Réflexions sur la crise ivoirienne à la lumière du droit international

La charte des nations Unies, comme chacun est censé le savoir, mentionne sans aucune ambigüité l’égalité souveraine des Etats membres et le principe de non ingérence dans les affaires relevant de la compétence nationale. Ces deux principes fondamentaux, ne sont pas toutefois opposables aux mesures exceptionnelles que le conseil de sécurité serait amené à prendre en vertu du chapitre VII de la charte en vue de préserver la paix et la sécurité où qu’elles soient menacées. Cette non opposabilité s’applique à la situation particulière qui prévaut en Côte d’Ivoire depuis des années et dont personne, pour l’instant, ne peut prévoir avec certitude la fin. Alors, que le président Gbagbo et ses participants soulèvent l’exception de compétence nationale au regard de l’attitude de la communauté internationale face au drame que connaît actuellement le peuple ivoirien, n’est  rien d autre qu un  abus de  langage inacceptable.

La raison d’être des principes de souveraineté et de non ingérence

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La souveraineté a été explicitement formulée pour la première fois en 1576 par le juriste Jean Bodin dans son livre en 6 volumes, intitulé la République. Cette formulation est née d’un constat amer. La France était confrontée à une situation de chaos due aux guerres civiles et religieuses, aux féodalités et au pouvoir ecclésiastique. Dès lors, pour Bodin, il importait de renforcer la monarchie en la dotant de la « summa potesta » ou souveraineté, sans laquelle l’Etat ne peut en aucun cas, être gouverné. Ce pouvoir permet à l’Etat de faire des lois qui s’imposent à tous. En d’autres termes, pour Bodin, la souveraineté était « un principe essentiel de droit interne destiné à ordonner la société politique ». Avec le temps, ce concept se trouve couplé avec celui de non ingérence pour que l’Etat soit pleinement en mesure de gérer ses affaires sans encombre. C’est cette capacité d’administration sans contrainte, de créer librement les conditions d’un véritable épanouissement individuel et collectif qui fait la raison d’être de ces deux principes. Il convient d’affirmer clairement que la souveraineté ne confère pas à l’Etat le droit de se mettre au-dessus de ses propres lois et de la légalité internationale. On est donc fondé à dire que la souveraineté n’est pas un rempart, pour employer l’expression de Kofi Annan, et que de ce fait, elle a des limites. Tout Etat libre et souverain, a l’ultime responsabilité  de protéger ses ressortissants et d’œuvrer dans le sens de leur épanouissement. Lorsqu’il ne le fait pas, lorsqu’il n’assure pas la paix et la sécurité, lorsqu’il porte manifestement atteinte à la dignité, le conseil de sécurité, au nom de la communauté internationale, prend ses responsabilités en vertu du chapitre VII de la charte. Il s’agit là  à la fois d’un droit et d’un devoir  d ingéresnce humanitaire visant à assurer la protection des individus relevant de la juridiction de l’Etat défaillant.

La situation en Côte d’Ivoire

Depuis des années, ce pays se trouve dans une instabilité inacceptable à cause de la course au pouvoir dans laquelle se sont engagés les hommes politiques, chacun à sa manière. L’ampleur de la crise était telle que, plusieurs réunions çà et là, plusieurs tentatives s’étaient révélées nécessaires. La présence de l’ONUCI jusqu’à ce jour, en vertu du chapitre VII a valeur de dissuasion et de protection. On pensait à juste titre que la présence de Guillaume Soro aux côtés du président Gbagbo contribuerait sans coup férir à la paix et à l’organisation d’élections présidentielles libres démocratiques et transparentes. Celles-ci l’ont été, de l’aveu de l’opinion publique internationale. A partir de là, il est normal que le verdict des urnes s’impose à tous sans exception. Ces élections visant à permettre le retour à une vie normale génératrice de relance économique et sociale, semblent ouvrir la voie à une recrudescence de la crise à la surprise de tous les observateurs et analystes. Que disent les différentes composantes de la communauté internationale ? Elles affirment sans ambages que le vrai vainqueur est Allassane Dramane Ouattara sur la base des résultats réels. La communauté internationale dans son ensemble, a pris résolument et clairement le parti de la vérité, comme l’a fait éloquemment et courageusement Guillaume Soro. Il y a lieu de sourire d’une façon ou d’une autre, lorsque le camp présidentiel taxe les différentes composantes de la communauté internationale d’ingérence et d’atteinte à sa souveraineté. Ce camp est tenu de s’interdire de continuer à croire que la souveraineté est un rempart, alors qu’en vérité, avec l’évolution du droit international contemporain, elle a des limites. Le camp présidentiel ne doit pas se prévaloir de quoi que ce soit pour adopter des comportements générateurs de chaos, d’affrontements apocalyptiques et de misère. Il faut dire et redire que le camp du président Gbagbo ne peut pas continuer à croire que l’exception de compétence nationale ouvre la voie à tout comportement. La communauté internationale est tenue d’user sans complaisance de son droit de regard sur la situation de deux présidents et de deux gouvernements qui actuellement, prévaut malheureusement dans ce pays frère. Le conseil de sécurité, habilité à prendre les grandes décisions face aux crises menaçant la paix et la sécurité doit agir très vite dans l’unité avec la plus grande fermeté qui soit pour épargner aux ivoiriens des sacrifices inutiles. Les réactions provenant de part et d’autre à travers le monde, et qui du reste sont très encourageantes, ne sont pas les faits d’hommes, de femmes et d’institutions irresponsables, mais plutôt les faits de personnes et de structures qui sont du côté de la raison et d’une légalité réelle et non factice.

Conclusion

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Le droit international ne fait pas et ne saurait faire de la souveraineté et de la non ingérence des instruments juridiques que l’on peut mettre en œuvre comme on veut. L’ingérence que l’on observe maintenant en Côte d’ivoire, et qui est parfaitement dans l’ordre des choses, doit persister, s’amplifier énergiquement pour éviter une aggravation de la crise préjudiciable à l’épanouissement du peuple ivoirien qui a exprimé souverainement sa volonté.

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