8 décembre à la gloire de la corruption

Un projet ambitieux, qui voulait faire du 8 décembre de chaque année chez nous, au Bénin, la Journée de lutte contre la corruption ! Son institution était quasi consubstantielle à l’avènement du régime dit du changement puisqu’elle a démarré en 2006. C’était alors l’époque où la ferveur populaire était manifeste en faveur du régime, où les espoirs suscités étaient encore légitimes et où l’on pouvait même se permettre de jurer de ce régime. Voire de lui donner le bon Dieu sans confession.

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Sentiments légitimes à l’époque, et  auxquels la célèbre marche verte présidentielle contre la corruption du 16 juillet 2007 donnera encore plus de relief. Comment alors ne pas penser ou croire en la justesse de l’institution de cette journée nationale de lutte contre la corruption, en écho à la journée internationale dédiée à la même cause ? Comment, avec les promesses de bonne gouvernance et la détermination affichée au début par Boni Yayi et compagnie, ne pas croire alors que la chose était possible ?

Depuis, même la marche verte présidentielle contre la corruption, qui vit le président et ses collaborateurs, ainsi que des citoyens visiblement crédules et fiers, battre le macadam doit être évoquée avec honte et confusion. D’inédite, elle est devenue simplement anecdotique. Puis avec les escarmouches sur le terrain de la corruption ou de la mauvaise gouvernance, ponctuées de coups de griffes assénés à Séfou Fagbohoun et consorts, dans un élan jouissif mais aussi revanchard, suivies d’une mémorable demande présidentielle de pardon à ce dernier en son bastion d’Adja-Ouèrè par Boni Yayi en personne, le bateau de la lutte anti corruption a fini par prendre l’eau de toutes parts. Depuis, la lutte contre la corruption semble devenue le cadet des soucis de Boni Yayi et compagnie. Le régime, après avoir raillé la tenue crasseuse de son prédécesseur, s’est taillé sa camisole pour ne pas dire son costume trois pièces, aux couleurs et odeurs de la corruption. Aujourd’hui, c’est assurément le président de l’ONG ALCRER, Martin Assogba, qui a raison quand il parle de la corruption comme étant « le sida financier dans notre pays ». Et dire que depuis février 2006, un projet de loi censée lutter contre la corruption végète dans les tiroirs de l’Assemblée nationale !

Une corruption obèse qui s’est traduite, entre autres, par les scandales se succédant comme les perles enfilées.  Il y eut la fumeuse affaire CEN-SAD qui vit l’Etat béninois, sous la férule du régime Yayi, acheter une paire de gants à 90.000 FCFA et un imperméable ordinaire à 400.000 FCFA pour enfin faire culminer les dépenses superflues imposées à l’Etat à plusieurs dizaines de milliards de nos francs. Il y eut aussi le scandale des machines agricoles où, là aussi, l’unité de mesure a été le milliard. Il y eut l’avion présidentiel, il y eut le placement d’argent illégal dit ICC Services et consorts avec la bénédiction du gouvernement. Un scandale qui siphonna, d’après le FMI, pas moins de 155 milliards de FCFA en quatre ans aux citoyens qui, pour l’essentiel, tiraient déjà le diable par la queue ! Comment oublier les gaspillages récurrents et rédhibitoires d’argent et de temps ? Comment ne pas évoquer la corruption populaire entretenue au sommet de l’Etat même, qui amène, sous couvert de générosité, à distribuer aux populations de l’argent à tour de bras, tel le Père Noël distribuerait des cadeaux aux enfants ? Et cela, que ce soit à la présidence de la République ou à l’occasion des déplacements à l’intérieur du pays ? A tout cela, il faut forcément ajouter les marchés publics colossaux qui s’attribuent en gré à gré, à la tête du client et certainement de ses capacités à assurer le retour sur investissement.

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Et dire que chaque fois, même pour les cas avérés, il n’y eut, au mieux, que des simulacres de sanctions puisque nombre de prévaricateurs épinglés, même en Conseil des ministres, ont été ensuite promus et célébrés ! On le voit bien, s’il faut compter sur ce régime pour faire reculer les frontières de la corruption, nous attendrons que le Christ revienne le lendemain de sa venue. L’habit de la corruption lui sied tellement qu’il finit par s’y complaire. Dans un panégyrique de la région méridionale du pays on dit que « Même si vous êtes bien habillé, l’ennemi ne le reconnaîtra pas ». Reconnaissons au moins que le régime Yayi, guêtré dans ses oripeaux de corruption, n’a pas encore son pareil. C’est ce qui fera dire à Bruno Amoussou que de leur temps à eux, sous le général Mathieu Kérékou, « Si on mangeait avec la cuillère, aujourd’hui on mange avec la louche ». Qui dit mieux ? En la matière, le régime Yayi remporterait la palme d’or que personne ne trouverait à redire…

Et si on se passait du 8 décembre en attendant ?

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