La crise ivoirienne et l’avenir de la zone franc

La Côte d’Ivoire pèse pour près de 40 % dans l’économie de l’Afrique de l’Ouest francophone. A elle seule, elle conforte en permanence l’état excédentaire des comptes d’opération des pays de l‘UEMOA ouverts auprès du Trésor français, condition de  base de la garantie de la France au franc CFA. La zone franc est actuellement malade, car il y a longtemps que la règle de la libre convertibilité au sein de cette zone n’est plus respectée entre le franc CFA  géré par la BCEAC et celui géré par la BCEAO, à cause du déficit chronique des pays d’Afrique Centrale francophone ;

Publicité

c’est-à-dire que le franc camerounais, gabonais, centrafricain, congolais n’est plus librement échangé dans les banques de l’UEMOA. Il est évident que la France ne continuera pas à éponger éternellement le déficit de cette partie de la zone. Or, seule la Côte d’Ivoire contribue de par son poids économique, à maintenir excédentaires  les comptes d’opération des pays de l’UEMOA d’abord et de toute l zone ensuite. Donc la stabilité économique de la Côte d’Ivoire est nécessaire à la bonne santé financière  de toute la zone, à commencer par les pays de l’UEMOA. Or, Laurent GBAGBO, socialisant et plutôt opposé à la démission des pays francophones d’Afrique qui ont jusqu’ici renié une bonne partie de leur souveraineté en s’en remettant à une puissance étrangère pour la gestion de leur politique monétaire et financière, accentuera cette velléité d’indépendance nationale si par extraordinaire, il l’emportait dans la course au pouvoir qui l’oppose désormais à Alassane OUATTARA. Si donc, il en sort vainqueur (et ce n’est pas impossible, car il a avec lui les forces armées et une bonne partie de l’administration d’Etat, donc les régies financières), il et plus que probable qu’il pousse son pays à sortir de la zone franc, précipitant de ce fait la fin de cette zone qui n’intéresse la France que lorsqu’elle est excédentaire. Si la crise politique persiste, cela nuira au climat des affaires, et l’économie ivoirienne en pâtira à plus ou moins brève échéance. Ce qui rejaillira sur la santé du franc CFA dont le déficit dans les pays d’Afrique Centrale est compensé par l’excédent des pays de l’UEMOA dont la Côte d’Ivoire est en partie responsable. Par contre si c’est Alassane OUATTARA qui l’emporte, la position de la zone franc s’en trouvera confortée de par le double effet de ce libéral francophile au pouvoir à Abidjan :

 

  1. Consolidation institutionnelle de l’UEMOA et de la zone franc en général ;
  2. Coup de fouet à l’économie ivoirienne.
    Au fait, le débat sur la zone franc est souvent plus idéologique que technique : cette zone ne tient actuellement que parce que les pays africains francophones commercent préférentiellement avec la zone euro à qui la zone franc est arrimée par un taux de change fixe des deux monnaies. En voulant importer d’autres zones monétaires, surtout la zone dollar, les pays de la zone franc auront besoin de devises que la France leur donne, à condition que de par leurs exportations, ils apportent une quantité équivalente de devises à la Banque de France ! Or, les pays asiatiques, surtout la Chine et d’autres pays émergents sont là ; leurs produits sont presque toujours moins chers à cause de leur main d’œuvre moins chère. Faut-il abandonner les appareils GSM et ordinateurs chinois moins chers pour se tourner vers les appareils européens plusieurs fois plus chers ? On peut avancer comme critère différentiel la qualité. Mais quels sont ceux qui se soucient d’avoir un portable nokia plutôt à 300 000 francs et non 30 000 francs ?  Ceux qui ont leurs revenus confortés par leur position ans l’appareil d’Etat et qui peuvent arrondir leurs revenus en ayant recours aux fiances publiques. On voit que par cet effet pervers courant en sciences sociales, la radicalisation de Laurent GBAGBO, abandonné par toute la Communauté internationale, à condition que sa résistance porte ses fruits, fera de lui un révolutionnaire, sinon un patriote progressiste qui poussera les pays africains à sortir du giron de la France, à commencer par la renonciation à la garantie monétaire de l’ex-Métropole ! Cet effet pervers se manifeste déjà par le nombre d’intellectuels qui prennent son parti, vouant aux gémonies cette communauté  internationale sélective et hypocrite qui baisse souvent les bras devant d’autres cas de hold-up électoral. Insidieusement, Laurent GBAGBO est en train de devenir un David fragile mais rusé dont on souhaite qu’il triomphe de tous ces Goliath arrogants. Gravissime. Les élites africaines semblent ainsi se « foutre » pas mal de la démocratie libérale à l’occidentale, préférant d’abord le développement et l’indépendance nationale. Le débat est lancé : faut-il un GBAGBO patriote et socialiste plutôt qu’un ADO pro-occidental et libéral, même si le choix des urnes l’a porté au pouvoir ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité