La LEPI, un outil indispensable mais pas à n’importe quel prix

Que ceux qui sont contre la LEPI lèvent « la main »… Résultat du vote : zéro contre et zéro abstention. Si telle est la position de tout le monde, pourquoi s’ingénie t’on alors à faire croire qu’il y en a qui sont opposés à cet instrument pendant que d’autres en sont les défenseurs acharnés ?

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Pourquoi tant d’efforts à démontrer son utilité et sa nécessité alors que cela va de soi ?

 

A force d’entendre incessamment des non experts et la plupart de ces braves gens, certes intelligents, mais maîtrisant très peu les questions électorales, on ne finit qu’à susciter de l’anxiété et de la confusion dans l’esprit des béninois.

Maudite LEPI « qui donne le tournis même aux sobres gens » dira t’on, et qui continue son périple telle une tortue portant sur son dos l’arche de Noé.

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Le processus de réalisation de la LEPI n’est pas sans écueils. Pour peu que la loi elle-même, à l’origine compte des incommodités. Si certains trouvent qu’il n’est pas adéquat d’arrêter le processus en vue de son évaluation d’autres, voyant le verre à moitié plein ou à moitié vide estiment qu’il est indispensable d’arrêter avant de procéder à cette évaluation. Vous auriez noté qu’il y a déjà un accord pour évaluer ce qui a été fait jusque là. C’est cela qui est positif et rationnel. Car toute œuvre humaine est perfectible si tant est que le bien être collectif l’emporte sur l’addition des intérêts individuels.

Notre LEPI loin d’être parfaite a cependant besoin d’être évaluée pour améliorer les performances de ce qui s’est fait jusque là ou se fait actuellement. En ce sens, nous ne devons que faire un plaidoyer à l’endroit des uns et des autres pour concilier les positions. L’essentiel est que nous nous entendions sur ce qui doit être la ligne jaune à ne franchir par n’importe quel camp. Et cet essentiel est qu’il y a des difficultés objectives liées au processus, d’autres pour la plupart techniques même si certaines sont aussi politiques et qu’on ne saurait nier. Fondamentalement, à ce que je sache, personne n’a eu à déclarer une opposition frontale et franche à la LEPI. Le reste porte sur les détails de sa mise en œuvre. Des détails qui ont quand même leur importance. Il s’agit certes, d’un outil technique mais destiné à une matière politique, les élections. Il va de soi que la confiance ne peut pas être de mise. Il est donc  important que ceux qui sont en situation de rassurer le fassent.

La conférence nationale a fondé le consensus en politique, et a même élevé le dialogue politique entre des gens que tout opposait, à un niveau rarement égalé en Afrique

Un léger état des lieux s’impose afin d’éclairer ceux qui en ont le plus besoin.

 

1°) La LEPI avait une histoire écrite

Le concept de Liste électorale permanente et informatisée (LEPI) au Bénin s’est développé au

travers de cinq études successives , à partir de 1998 (Etude de faisabilité PNUDIFES pour la mise en place d’une liste électorale permanente LEPI (1998) ; Mission d’appui technique et de sensibilisation pour l’opérationnalisation de la liste électorale permanente informatisée

LEPI (2000) ; Etude du PNUD sur le renforcement du système électoral béninois, (2003) ; Etude DANIDA sur la Liste électorale permanente informatisée au Bénin (2004) ; Faisabilité technique et financière de l’amélioration du système électoral et de l’élaboration de liste électorale permanente informatisée (LEPI) au Bénin (MCRI-SCBE, 2004)).

Les divers éléments qui concourent à la définition de la LEPI – recensement porte-à-porte, biométrie, informatisation, référence au « calme électoral », etc. – ont été introduit progressivement.

 

Dans un contexte sociopolitique marqué par une méfiance séculaire, héritage des pères de l’indépendance, exacerbé par une tension permanente auto-entretenue, la prise en compte des points de vue des acteurs dans le cadre de la mise en place de la LEPI constitue, a priori, un facteur important pour la réalisation de ce projet.

En effet, lors des rencontres organisées au cours de la mission de terrain, l’échec de l’expérience de 2004 a généralement été attribué à un manque de volonté communément partagée et une approche trop dirigiste. Le Bénin dispose d’institutions constitutionnelles stables (Exécutif, Législatif, Judiciaire) et d’une société civile qui ont, chacune, de par leurs compétences et attributions, un rôle à jouer dans la mise en place d’une LEPI et dont il convient de tenir compte. L’Assemblée Nationale, en particulier, dans la mesure où des adaptations à la loi sont nécessaires, est appelée à jouer un rôle crucial. Ceci différencie drastiquement le Bénin d’autres pays où la mise en place de listes électorales consensuelles a reposé sur des formules extra-institutionnelles. Le caractère inclusif et transparent des opérations est également apparu comme une exigence fondamentale des acteurs politiques. Ainsi, il a été fréquemment demandé que des garanties soient établies pour permettre le suivi effectif des opérations dans l’ensemble du pays par les forces politiques, indépendamment de leur implantation spécifique, et qu’un accord existe quant à la nature et à la composition des structures qui seront en charge du pilotage des opérations et de leur suivi

Les listes électorales ont toujours été l’objet de vives contestations au Bénin. On sait en effet que la reconnaissance officielle du droit de vote aux citoyens d’un certain âge ne suffit pas. De nombreux moyens existent pour dénier l’exercice de ce droit ou pour tronquer les résultats par exemple en posant des obstacles à l’inscription des citoyens de certaines conditions géographiques, sociales ou raciales…, en favorisant l’inscription des étrangers et autres personnes ne remplissant pas les conditions légales de s’inscrire.

Au Bénin, on dénonce à chaque élection des insuffisances comme :

–          les fraudes en inscription par l’inscription des étrangers et mineurs et des repris de justice ;

–          l’insuffisance de postes de recensement par rapport à l’importance de la population ou par rapport aux distances séparant les agglomérations ;

–          création par endroit de postes fictifs de recensement ;

–          la mauvaise tenue des listes électorales par des agents recenseurs mal formés ou malveillants ;

–          la saisie de listes par des agents recenseurs pour non paiement immédiat ou insuffisance de leurs perdiems, trafic de cartes d’électeurs etc.

Comme illustration en 2001 et 2006, la liste électorale a été vigoureusement contestée par la plupart des candidats du fait d’une différence nette entre le nombre d’inscrits publié par la CENA et celui publié par la Cour Constitutionnelle[1]. De même, le nombre d’inscrits publié par la Cour a varié entre les deux tours du scrutin, ce qui pose le problème de la fiabilité de la liste.

Le renforcement du système électoral béninois nécessite donc qu’il soit mis en place progressivement un fichier électoral moderne et crédible. Autrement dit, une liste électorale permanente informatisée (LEPI). Car cette dernière est un instrument de gestion et d’organisation d’un processus électoral (élections de tout niveau : référendum, consultations populaires, etc.) établi, contrôlé et géré dans la transparence au moyen de l’informatique.

Cet instrument a été proposé depuis quelques années à la suite d’une étude réalisée avec le concours du PNUD. Mais le couplage qui a été préconisé par la suite avec l’établissement de l’état civil en a rendu le coût prohibitif. De plus, la succession des élections et la pression que celles-ci exercent sur les acteurs politiques n’ont pas permis d’examiner la question sans se départir de la pression d’une élection.

2°) Que faire ?

L’enthousiasme nationaliste et démocratique qui a animé les participants à la Conférence des Forces vives de la Nation les a conduits à opter pour un Etat dans lequel l’autorité des pouvoirs publics ne peut prendre sa source que dans la volonté du peuple, exprimée au cours d’élections libres, sincères et transparentes tenues avec régularité, au suffrage universel.

L’outil fondamental permettant l’expression de ce suffrage est la liste électorale. Une liste permanente, informatisée avait été prévue par la loi. Mais la classe politique a toutes les fois hésité à la mettre en oeuvre.

Or, la non fiabilité de la liste est une lacune favorisant la fraude. En effet les lois électorales prévoient que l’inscription sur la liste électorale peut se faire sur présentation de la carte nationale d’identité, de l’acte de naissance, du jugement supplétif, du passeport, du livret de pension militaire ou civile. Les lois indiquent en outre qu’à défaut de ces documents ou en cas de doute sur l’identité, la nationalité béninoise ou l’âge du candidat à l’inscription, il est fait recours à l’arbitrage du conseil de village ou du quartier de ville. Cette disposition adoptée depuis la loi de 1995 ne prenait pas en compte l’esprit de fraude injecté dans les élections après les premières élections du renouveau démocratique.

En effet, pour chaque élection distante de la précédente de plus de six mois, on a été obligé de confectionner une liste électorale à grands frais avec son cortège de contestations dues à des inscriptions frauduleuses, à de doubles inscriptions, à d’inscriptions de mineurs et d’étrangers. L’évolution technologique conduit aujourd’hui à recourir à un outil performant qu’est la liste informatisée à condition qu’elle soit crédible, fiable et consensuelle.

Je suis convaincu que nous pouvons encore faire économie de rigueur, de dialogue, de communication, d’anticipation, de gestion par ordonnancement quand il s’agit de « quelque chose » qui ne peut être fait dans la précipitation parce que le cahier des charges de sa mise en œuvre et son financement viennent des « maîtres ».

Une LEPI à tout prix sans consensus serait pire qu’une Intifada. Mais ce serait un danger aussi d’avoir une liste électorale bâclée, non élaborée selon les exigences de notre loi fondamentale mais selon des méthodes venant d’ailleurs et soi disant universellement reconnues.

Il s’agit d’aller lentement mais sûrement à cette œuvre dans cette réforme majeure du système électoral qui a ses résistances, ses tentatives de contournement, cela va de soi.

En conclusion

Un des problèmes qui nous retarde et qui est révélateur du refus de développement, plus subconscient que comportemental, est que ceux qui ont la connaissance des dossiers ne sont pas toujours ceux qui sont appelés à les gérer. Tout simplement parce que le fait politique a pris trop d’espace dans notre organisation, notre fonctionnement économique et social.

Heureusement que dans toutes les familles politiques, il y’a encore des gens raisonnables.

Chacun devrait alors se hausser au dessus de ses intérêts partisans et se dire :

« bien sûr il y aura un jour l’alternance dans notre pays ; c’est dans l’ordre naturel de la démocratie. Mais que par rapport à la question de la LEPI ; ça n’appartient pas à l’opposition ou aux partisans du Chef de l’Etat, pas plus à FCBE & Cie, UMPP, FRAP, encore moins à ABT, UN etc. Ca n’a pas de sens.

La LEPI appartient à l’intérêt national et j’aimerais que pour ça que notre pays le Bénin progresse. Qu’il fasse comme les ghanéens, les sud-africains … »

Car je crois bien qu’il y’a un certain nombre de sujets plus grands que nos petites personnes.

Et que chacun gagne en crédibilité en faisant l’effort de nous dire la vérité à nous béninois.


[1] NDI/USAID : Les variations du nombre d’inscrits in Evaluation des élections présidentielles de mars 2001,

Table ronde des partis politiques, CNCB. Cotonou les 16 et 17 août 2001 p. 63

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