamé devrait être enseignée dans les écoles de guerre. On ne savait pas que cet homme était aussi un génie politique, économique et technologique.

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