Sous le titre : Apc – Les Orientations générales au Bénin – l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation (Infre) a publié un document « conçu pour éclairer tout citoyen, tout parent d’élève, tout usager de l’école désireux de s’informer à la source, sur ces programmes par compétences en vigueur dans notre pays ». Œuvre de vulgarisation de la nouvelle doctrine pédagogique, ce document est un condensé, un véritable compendium de cette doctrine venue d’Europe et à laquelle se sont initiés certains pédagogues béninois. Ecrit sur un ton modéré, exempt de toutes envolées lyriques et dithyrambiques des « fous » de l’Apc, le document n’en est pas moins un produit de la « secte », un exposé fidèle de l’essentiel de la nouvelle doctrine qui dit avoir opéré la révolution copernicienne qui change toutes les données pédagogiques antérieures.
Pour légitimer cette entreprise prométhéenne, le document s’appuie sur la Conférence des Forces vives de la Nation, « cette historique conférence qui a décidé du changement radical de la gestion politique du Bénin », changement politique qui conduit, au plan de l’éducation à « un changement aussi radical dans la conception des programmes scolaires d’éducation ». Est donc juste et légitime la révolution pédagogique née des recommandations de l’historique conférence, « dont on se demande, vingt ans après, ce que sont devenus ses idéaux… Tout indique que nous sommes retournés à nos errements du passé, au point où, à tort ou à raison, des parallélismes saisissants se font de plus en plus entre le contexte sociopolitique actuel tendu et la situation du pays à la fin des années 1990. Apparemment, nous n’avons rien appris, ni rien oublié ». (Cf Dieudonné Datonou : quel bilan pour le génie béninois ?) Panne de changement radical ? Retour aux vieux démons d’hier ?
Il n’empêche, la révolution pédagogiques elle, est engagée; elle fait table rase et toutes les théories pédagogiques antérieures, et déclare la caducité de toutes les démarches pédagogiques appliquées dans l’école dahoméenne, béninoise depuis le commencement. Sans craindre le démenti de l’histoire, avec une allégresse morbide à calomnier le passé, les « fous » de l’Apc affirment que seule la nouvelle pédagogie est « capable de développer (chez l’apprenant) son intelligence, sa capacité de création et son adaptation aisée à des situations nouvelles (cf page 2, 1-2) du document. Ce que l’école dahoméenne, béninoise, n’a jamais fait, et qui se fera désormais grâce à l’Apc, « c’est de promouvoir les qualités humaines (intellectuelles, cultu-relles, sociales, morales) jugées nécessaires pour permettre à l’individu de s’insérer le plus harmonieusement possible dans la société de demain. (Page 8 du document). Tout cela appelle un choix, et ce choix, c’est l’excellence comme valeur fondamentale de notre système éducatif ». (Cf p. 6).
Je ne sais pas si l’excellence est une valeur, surtout fondamentale. Je laisse aux philosophes le soin d’en débattre. Mais j’ai appris de science et d’expérience humaines qu’il y a des valeurs subjectives et des valeurs objectives, et que ces dernières sont les plus à rechercher car elles ont pour nom Vérité, Justice, Bien. On n’affuble ces valeurs d’aucun épithète. Le Bien n’est pas excellent. Il ne s’accommode d’aucun épithète. Je sais que la grande valeur en fonction de laquelle se détermine la conscience, c’est le Bien. Et pour le chrétien que je suis, la valeur des valeurs, la seule qui donne sens à la vie ; c’est l’Amour, et l’Amour porte un nom. Jésus-Christ. Passons -.
Mais si l’excellence devrait être un critère, alors rendons justice à la vieille école, je veux dire l’école coloniale, l’école des origines, et cessons de la vilipender. Si l’on veut, avec toute la probité intellectuelle requise, ouvrir le grand livre de l’excellence, il faut d’abord regarder en arrière. Voilà pourquoi je crois que la première tâche est d’ouvrir une encyclopédie et d’y inscrire les noms de cette foule immense d’hommes et de femmes qui ont fait l’honneur et la gloire de ce pays. Il faudra faire figurer dans cette encyclopédie les noms de tous ces instituteurs et institutrices, de tous ces médecins et sages-femmes, tous ces administrateurs, ces ingénieurs et géomètres formés à l’École Primaire Supérieure Ballot, sortis des Écoles Fédérales William Ponty et autres, oui tous ces anciens cadres aux « qualités humaines, (intellectuelles, cultu-relles, sociales et morales) » qui se sont harmonieusement insérés dans la société de leur temps. Avant l’Apc, il existait une pédagogie et ceux qui ont été formés par cette pédagogie ont été d’excellents cadres. Que cesse cette cécité intellectuelle, que finisse cette mauvaise foi caractérisée qui vilipendent tous ces anciens pour la seule raison qu’ils ont été à l’école coloniale.
Oui, au risque de scandaliser, disons que l’excellence n’est pas devant nous, en tout cas pas encore ; l’excellence est derrière nous. Je brûle d’envie d’ouvrir la grande encyclopédie de l’excellence, et d’y inscrire des noms – Pourra-t-on jamais y inscrire tous ces médecins, sages-femmes, instituteurs et institutrices, ingénieurs, admi-nistrateurs ? Qui citer, qui ne pas citer, sans commettre une grave injustice. La moisson était si abondante. Le fruit était si exquis. Mais cédons à la tentation. Je vois défiler Gilbert Kpakpo, Emile Poisson, Francis Coovi, Paulin Ahoyo, Félicien Nadjo, Adrien Dégbey, Martins Gutemberg, Albert Akindès, Michel Ahouanmènou, Germain Adélakoun (alias, Ibitayo ou Cayodé), l’homme aux chroniques judiciaires si suaves. Je vois venir la cohorte des médecins : Akindélé, Gabriel Lozès, Justin Ahomadégbé, Sagbo, Ewagnignon, Sylvain, Alimi Bello, Nalla. Où mettre les administrateurs François Akplogan, et l’homme du Tchincounmè Benoît Capo-Chichi. Ouvrez large l’encyclopédie, et inscrivez toutes les Rufisquoises et les «Sagafes». Elargissez l’horizon : Houphouët Boigny, Diori Hamani, Boubou Hama, Modibo Kéita. Oui tous ces hommes, formés par le colon, mais qui se sont mis au service de leurs frères africains. Ils ne sont pas aller soigner les malades de France ; ils n’ont pas enseigné les élèves français. Souvenez-vous : Gabriel Kiti, Thomas Mouléro, Adéyèma. Où mettre le grand Gantin ? Oui, la première école de l’excellence, c’est cela. Une autre fois nous parlerons de la génération suivante, aussi prestigieuse, celle des années 40, celles des Pliya, des Edouard Goudoté et des Valère Kiniffo.
On juge d’une pédagogie à ses résultats. Celle de l’école coloniale a fourni les résultats indéniables. Alors ! « On ne cueille pas du raisin sur des épines ni des figues, sur des chardons. C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits et que l’arbre mauvais donne des fruits détestables ». Matthieu (7-16).
Oui, l’école coloniale, l’école des origines, cette école créée ex nihilo, a donné la preuve de son efficacité. Elle a donné de bons fruits parce que c’était un arbre bon.
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